Sur la télévision : Peillon a raison.

Publié le 24 janvier 2010 par Mister Gdec

Autant le dire tout de suite, ça évitera de nous fâcher inutilement et de nourrir des malentendus grossiers : je n’aime pas Peillon. Il représente à mes yeux l’aile droite du PS qui entretient un certain flou idéologique qui a causé la ruine de ce parti et sa perte de crédibilité auprès des militants et sympathisants sincères mais de gauche, vraiment, dont je suis. Et je ne peux ignorer qu’il fut un proche de Royal, ce qui en dit assez long pour se passer de commentaires. Royal est à la gauche ce que Monsieur Jourdain est à l’analyse systémique.

Cependant, force m’est d’avouer qu’il a raison de poser aussi visiblement le débat de la position des médias comme acteur de notre agonisante démocratie : les médias ont en effet selon moi leur part de responsabilité. Et seule Arlette Chabot la nie. Pas de cerveau ? Pas de conscience ? Ou la seule volonté de jouer les bons petits soldats pour ne pas perdre son job pour des raisons alimentaires comme cela serait si compréhensible en ces temps difficiles ? Je la laisse avec ces questions qu’elle ne tient sans doute pas à se poser.. Pour sa propre pérennité sur un service de plus en plus difficilement public…

D’ailleurs, j’ouvre ici une petite parenthèse : faites moi penser à demander à mes potes journalistes télé ce qu’ils pensent de cette question… Eux qui voient ledit service public démantelé par une logique inhérente aux grands groupes privés : réorganisation géographique, concentration des pouvoirs, réduction d ‘effectifs, conditions de tournage de plus en plus précaires, salariés taillables et corvéables à merci…etc etc etc… Et prière de fermer votre gueule de surcroit. La porte est grande ouverte.

Prétendre que les propos de Monsieur Peillon sont justifiés nécessite cependant, assurément, quelques développements…

Nous avons pour beaucoup ce même sentiment¹, que la télé, et les médias en général, sont à présent, encore plus visiblement qu’hier, aux ordres, la main sur la couture du pantalon.. Mais nous n’avons jamais dit que les journalistes étaient mauvais… Quoique, certains, si. Mais la situation est quelque peu plus compliquée, et je vais faire pour une fois dans la nuance.

J’invite d’emblée le lecteur à se replonger dans une lecture qui bien que fastidieuse pourrait être de quelque utilité dans le débat sur lequel nous nous penchons aujourd’hui. Un petit opuscule intitulé « Sur la télévision », de Pierre Bourdieu, qui présente pour résumer une analyse selon laquelle la liberté d’expression de ce média est muselée non par censure, mais plutôt par évincement des idées subversives ou non politiquement correctes et acceptables de par les réseaux social, relationnel, économique et culturel auxquels la télévision obéit forcément, comme toute autre structure que l’on observerait factuellement. Ainsi, comme l’exprime à merveille et conformément à ma propre pensée l’article de wikipédia consacré à la censure qui vient illustrer opportunément mon propos : « les propriétaires des médias évitent évidemment de publier ce qui peut déplaire à des clients, à l’État, à des syndicats, etc. et que même les professionnels s’abstiennent généralement de simplement proposer un article potentiellement litigieux (auto-censure).


Madame Chabot nie. Elle devrait donc relire ses classiques. Car peut-elle nier aussi, en bonne journaliste qu’elle est certainement si elle ne tenait pas autant à conserver sa place par dessus toute autre considération, et notamment éthique, les faits suivants :

  • Madame Chabot n’a-t-elle pas été la victime d’une humiliation publique de la part du chef de l’état, qui a scandaleusement usé de sa fonction pour faire pression sur la manière dont elle faisait son métier ? Au point que des gens de tous bords s’en sont émus ? Cela me semble avoir bien plus de poids que les propos de Monsieur Peillon, dont elle peut certainement se protéger bien plus aisément. Et ce n’est pas faire injure à Madame Chabot que d’avancer que ce genre de violence psychologique forte à une influence, consciente ou non, sur la manière dont elle fait son métier.
  • Le contenu des journaux télévisés a significativement évolué, au point de ne plus contenir selon moi, en gros, que 2 à 3 minutes d’information réelle. Le reste est constitué de reportages anecdotiques, de faits divers, de micro-trottoirs et de dizaines d’autres séquences sans réelle importance qui donnent l’illusion d’une pluralité de sujets, alors que la réalité et l’essentiel sont généralement ailleurs… On pourrait appeler cela une stratégie de la dispersion, qui favorise opportunément, pour certains, l’illusion démocratique. Mais le compte n’y est pas.
  • Est-ce faire injure à Madame Chabot de constater que le travail du journaliste a considérablement changé, et que les conditions économiques et politiques dans lesquelles il s’opère aujourd’hui l’ont amené à passer d’un travail d’investigation, bien trop coûteux pour le contexte d ‘aujourd’hui, à un journalisme qui fait bien plus appel au sensationnel et à la recherche de scoops sous la pression du sacro-saint audimat, et cela au plus grand mépris des capacités de réflexion du spectateur ? Sans parler du phénomène de zappage informationnel qui consiste en une étrange sarabande virevoltante et sans constance de la livraison d’informations qui ne présentent que très rarement une continuité dans le temps et dans l’analyse, au point qu’on pourrait croire les journalistes amnésiques et unineuronaux.

J’avoue ne pas avoir eu le temps de rechercher dans les archives des faits marquants qui démontrent outre mesure l’évidence de la collusion du pouvoir et des médias, qui a certes autrefois existé, mais jamais de manière aussi forte et visible, et surtout avec un tel mépris de l’intérêt collectif. . Ce phénomène est hautement choquant dans un contexte où l’on n’a jamais autant mis en avant l’argument du respect de la démocratie alors qu’elle n’a jamais été autant mise en danger, mais de manière bien plus sournoise qu’autrefois… Au point qu’il soit devenu difficile de lutter pour sa survie. La preuve : tous les fondements de notre république sont mis à terre un à un sans que personne ne puisse bouger sous peine d’être taxé d’anti-démocrate, puisque les acteurs qui profanent aux pieds nos valeurs communes ont été si démocratiquement élus…

L’UMP fustige. Il peut toujours. Car dans l’histoire, son si (et peut-être trop ?) exclusif représentant haut placé a lui-même conduit à ce débat délétère en ne respectant pas les règles démocratiques. Dont celle de ne pas tenter de manipuler les médias, comme il l’a fait si souvent et si sciemment. Doit-on rappeler pour couronner le tout le refus de la majorité de laisser mener à bien l’enquête parlementaire sur les sondages de l’Elysée. Rien que ce seul fait entache de soupçon et de confusion des genres l’action de ce gouvernement qui se sert des sondages pour manipuler l’opinion. A way of life… Permettez moi, électeurs de droite, si tant est que d’aucuns se soient égarés ici, de ne pas le partager, ce chemin là… Le mien est de traverse, et va droit au but : plus de justice sociale. Etpicétout !

¹ Mais nous ne saurions ici nous contenter d’un simple ressenti, qu’il s’agit d’étayer par quelques arguments plus factuels qui vont vous advenir par la suite, rassurez-vous.