Paso Doble n°165 : Prose sur le désastre d’Haïti

Publié le 19 janvier 2010 par Toreador


A las cinco de la manana…

Le village Potemkine démocratique

La tragédie d’Haïti fait penser, par ses proportions, à celle du tsunami. Un fléau naturel, un nombre de victimes étourdissant, des dégâts impressionnants, une mobilisation internationale immédiate et massive.

Au-delà de l’épiphénomène et de son épicentre, le drame d’Haïti est le précipité parfait de la grande alchimie de la mondialisation. Ce qui frappe, c’est l’extrême dénuement de la population, sa fragilité, sa vulnérabilité. Les autorités politiques du pays, par ailleurs durement touchées, n’ont pas été en mesure d’organiser les bases de la reprise en main du pays. Elles se sont effondrées, ou presque.

Il a fallu une fois de plus que l’ONU et les Etats-Unis interviennent. Sur ce point, Haïti est très représentatif de ces Etats qui ont officiellement tous les attributs de la souveraineté, voire pour partie de la modernité, mais qui en réalité n’ont pas les moyens d’être indépendants.

J’écris qu’Haïti est un Etat « failli » et que cet état de fait découle même de l’organisation du nouvel ordre mondial parce que la dictature des Duvallier (1957-1986) n’a pas survécu à la détente, la fin de la Guerre froide et au vent démocratique qui a soufflé au tournant des années 90. Les occidentaux ont longtemps pensé qu’il suffisait d’amener la démocratie comme bien suprême dans leurs valises pour que celle-ci entraînasse directement la prospérité. Haïti s’est dotée d’une démocratie faible, corrompue et incompétente. C’est dans des cas comme celui-ci qu’on s’aperçoit qu’avant d’épancher sa soif de liberté, l’homme préfère d’abord se nourrir tout court.

Village glocal

Alors a contrario, la mondialisation, et son cortège idéologique fait de libéralisation, de capitalisme et de démocratie, n’ont pas que des mauvais aspects. L’exemple d’Haïti a témoigné de la formidable capacité d’entraide mondiale. Qu’on puisse se mobiliser si vite, si puissamment pour un pays lointain est bien la preuve que la mondialisation a aboli les frontières et que la notion de co-responsabilité citoyenne mondiale progresse.

Oui, Haïti contient en germe les bons et les mauvais cotés de cette nouvelle ère. Peut-être l’addition à régler en urgence aurait été moins lourde si la communauté internationale avait mieux anticipé en amont les besoins de développement de l’île. En tous les cas pour moi, elle montre bien que la tutelle des pays du Nord n’a pas cessé (et ne doit pas cesser) et que plusieurs dizaines d’années (voire dans le cas d’Haïti deux siècles) d’indépendance politique n’ont pas suffi à assurer l’indépendance économique.

Et que par conséquent, nous devrions collectivement nous demander si cela a un sens de vouloir « vendre » les droits de l’homme à des pays qui n’ont pas les moyens de se les acheter.