DENNIS HOPE ::: Interview: The dark side of his moon

Publié le 17 janvier 2010 par Gonzai

Qu'on se le dise, Dennis Hope a eu un flair de dingue en ayant l'idée géniale de commercialiser des parcelles de Lune depuis le début des années 80. En trente ans à peine, ce sexagénaire aux allures de gourou s'en est foutu plein les poches et aurait vendu 400 millions de demi hectares de Lune au prix de 20 dollars l'unité à des pigeons s'appelant parfois Ronald Reagan, Jimmy Carter ou George W. Bush.

Depuis 2004, Dennis Hope est allé encore plus loin dans son délire mégalomane en créant son Gouvernement Galactique et son Ambassade Lunaire, lesquels ont ratifié une constitution et possèdent désormais un organe législatif ainsi qu'une monnaie. Très sûr de lui, le bonhomme a pris le temps de m'expliquer patiemment, en visioconférence depuis ses bureaux lunaires américains, comment il compte désormais développer toutes les infrastructures nécessaires à la survie de l'Homme sur la Lune. Construire un vaisseau spatial complètement tripé ou même défoncer la gueule de quiconque tentera de l'entuber. Difficile de dire jusqu'à quel point cet homme dit vrai - ou non - mais Dennis Hope est quand même nettement moins chiant que n'importe quel autre politicard terrestre, à mi-chemin entre l'illuminé et le visionnaire. Rencontre exclusive, s'il fallait encore le préciser.

D'où est venue cette idée saugrenue de vendre des parcelles de Lune?

On était en 1980, je venais juste de divorcer, j'étais complètement fauché. J'étais en voiture et j'ai commencé à penser que si je possédais plein de propriétés, je n'aurais qu'à aller à la banque, hypothéquer le tout et prendre l'argent pour partir à Los Angeles. Tout en conduisant, je contemplais la lune à travers la fenêtre et me suis dit: « Mais là, il y a plein de propriétés! ». Je me suis alors rappelé que j'avais assisté à un cours de sciences politiques à la fac en 1968 au cours duquel on avait étudié le Traité de l'Espace de l'ONU signé une année auparavant et un truc en rapport avec l'article II avait interpellé mon attention. En fait, l'article II de ce traité stipule que les Etats n'ont pas le droit de clamer la souveraineté ou d'occuper la Lune ou n'importe quel autre corps céleste, ce qui signifie qu'ils ne peuvent pas posséder de terrains, créer de lois. En d'autres mots, ils n'ont aucun pouvoir. Pourtant, si le traité avait beau avoir été signé par la majorité des états impliqués dans l'ONU, il n'indiquait rien à titre individuel. J'ai donc décidé de revendiquer la possession de la Lune et les autres planètes. J'ai alors envoyé une lettre expliquant mon intention de vendre des parcelles de terrain aux Nations Unies, en demandant si cette démarche posait un problème légal. Je n'ai jamais eu de réponse. Aujourd'hui, c'est trop tard... Quand je me suis lancé dans ce projet en 1980, je dois être honnête, c'était également une manière de me rebeller contre le gouvernement américain. J'étais un adolescent dans les années 60, tout le monde à cette époque était rebelle dans ce pays et l'exprimait à sa façon. La mienne aura consisté à clamer la possession des autres planètes et faire quelque chose de bénéfique avec. Avec le temps, ce projet a dépassé le stade individuel et j'espère vraiment qu'il devienne le modèle pour un gouvernement mondial. 

Vos ventes sont en croissance permanente et vous aurez bientôt constitué un pactole de plusieurs dizaines de millions de dollars, de quoi foutre une pression sérieuse sur l'ONU ou les Etats-Unis pour faire reconnaître votre Gouvernement Galactique. Quels sont vos plans exactement?

Notre programme est très simple. L'Ambassade Lunaire a nécessité 29 années avant de fonctionner comme elle le fait aujourd'hui. En 2001, j'avais environ 163 000 emails de clients et nous avons commencé à nous demander comment nous pourrions protéger ces terrains que nous vendions aux gens. La seule conclusion qui s'est imposée fut alors de constituer un gouvernement. J'ai donc créé une république démocratique que j'ai nommé le Gouvernement Galactique. J'ai tenu une conférence de presse à Las Vegas lors de la quatorzième conférence lunaire annuelle pour informer le monde entier sur notre intention de former ce gouvernement.
A partir de ce point, nous avons passé trois années à rédiger la constitution de ce gouvernement d'un genre particulier. Une fois terminée, la constitution fut mise en ligne, à la disposition de nos 3,7 millions de propriétaires en mars 2004 et sa ratification fut plébiscitée à hauteur de 99,9% des votes. Depuis avril 2004, j'ai passé la majorité de mon temps à sceller des alliances avec les autres gouvernements de cette planète. En 2008, nous avons évalué que la Lune abrite des réserves d'Helium 3 - une énergie très puissante - valant des milliards de milliards de dollars. Nous comptons bien exploiter ces réserves et crédibiliser de la sorte notre devise, le Delta, afin de pouvoir commencer à l'utiliser et aider des gouvernements financièrement dans le besoin. Nous avons d'ailleurs une réunion de travail prévue avec Barack Obama afin de discuter des moyens que nous pourrions utiliser également pour aider des gouvernements comme ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l'Allemagne, du Japon etc.

(Difficile de vérifier ses dires sur ce point mais l'histoire semble pour le moins loufoque...)

Cette histoire de gouvernement et de devise est passionnante mais si aucun pays ne peut revendiquer la possession de la Lune comme le stipule le fameux article II du traité de la Lune, n'êtes-vous pas de facto dans l'illégalité? Votre gouvernement ne tombe t-il pas sous l'autorité de l'ONU ?

(Dennis Hope ne répond pas du tout à la question - sciemment sans doute - mais nous confie une histoire de vaisseau assez hallucinante...)

Effectivement, il s'agit bien d'un pays. Nous comptons à ce jour 5 479 852 citoyens répartis dans 193 pays différents. Nous nous sommes étendus tout autour de la planète. Dans la mesure où le Gouvernement Galactique est désormais pleinement opérationnel et possède ses propres locaux, notre but pour l'année 2010 est de travailler sur le vaisseau que nous avons breveté. Je ne peux vous expliquer les détails de ce système de navigation, mais en se basant sur les tests théoriques et techniques que nous avons réalisé, je suis en mesure de vous annoncer que ce vaisseau nous permettra de rejoindre la Lune en une trentaine de minutes. Nous devrions également pouvoir voyager vers Mars dans le même laps de temps. Cela signifie que nous pourrons à l'avenir nous déplacer de la Terre vers les autres planètes du système solaire dans une structure permettant aux être humains de voyager dans l'espace de manière sécurisée et extrêmement rapide.

J'ai récemment lu dans un article que vous aviez envoyé des lettres, au nom de votre gouvernement, demandant à d'autres pays de ne pas s'installer sur la Lune. Avez-vous eu des réponses ?

Effectivement, nous avons bien envoyé des lettres à certains gouvernements, je pense à la Chine notamment. Fin 2007, le président de la République Démocratique de Chine a expliqué qu'il souhaite que des représentants de son pays soient présents sur la Lune à l'horizon 2012 pour commencer à forer les réserves d'hélium 3. Pourtant, la Chine est l'un des pays signataires du traité de 1967, ce qui signifie qu'en procédant de la sorte, elle violerait d'une part ses engagements et d'autre part la loi du Gouvernement Galactique. En vertu de notre constitution, cela équivaudrait à l'action d'un pays qui viendrait extraire de l'or aux Etats-Unis sans accord préalable. Les Etats-Unis n'accepteraient jamais une telle démarche, et aucun autre pays au monde d'ailleurs. Le propos des lettres que nous avons envoyé, était précisément de leur rappeler que l'exploitation des ressources de la Lune ne pourra se faire sans un accord préalable négocié entre nos deux nations. S'ils choisissaient de ne pas conclure cet accord d'exploitation, ceux-ci ne doivent pas rester sans ignorer que nous possédons déjà les moyens techniques de détruire n'importe quel vaisseau s'approchant de nos planètes.
Attention, je vous prie de ne pas mal interpréter mes propos. Ceci n'est pas une déclaration de guerre, simplement un rappel aux gouvernements qui souhaiteraient se rendre sur la Lune en se basant sur le traité de l'Espace. Le traité leur accorde effectivement le droit à l'exploration, et nous n'avons aucun problème avec ce point. Par contre, il exprime clairement l'interdiction de construire des structures permanentes sur n'importe quelle planète. C'est donc en ce sens que nous avons écrit au président chinois, pour lui rappeler que sur l'exploitation des ressources énergétiques de la Lune devra passer par nous, et que dans le cas contraire, nous nous assurons que leur vaisseau n'aille pas là où il doit aller.

Cette nouvelle course à l'exploitation de la Lune a été relancée par George W. Bush en janvier 2004 quand il s'est engagé à ce que les Etats-Unis retournent sur la Lune et établissent une base lunaire permanente à l'horizon 2020. Des ingénieurs de la NASA parlent même de d'apprendre à vivre là-bas. Dès lors, si les Américains ou les Chinois installent leurs bases sur un emplacement que je vous ai pourtant acheté, que ferez-vous pour moi?

S'ils décident de l'installer sur une propriété leur appartenant, je n'ai absolument aucun problème avec ça. Ceci étant dit, je peux vous assurer qu'aucun gouvernement, et je parle ici de gouvernements mondiaux, n'a acheté la moindre parcelle de terrain de la Lune, ou de Mars, ou de n'importe quelle autre planète que moi et le gouvernement galactique possédons aujourd'hui. Des individus de ces gouvernements l'ont peut-être fait, mais pas des gouvernements à proprement parler.

Non mais soyons concret un instant. Si un Chinois squattait demain sur mon terrain, vous feriez quoi pour moi ?

Ce que nous pourrions faire dépend de la mission. S'ils sont dans une optique de se rendre là-bas et commencer à bâtir une base permanente, alors je le répète, nous nous assurerions que leur vaisseau ne se pose jamais à la surface de la planète en question. Nous le mettrions hors-service tout simplement. (« We just turn it off » en version originale)

Il faut un cadre législatif clair pour faire du blé avec une propriété, cadre que la Lune ne possède justement pas aujourd'hui. Si j'achète une parcelle demain, pourrai-je l'exploiter de la même façon que je le ferais avec un terrain que j'achèterais sur la Terre?

Parfaitement. En fait, quand un client acquiert une propriété via l'Ambassade Lunaire, il possède théoriquement le droit de bâtir dessus, de le revendre, de l'offrir, de le faire expertiser, en somme de faire exactement ce qu'il serait en mesure de faire avec un terrain qu'il posséderait sur Terre.

Nombre de scientifiques estiment que cet hélium 3 pourrait permettre de produire une nouvelle source d'énergie quasiment intarissable et non polluante pour la Terre. N'y a t-il  pas un risque de se lancer dans un rush pour l'exploiter, le rapatrier sur terre et en définitive détruire un certain nombre d'informations scientifiques importantes?

Il y a toujours un risque. Les Hommes ont toujours pris des risques depuis qu'ils sont sur cette planète. Quand je me suis lancé dans cette aventure il y a 29 ans, il y avait un risque. Je ne savais pas si quelqu'un serait prêt à acheter quelque chose et je ne savais pas si l'ONU allait me dire que ce n'était pas possible de faire ça. Il y a toujours eu une part de risque dans chaque action que j'ai entrepris. Quand j'ai construit la première Ambassade Lunaire en 1996, seize ans après avoir commencé à vendre des terrains, j'ai dépensé 89 000 dollars de mon propre argent et il y avait également un grand risque car je ne savais pas si cette stratégie allait payer ou non. Je crois qu'il y a un risque dans chaque action que l'être humain entreprend.

Vous semblez marquer une différence entre l'Ambassade Lunaire et le Gouvernement Galactique. Qu'en est-il exactement?

Le Gouvernement Galactique et l'Ambassade Lunaire sont effectivement deux entités distinctes. L'Ambassade Lunaire est la première entreprise possédant une licence avec le Gouvernement Galactique lui permettant de forer les ressources que les gens veulent utiliser. Le Gouvernement Galactique contrôlera quelle part exacte de ces ressources seront utilisées et l'Ambassade Lunaire se chargera du forage. N'importe quel individu possédant une parcelle se vera attribuer approximativement un demi kilogramme d'hélium 3. L'hélium 3, à quantité égale, est un élément qui créera cent fois plus d'énergie que le pétrole et ce, sans laisser de trace. C'est un véritable pétrole vert que l'on ne trouve quasiment pas sur Terre car notre atmosphère en bloque le dépôt, à la différence de la Lune*. On estime qu'il y a cent millions de tonnes d'hélium 3 sur la Lune. Cette manne énergétique sans commune mesure a une valeur commerciale équivalente à 33 milliards de milliards de dollars (le nombre trente-trois suivi de dix-huit zéros). Or beaucoup de gens veulent utiliser ces ressources car l'hélium 3 permettra de créer, à quantité égale, au moins cent fois plus d'énergie que le pétrole. Pour ces raisons, nous avons l'intention d'organiser le forage qui permettra de récupérer l'hélium 3, tout en veillant à le répartir avec justesse et contrôler la part de ressources que nous utiliserons. Il y a enfin d'autres éléments pour lesquels nous n'avons à ce jour pas pris de décision quant à leur exploitation potentielle ou non.

Mais dans les faits, la majorité des propriétaires n'auront jamais la possibilité de fouler le sol de leur terrain ou récupérer leur part d'hélium 3?

Le coût pour se rendre sur la Lune est exorbitant. A ce jour, à peine 1% des gens de cette planète possèdent les moyens économiques pour aller chercher ces ressources sur la Lune. La Russie prévoit d'investir 43 millions de dollars simplement pour atteindre la surface de la Lune. La NASA prévoit pour sa part d'investir plusieurs milliards de dollars pour la même chose. Donc en y réfléchissant, on réalise que 99,9% des gens de cette planète n'auront jamais les fonds pour y aller. Cependant, nous avons comme grande ambition de coloniser la Lune et comptons, au sein de l'Ambassade Lunaire et du Gouvernement Galactique, construire une ville pyramide de trois kilomètres de long de large et de hauteur. Cette pyramide abritera exactement le même genre d'infrastructures que l'on peut trouver dans une ville terrestre tout en bénéficiant des protections nécessaires contre les radiations du soleil et autres contraintes inhérentes à la lune. Nous planifions de commencer à bâtir dès fin 2011 ce qui deviendra de facto la première ville lunaire. Nous pensons ensuite être capables de proposer des allers-retours entre la Terre et la Lune pour un prix aux alentours de 15 000 dollars afin que le plus grand nombre puisse profiter de cette merveille d'architecture.

En définitive vous voulez un peu changer le monde quoi?

Absolument. L'impact du travail que nous accomplissons aujourd'hui sera financier, éducatif, commercial, et sauf votre respect, ce sera bénéfique à tous les êtres humains. Nous voyons notre action comme quelque chose de très similaire à ce que la création des Etats-Unis a été au 17ème siècle, lorsque tous ces gens ont quitté le continent européen pour partir à la conquête du Nouveau Monde. En quittant leurs terres, ces pionniers avaient les mêmes questions que nous et se demandaient ce qu'ils allaient bien pouvoir manger, faire pour gagner de l'argent, développer des commerces ou traiter leurs ordures... En somme, toutes les questions qui vont avec la création d'un nouveau pays. Par chance, nous pouvons nous retourner sur l'Histoire et éviter de commettre un certain nombre d'erreurs. Nous sommes un groupe d'individus ambitieux et résolument positifs. J'ai passé 29 années de ma vie à travailler sur ce projet et je compte bien aller au bout en insufflant un impact positif dans la vie de mes contemporains.

http://www.lunarembassy.com/

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* L'hélium 3 est présent dans les couches externes du Soleil, dont les éléments sont isolés des réactions de fusion du centre. Le vent solaire en envoie dans le restant du système solaire. Repoussé par le champ magnétique terrestre, son accumulation à la surface de la Lune est facilitée par l'absence d'atmosphère sur notre satellite. (via wikipedia)