Nationalisme chinois : rengaine satanique ou légitimes relevailles ?

Publié le 17 janvier 2010 par Florent

Parlons de ce sujet qui me taraude sérieusement : le nationalisme chinois

Résumons le questionnement en deux points :

- Sait-on de quoi on parle quand on évoque le “nationalisme chinois”  (ou les nationalismes chinois) ?

- Celui-ci est il une aspiration légitime ou une dangereuse glissade ?

 J’ai beaucoup lu sur ces questions, avec beaucoup de frustrations sur des propos aussi virulents que peu convaincants.

Mes enfants à Kunming, au Yunnan

Je m’appuierai sur deux documents que voici en lien :

- une longue et touffue discussion que j’ai lancée sur un forum avec le titre “qu’entend-on par nationalisme chinois?” (je n’en conseille pas la lecture ; ce billet de blog en fait la synthèse)

- un excellent article de Jean Pierre Cabestan dans la revue perspectives chinoises : les multiples facettes du nationalisme Chinois. (j’en conseille la lecture, et j’en ai publié un commentaire ici)

Mon plan sera le suivant :

  1. Explorer les notions de nationalisme telles qu’elles s’expriment en français, en anglais, et en chinois. En tirer une définition du nationalisme, mais aussi des anomalies, des ambiguïtés, des pièges qui sont sans doute la source de beaucoup d’incompréhensions.
  2. Tenter de positionner l’émergence de la nation dans l’histoire chinoise
  3. Risquer une formulation sur la peur que beaucoup d’Européens  nourissent vis-à-vis du nationalisme
  4. Qualifier les différents courants nationalistes chinois d’aujourd’hui.

Avant de parler de nationalisme chinois, autant s’entendre sur ce qu’est le nationalisme.

- Sait-on de quoi on parle quand on évoque le “nationalisme chinois”  (ou les nationalismes chinois) ?

Et là les réponses divergent.

Creusons en comparant différentes versions de wikipedia du nationalisme, en différentes langues (une démarche que j’avais trouvé intéressante pour étudier la notion de culture )

Vision Française

Encore mes enfants à Kunming, mais ils sont eux-mêmes cette fois...

 Wikipedia en francais en fait une notion largement Européenne, qui se serait plus ou moins déployée dans d’autres pays. Mais l’article ne mentionne nullement la Chine, un des plus vieux états du monde.  On y lit cette phrase de Durkheim :

“Tout retour d’un nationalisme étroit a toujours pour conséquence un développement de l’esprit protectionniste, c’est-à-dire une tendance des peuples à s’isoler, économiquement et moralement, les uns des autres”

Si cette phrase est juste, autant oublier l’existence d’un nationalisme chinois. Peu de gens contesteront l’extraordinaire ouverture du pays depuis quelques décennies. Les chinois sont extraordinairement ouverts et curieux des choses de l’étranger. Il y a là deux phénomènes apparemment inconciliables .

Au XXe siècle, précédemment limité à l’Europe et aux États-Unis d’Amérique, le nationalisme s’étend dans les pays du Sud qui contestent l’assimilation des nationalistes du Nord qui les a conduit à être colonisés.

Selon wikipedia en Français, le nationalisme s’est développé au Nord et plus ou moins diffusé dans le Sud. Et la Chine là dedans ? Faut il ranger l’orient dans la case “Sud” ? L’article de Wikipedia en Français me semble malheureusement trop “européo-centré” pour aborder légitimement l’existence d’un nationalisme chinois.

Le dictionnaire littré lui même présente une notion essentiellement Européenne, et plutôt ambigue sur le degré de danger qu’elle comporte.

Dans son premier sens le nationalisme est (…) très largement marqué dans un sens révolutionnaire et se confond avec la conscience nationale révolutionnaire

Le fondement historique du nationalisme serait révolutionnaire. Il faudrait passer par une révolution pour voir émerger une nation au sens moderne, objet du culte appelé nationalisme. La France aurait ainsi “tracé la route” du nationalisme.

La Chine a connu ses révolutions ; je crois qu’elle ne montre pas aujourd’hui de “grande ambition révolutionnaire”. De grandes ambitions oui, mais révolutionnaires non. La construction de la nation en Chine se caractérise par une histoire très longue, cahotique depuis deux siècles, mais bien peu semblable aux parcours de la France, de l’Angleterre, ou des Etats-Unis. C’est sans doute pour cela que l’article wikipedia sur le nationalisme ignore aussi royalement l’histoire et l’expérience chinoises.

Vision Anglo-saxonne

L’article de Wikipedia en anglais est beaucoup moins dogmatique et étroit que l’article en francais.

J’y trouve une définition du nationalisme par degrés, qu’il est intéressant de reproduire ici :

Nationalism generally involves the identification of an ethnic identity with a state. The subject can include the belief that one’s nation is of primary importance. It is also used to describe a movement to establish or protect a homeland (usually an autonomous state) for an ethnic group. In some cases the identification of a homogeneous national culture is combined with a negative view of other races of cultures. 

  • Premier degré : prise de conscience de liens identitaires ethniques au sein d’un état.
  • Second degré : affirmation de l’importance première de la nation
  • Troisième degré : Vue négative d’autres nations ou d’autres ethnies.

On y lit qu’un nationalisme peut être réactionnaire ou bien révolutionnaire. On mesure l’opposition entre le nationalisme et le phénomène plus récent de Cosmopolitanisme. Cette opposition ouvre le champ à des questions beaucoup plus intéressantes, dans le contexte chinois, que celle de savoir si le nationalisme est nécessairement révolutionnaire.

Si l’on oppose la conscience citoyenne (je suis Chinois) et la conscience universelle (je suis Humain), le nationaliste serait celui qui préfère la première à la seconde. Celui qui au nom de la première va se confronter à d’autres personnes d’autres pays.

L’article anglophone poursuit par la description de diverses formes de nationalisme : l’ultranationalisme, la pureté nationale (Wiki donne en exemple cette merveilleuse phrase du sublime et lumineux timonier George W Bush : “No, I don’t know that atheists should be considered as citizens, nor should they be considered patriots. This is one nation under God” ), le nationalisme “civique”, le nationalisme ethnique (dont voici la définition “Ethnic nationalism is based on the hereditary connections of people. Ethnic nationalism specifically seeks to unite all people of a certain ethnicity heritage together. Ethnic nationalism does not seek to include people of other ethnicities.” Cette définition s’applique très bien au Japon du début XXe me semble-t-il),  le nationalisme expansionniste, le nationalisme de gauche …

La définition me semble alors beaucoup moins poussiéreuse que celle des sources françaises plus haut.

Vision Chinoise

Le terme chinois pour le nationalisme, c’est 民族主义 : on fait référence à l’ethnicité, mais pas à la nation ou au pays tel qu’on le retrouve dans le nom de la chine 中国 (pays du milieu). Le pays Chine compte aujourd’hui 56 民族 , c’est à dire ethnies, plus ou moins minoritaires. Elles ont souvent leur propre langue, parfois leur propre écriture (Dai, Tibétains, Ouighours, Zhang…). Si le nationalisme est l’exhaltation de la nation, en Chine il vaudrait mieux parler de l’exhaltation des nations ?
Le terme de nationalisme semble difficile à appliquer à la Chine, qui se considère comme terre hébergeant une multiplicité de nations-ethnies.

Ces ethnies au sein de la nation ont bien évidemment des poids très différents ;  avec une domination des chinois Han 汉(漢). Doit-on alors parler d’un nationalisme Han, d’un nationalisme Tibétain, d’un nationalisme Cantonais ? Le terme chinois pour le nationalisme, , s’y prète très bien. Mais on parle souvent du nationalisme chinois, avec un périmètre étendu à tout le pays. Finalement, en se transposant en Europe, c’est comme si on parlait de “nationalisme” pour désigner le nationalisme français, ou grec, ou portugais, et de “nationalisme” pour parler d’un sentiment d’être Européen, une sorte de “conscience de civilisation” qui n’aurait plus grand chose à voir avec le nationalisme.

Bref, le terme de nationalisme s’applique à deux niveaux en Chine : au niveau de l’ethnie et au niveau de la nation toute entière.

 Regardons maintenant l’article de wikipedia en chinois sur le nationalisme

民族主义,亦称国族主义或国家主义,为包含民族、种族、与国家三种认同在内的意识形态,主张以民族为人类群体生活之「基本单位」,以作为形塑特定文化与政治主张之理念基础。具体的说,其主张为:民族为「国家存续之唯一合法基础」,以及「各民族有自决建国之权」。民族主义与爱国主义无从区分。开化的社会过去大多强调民族共同体,而最近则着重于由国家或政府陈述的文化或政治共同体。

Je tente une traduction du début (corrections bienvenues)

Le nationalisme (民族主义, littéralement peuple-clan-”isme”), parfois aussi appelé patriotisme (国族主义, littéralement  pays-clan-”isme” ou “国家主义”, littéralement pays-famille-”isme”),  inclut les groupes ethniques, les races, et le pays. C’est une idéologie valorisant l’identification sur ces trois points, en considérant le groupe ethnique comme la “principale unité” du corps social.   

On voit une référence à la race 种族 qui surprend quelque peu dans un texte publié par wikipedia, et qui confirme l’ambiguité de cette notion d’ethnicité qui entre dans le mot chinois de nationalisme.   La suite de l’article me semble plus proche des articles en anglais de wikipedia.

Le nationalisme chinois, un terme piège

Comme on le voit dans cette première partie, il est difficile de parler de nationalisme chinois :

  • Tendance française à s’estimer “inventeur” du nationalisme (depuis la révolution) et à limiter son point de vue en ignorant l’histoire de la formation de la nation en Chine, état dont l’existence a plus de deux mille ans.
  • Ethnicité très présente dans la nationalité au sens chinois ; ce qui pose une difficulté pour aborder la nation au singulier, à moins de confondre l’ethnie dominante (han) avec la nation.
  • Vision d’un nationalisme étroitement associé à une fermeture : cette vision semble difficilement appliquable à la Chine contemporaine

Et de ce fait beaucoup des jugements qu’on lit ici ou là sont biaisés par ces difficultés. La prochaine fois qu’un français s’indigne du nationalisme chinois devant moi, je lui demanderai d’abord de m’expliquer de quoi il parle.

- L’émergence de la nation dans l’histoire chinoise

Disons le tout de suite ; je ne suis pas historien et la question est complexe. Je n’ai pas la prétention de répondre à cette question, je voudrais juste montrer qu’elle est importante, qu’elle conditionne le fait de parler du nationalisme chinois en connaissance de cause.

Le sujet est particulièrement délicat, car l’histoire (particulièrement chinoise) a une tendance à être réécrite selon les besoins de la “communauté imaginaire” (selon l’expression de Benedict Anderson). J’avais observé cela en voyageant deux fois en Afrique du Sud : avant et après l’Apartheid. J’avais pu consulter des manuels d’histoire et voir combien l’histoire avait été réécrite ! Notons bien, avec M Anderson, que ces “communautés imaginaires” et le nationalisme qui les rassemblent ne sont pas vus négativement ! Elles contribuent à l’identification et à la mobilisation par le rêve et l’idéal qu’elles offrent.

Bornons nous juste à donner quelques jalons historiques prémodernes, éclairants sur la formation de l’idée de nation en Chine :

Nous n’aborderons pas les origines mythiques et légendaires de la civilisation chinoise (par exemple l’empereur Yu le grand).

-221 : La formation de l’Etat Chinois est généralement située à l’unification des royaumes combattants par l’empereur Qin ShiHuang 秦始皇 au troisième siècle avant JC : il standardise la langue écrite, les poids et les mesures, fait construire la grande muraille. Le fait qu’il ait combattu pour l’unité chinoise et se proclame empereur 始皇帝 nous amène à envisager un premier degré de nationalisme au sens de “prise de conscience des liens unissant des peuples sur un territoire”. Ceci serait renforcé par l’appellation “Pays du milieu”, mais ce terme de 中国 semble plutôt être un pluriel, désignant certains royaumes du centre mais pas “la Chine”. Bref, nous assistons à l’émergence d’un empire, supérieur aux royaumes qu’il a conquis, mais plutôt semblable à ce que nous avions en Europe antique avec les grecs ou les romains : un empire qui se croit seul au monde. Ce qui est différent d’une nation comme pouvait l’être la France au XVIIIe siècle, c’est à dire consciente d’elle-même et consciente des autres nations (Angleterre, Allemagne…).

1127 après JC :  Un millénaire plus tard, la dynastie chinoise Song 宋 subit des revers face aux tribus du nord : les Jin  (Jurchen proches des Mandchous) et les mongols menés par Gengis Khan (qui fonderont en 1271 la dynastie suivante, celle des Yuans). En 1127, la dynastie Song a subi une cuisante défaite face aux Jin 金 qui ont capturé la capitale Kaifeng et l’essentiel de la cour (l’humiliation de 靖康之恥). Le reste de la cour doit s’enfuir vers le sud, franchir le Yangtsé, et se réfugier à Hangzhou.

La défaite d’une dynastie chinoise face à des barbares du nord (les Jurchens) est vécue comme une immense humiliation. Les troupes chinoises se battent pour tenter de récuperer le nord de la Chine. Parmi ces troupes chinoises se trouve un général, réputé pour ses talents d’archer, et nommé Yue Fei 岳飞. Ce général est mentionné dans de nombreuses annales historiques, mais la légende se mêle souvent au récit de ses prouesses militaires pour sauver la Chine des envahisseurs du Nord. Parmi les éléments douteux de sa vie figure un trait intéressant pour nous aujourd’hui : Yue Fei aurait porté sur le dos un tatouage en quatre caractères : 尽忠报国; (qui s’écrivait alors 盡忠報國), ce qui signifie “servir loyalement le pays, jusqu’au bout”.  On retrouve ici, dans l’héroisme maintes fois célébré du général Yue Fei, une conscience nationale qui convient bien à cet aspect de la définition du nationalisme par wikipedia : “Il entend toujours défendre une identité nationale, justifiée par une communauté historique et culturelle, face à une agression extérieure”.

1672 : La dynastie Ming est tombée depuis l’entrée des Mandchous à Pékin en 1644 et le suicide de l’empereur Ming Chong Zheng 崇祯. Il reste quelques bastions Ming au Sud du pays, qui seront vite écrasés par la dynastie Mandchoue Qing. Un moine, descendant de la famille impériale Ming et nommé ChuTa (ou ZhuDa : 朱耷), subit en 1672 un second drame à la mort de son père spirituel, l’abbé Hong Ming. Il entre dans une prostration étrange : il refuse de parler à quiconque pour le reste de sa vie, et place le caractère 哑(F啞), qui signifie “muet”, sur sa porte. Il restera toutefois un artiste exceptionnel, poète et surtout peintre. Je recommande en particulier le livre que François Cheng a écrit sur Chu Ta.

Là encore, la chute d’une dynastie chinoise au profit d’une dynastie étrangère montre une forme de conscience nationale importante.

 Si l’on considère que le nationalisme implique non seulement la prise de conscience de la nation que forme un peuple, mais encore le fait que cette nation soit amenée à coexister avec d’autres nations, alors ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on peut vraiment parler du nationalisme en Chine. Les humiliations de l’occupation occidentale et des guerres de l’opium lancent une réflexion de la Chine sur elle-même, en se décentrant de sa vision de “pays du milieu” et en se posant des questions sur ses retards, ses défaites, son empire, son confucianisme. 

- A force de crier au loup…

Beaucoup d’Européens s’effraient des signaux nationalistes observables aujourd’hui en Chine. Il est certain que notre XXe siècle en Occident fut marqué par d’horribles exacerbations du sentiment national, menant aux pires idéologies, guerres impériales, génocides. Ne voulant pas “oublier l’histoire”, un certain nombre de français se mettent en croisade pour dénoncer le phénomène de nationalisme chinois.

Mais comme on l’a vu dans le commentaire de l’article de M Cabestan, il n’y a pas un nationalisme chinois mais plusieurs forces ; certaines étant réactionnaires (cherchant à “laver les humiliations passées”), d’autres sont réformistes, cherchant à moderniser l’état et la nation.

La composante ethnique étant reconnue en  Chine, le thème du nationalisme s’y développe différemment, sur plusieurs niveaux. Parle-t-on de la “nation Han” ou bien de la nation Chinoise (qui compte en plus des han 55 minorités officielles) ?

Cela m’amène à risquer une formulation pour ces français qui s’effraient face au nationalisme chinois :

“Pris par le souvenir de l’histoire européenne des XIXe et des XXe siècles, et par une notion étriquée et “européo-centrée” du nationalisme, certains français dénoncent violemment le nationalisme chinois, alors même que ce phénomène est, pour une part, acteur majeur dans la réflexion sur la modernisation et la démocratisation du pays, deux évolutions que ces mêmes détracteurs appellent de leurs voeux ! Le discours est contradictoire !

- Le nationalisme chinois est il une aspiration légitime ou une dangereuse glissade ?

Reprenons ici les quatre formes de nationalisme introduites par M Cabestan dans son article :

Nationalisme revanchard et ethnique

Présent dans certaines couches populaires, ce nationalisme donne lieu à des manifestations impressionnantes. Il concerne beaucoup les jeunes, dans une sorte de “crise d’adolescence”. Mais il fait l’objet d’une forte opposition de la part d’une bonne fraction de la population ; qui rejette l’esprit égoiste et virulent des “fenqing”. Je connais un fenqing qui, en passant la trentaine, a mis beaucoup d’eau dans son vin. Le meilleur argument contre ce phénomène m’a été donné par une jeune Hangzhounaise, qui m’expliquait que ces nationalistes arrivaient trop tard aujourd’hui, que l’ouverture du pays était déjà trop avancée pour qu’on puisse se renfermer, que trop de chinois savaient comment était le monde extérieur, les produits de l’extérieur. Ainsi ce nationalisme, qui peut encore sévir sous forme de “poussées de fièvre”, semble amené à disparaître ou au moins à s’estomper avec le statut de plus en plus puissant et ouvert de la Chine.

Nationalisme officiel conservateur

Il est très présent, et relativement stable aujourd’hui. Il n’a pas de projet agressif, sauf peut être sur les questions de souveraineté nationale sur lesquelles le gouvernement est si sensible, mais il vise juste à la promotion de la nation et à sa reconnaissance. Pour peu que l’on reconnaisse ce gouvernement qui compte réussir son “ascension pacifique” et retrouver la place de puissance économique majeure qu’elle occupait avant 1850, les raisons d’avoir peur du nationalisme officiel me semblent bien maigres.

Par contre, si l’on ne reconnaît pas ce gouvernement (en raison de sa politique taiwanaise, ou de sa politique au Tibet, de l’archaisme de sa gouvernance ou de la maladresse de sa communication diplomatique, ou pour toute autre raison), alors la peur devient très naturelle. Mais elle mérite le nom de “peur du gouvernement chinois”, pas celle de “peur du nationalisme chinois”.  

Nationalisme modernisant

Comme expliqué par M Cabestan dans son article, cette forme de nationalisme a en fait des conditions positives sur le développement du débat public dans le régime autoritaire de la RPC. Cette forme de nationalisme, plus pacifique et ouverte au monde, me semble moins effrayante que les deux premières.

Nationalisme pro-occidental (Taiwanais)

Le nationalisme du Kuomintang, fortement occidentalisé dès sa création, a flirté avec les dangers de l’ultra nationalisme lors des années trente du siècle dernier, avec le mouvement fasciste de la société des chemises bleues (藍衣社). Mais aujourd’hui il ne semble pas dangereux par son projet idéologique ni par son système. Son projet de reconquérir politiquement la chine ne peut s’inscrire que sur du très long terme ; il ne pourra se faire qu’après une réunification pacifique des deux rives du détroit de Formose.

En conclusion, le nationalisme est une idée ambigue, qui se mesure à plusieurs degrés, entre la simple prise de conscience d’une identité collective et un ultra-nationalisme ostraciste. L’application de cette idée au contexte chinois est délicate, et nécessite de distinguer plusieurs courants de nationalisme, qui ont des degrés différents. Seul le nationalisme revanchard de jeunes hooligans peut effrayer à court terme, mais si l’ascension chinoise se confirme, il pourrait s’estomper. D’autres formes de nationalisme sont des forces de changement pour un  pays dont le développement économique va beaucoup plus vite que le développement politique.