La rivière gentille, portrait de Louise Bourgeois

Par Lesabattoirs

Samedi 6 février à 16h à l’Auditorium des Abattoirs de Toulouse (entrée libre), venez assister à une projection suivie d’un débat avec la cinéaste autour du film “La rivière gentille”, portrait de Louise Bourgeois.

Dans la série des films consacrés par Brigitte Cornand à Louise Bourgeois le dernier en date nous invite, plus encore que les précédents, à partager son quotidien. A son domicile de Chelsea, nous la suivons du salon sur cour jusqu’au bureau sur rue, en passant par le coin cuisine d’où nous parvient le remue-ménage ordinaire. Pépiements d’oiseaux, trafic urbain constituent le fond sonore de la bande son, véritable vedette de ce document qui célèbre le règne actuel des musiques et des mots dans la vie de l’artiste.

“Louise est une petite glossarienne” peut-on lire dans un des carnets de notes tenus au jour le jour, ponctuation récurrente de sa vie et de ce film, ce néologisme fait du langage de son pays et qualifie son goût pour la précision des définitions du dictionnaire, les litanies de réminiscences, psalmodies d’assonances, invention de poèmes, répétitions de comptines qui mettent aussi à contribution l’auditoire complaisant, tel un dimanche la récitation à deux voix de la fable du Corbeau et du Renard ou, un après-midi de Noël, la reprise en chœur avec ses deux fils, Alain et Jean Louis, de “Ah vous dirais-je Maman ?”.

Si la cinéaste fait la part belle à ces moments musicaux de jubilation et d’humour, elle n’élude pas pour autant les instants de gravité, de concentration, d’effort autour de la création toujours présente. Nous voyons Louise à sa table de travail tracer les méandres bleus de la Bièvre, peindre à l’aquarelle un couple dont les mains se joignent à l’intersection de deux cercles d’Euler ou ces colliers de pétales en corolles autour du cou des personnages que nous avons pu admirer au sixième étage du Centre Pompidou. Nous la voyons aussi, dans une pénombre inquiétante, transvaser en silence une pâte épaisse et y dresser cinq oreilles, chiffrage familial.

Nous participons au choix d’épreuves avec le graveur et prenons le temps d’examiner une à une les pages de ce qui constituera un livre d’artiste ou l’une de ces présentations murales exposées à Venise en 2007, témoignage du “ne cesse pas de s’écrire” qui constitue l’armature permanente d’une vie vouée à transformer la douleur d’exister en art. La caméra prend son temps pour regarder Louise, qui, tout en écoutant dessine et dessine encore, nouant ainsi le récit et sa trace.

Traces encore dans cet Ode à l’oubli, suite de rectangles d’étoffe peinte, brodée, incrustée de motifs, citations d’une œuvre au long cours condensées dans cet objet. Long plan fixe de plus de cinq minutes, la main de l’artiste lisse en un geste d’apaisement les surfaces comme on caresse un vêtement déjà porté, puis referme le tout. Dernière image : le chat à cinq pattes dans la lumière de la fenêtre, signature de la cinéaste, ponctue d’un clin d’œil complice cette visite si fidèle à son modèle qu’on a l’impression d’y être dans cette intimité.

“C’est ça !” opine Louise quand ça lui va. Que dire d’autre ? C’est ça.

Christiane Terrisse, avril 2008

Cet événement est proposé par l’association de la Cause Freudienne.
http://apprendredelartiste.wordpress.com

Film réalisé par Brigitte Cornand (2007)
Durée : 100′
Une coproduction les Films du Siamois et le Centre Pompidou.