H1N1, après la tempête

Publié le 02 février 2010 par Scienceblog
J

‘ai volontairement arrêté d’écrire sur ce sujet, car les médias d’hiver en parlaient … trop. Il n’est jamais facile de pouvoir être réellement critique lorsque les enjeux s’expriment, que les gens font leur choix, que les campagnes de communication battent leur plein, puis se taisent, puis recommencent. J’ai même entendu une remarque d’un quelconque ministériel (je résume) : « Comme nous répondions en temps direct à cette épidémie, et que nous nous adaptions aux discours des experts, notre communication a pu paraître erratique. »

Dingue. La disruption entre l’information et le discours est telle qu’il est impossible de communiquer, ça va trop vite. Je résume grossièrement. N’empêche, cela pose un vrai problème quant aux relations que les politiques, les communiquants et les experts entretiennent.Voyons un peu …

Les experts

D’abord, des experts parlent. Ici, l’OMS nous indique un risque de pandémie – le mot lui-même laisse supposer une dangerosité plus importante qu’une simple épidémie.Les experts de l’OMS, ce sont des vrais cadors, ils sont embauchés pour leurs compétences, et pas parce que ce sont juste des gars qui ont besoin de boulot, comme les autres. Alors, on les croit. Et puis, ils ont fait des études scientifiques, ce sont des médecins, des épidémiologogues, etc. Bref, on peut justifier leur position d’expert aisément. C’est d’ailleurs l’exacte justification des politiques : écoutez, moi je suis politique, je ne suis pas expert, et pour ce qui concerne la grippe, écoutons l’expert et adaptons nous à ce qu’il dit. Si la controverse bat son plein, il y a fort à parier que le politique paraisse versatile, que la communication semble bafouée, qu’on imagine les scientifiques achetés par les groupes pharmaceutiques (ce qui est possible, mais une information versatile ne rend pas les choses simples).

La position politique qui consiste à faire confiance à l’expert est donc ce qui, originairement, pose problème. S’il y a expertise, le débat change de terrain, passant du sociétal au scientifique. Ce qu’on oublie, c’est que tout savoir scientifique est forcément un lieu de controverses. On pourrait prendre n’importe quel autre sujet soumis à expertise : est-ce que ce criminel est fou (qu’est-ce qu’être fou) ? Le nucléaire pollue t’il (comment) ? N’importe quelle question soumise à expertise est également soumise à controverse. Et les controverses, pour le virus H1N1, ont fusé, avec bien sur, le niveau de dangerosité du virus, et le nombre de vaccinations nécessaire pour immuniser l’humain …

La démocratie à l’oeuvre

Cependant, pendant ce temps, la société ne dort pas, ne fait pas semblant de ne rien voir, elle prend part au débat. Blogs, interviews de médecins, médecins médiatiques, etc. participent au bordel ambiant. Même les infirmières s’y sont mis, indiquant qu’elles éviteraient de se faire inoculer un le vaccin dont l’innocuité n’était pas évidente. Le vulgus pecum s’est chargé lui-même de décider, en son âme et conscience, s’il se ferait vacciner.

L’expertise médicale et épidémiologique a donc, contrairement à toute attente, eu lieu autant dans les laboratoires que dans les maisons. Blogs et sites médicaux, émissions radio et télé, paroles médicales, l’information fut certes brouillonne, mais a eu le mérite d’exister. Ainsi, si le président de la république et les ministres consultés nous rappelaient : « et si nous avions traité cette pandémie comme l’affaire du sang contaminé ou de la canicule de l’été 2003, qu’auriez-vous dit ? » – nous savions déjà que cette pandémie avait des effets beaucoup plus légers et une mortalité afférente beaucoup plus faible que prévue, et ce dès septembre 2009. La démocratie du savoir a côtoyé l’expertise du savoir, grace aux sources multiples que de plus en plus de gens consultent, dans le but de s’informer.

Information et communication

La communication, durant tout l’automne, a eu pour objet de nous inciter à nous faire vacciner. La grippe, dans les messages télé et radio, restait dangereuse. Le message était simple et clair. Et, in fine, nous avons eu très peur : cinq millions de personnes se sont fait vacciner sans aucun fusil dans le dos. Ce n’est déjà pas mal. Mais parallèlement, nous avons du nous informer par nous mêmes afin de comprendre ce qu’était ce virus, s’il était effectivement dangereux, etc. Et là, bon nombre de personnes n’ont pas voulu se faire vacciner. Car ce n’était pas nécessaire. Face à la communication, l’information a eu une puissance bien plus forte.

Une information que j’aimerais savoir aujourd’hui : combien de personnes sont-elles aujourd’hui séropositives au H1N1 ? Car les 55 millions de français restant qui n’ont pas été vaccinées ont probablement, pour une part non négligeable, été mis en contact avec le virus, ont contracté la maladie. Ils sont désormais immunisés sans besoin d’aucun vaccin. Est-il possible de le savoir ? Et surtout, est-il possible de le savoir pour soi ? Existe t’il des tests ELISA qui permettraient de connaître sa séropositivité vis à vis du H1N1, comme on pourrait le savoir pour le HIV ? Les frais inhérents à la vaccination seraient nécessairement diminués, on ferait des économies … et surtout, on profiterait de cette bonne nouvelle : face aux problèmes médicaux, les français savent s’informer, en ne tenant pas compte des campagnes de communication !