Il écrit ses titres à la va-comme-je-te-pousse

Publié le 03 février 2010 par Desiderio

Quel est le dernier truc ou tic d'écriture de titres du Post ? Voilà le genre de question que j'aime me poser en regardant le site poubelle du quotidien de référence. On connaissait déjà la forme interrogative qui appelle à la réaction ou le deux-points faussement explicatif ou la citation de propos de témoins ou d'interviouvés entre guillemets pour faire plus vivant, maintenant nous avons droit au storytelling. Je sais bien que pour Le Post, c'est du storytelling permanent mais cela ne se manifestait pas autant au niveau de la titraille. A quoi avons-nous affaire ?

- Il utilise la carte bleue de sa copine pour jouer au poker (Confessions intimes).
- Il se brûle avec les braises de sa cheminée...
- A 11 ans, il frappe un enseignant : la directrice appelle la police (Gros moyens).
- Perdu de nuit sur une mer de glace, il est sauvé grâce à une webcam.
- Trop de Noirs en NBA : il souhaite lancer une équipe 100 % blanche ! (Noir c'est noir).
- Alpes-Maritimes : dans la rue, il tue une femme et se suicide.
- Quatre secondes avant l'arrivée du train... ils arrivent à s'extraire de leur voiture.

Quel est le point commun entre tous ces titres ? Eh bien à chaque fois l'on utilise un pronom personnel sans donner de renseignements sur l'identité de la personne (dans le troisième cas, on peut supposer que c'est un élève de l'école, mais cela ne va pas plus loin). Nous avons des individus indéterminés au départ, nous ne savons rien du flambeur escroc, nous ne savons rien du promeneur alpin, nous ne savons rien du gros raciste étatsunien. Et nous voulons savoir. Cela fonctionne exactement comme les affiches-couvertures de Détective, de Qui ? Police et de Spécial Dernière que l'on regardait éberlués en rentrant de l'école : "Elle découpe au couteau électrique l'amant de sa mère qui la violait depuis des mois sous les yeux de son fiancé consentant". De grands moments de poésie... Pas de noms, pas de qualificatifs, juste une histoire dont on voudrait connaître un peu plus les circonstances. De purs anonymes qui pourraient être vous et moi. Et puis des verbes d'action en priorité. Et avant tout du présent de narration pour rendre la scène plus présente sous vos yeux.

Le fait-divers se prête admirablement à ce type d'exercice. Mais enfin... lorsqu'on regarde les titres. Le 1 est une escroquerie banale. Le 2 un incident domestique qui arrive des centaines de fois (et je suppose que l'on va avoir droit à une longue compilation de toutes les brûlures comme lorsque Le Post avait adopté la recension systématique des morsures par des molosses). Le 3 se passe de commentaire, cela arrive au moins une fois par semaine sur le territoire français. Restent deux vrais faits-divers un peu spectaculaires et un qui est insolite. Là, on a la matière d'une histoire un peu originale, mais le reste est surdimensionné. Qui voudrait s'intéresser à une histoire d'accident domestique ou de duperie comme il en arrive tant chaque année ? Il faut donc que cela fasse plus histoire. Pour cela, on laisse planer le doute sur l'identité des personnages avec le pronom personnel et on engage déjà le lecteur dans la construction de l'histoire à venir par une phrase verbale. On se projette dans ce qui n'existe pas encore.