Le Conseil d’Etat condamne l’Etat à indemniser l’OPAC de Marseille pour défaut de concours de la force publique en vue de l’exécution d’une ordonnance de référé ordonnant l’expulsion de squatters durant la « trêve hivernale » (du 1° novembre au 15 mars). L’article L. 613-3 du code de la construction et de l’habitation prévoit en effet une exception à cette trêve hivernale lorsque les occupants d’un logement sont des “squatters”.
En l’espèce, le tribunal administratif avait estimé que le préfet des Bouches-du-Rhône avait implicitement refusé, le 14 décembre 2003, de prêter le concours de la force publique à l’exécution de l’ordonnance d’expulsion du 18 août 2003. Se fondant sur l’article L.613-3 CCH, il avait jugé que le préfet devait surseoir à la mesure d’expulsion jusqu’au 15 mars 2004 et que la responsabilité de l’Etat n’était pas engagée à raison du refus de concours avant cette date.
Le Conseil d’Etat casse et annule la décision du TA pour erreur de droit en estimant qu’il ressortait des termes de l’ordonnance d’expulsion que les occupants du logement étaient entrés dans les lieux sans avoir jamais eu l’accord du propriétaire ni été titulaires d’un titre quelconque et que, par suite, les intéressés devaient être regardés comme y étant entrés par voie de fait, au sens des dispositions de l’article L. 613-3 du CCH.
Après évocation, il règle l’affaire au fond. Il reconnait d’abord que la responsabilité de l’Etat est engagée en application des articles 16 et 19 de la loi du 9 juillet 1991 (”l’Etat est tenu d’accorder son concours pour l’exécution des jugements et autres titres exécutoires. Le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation”; “L’huissier de justice chargé de l’exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution”).
En l’espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône a, par une décision expresse du 25 novembre 2003, accordé à compter du 8 décembre 2003 le concours de la force publique demandée par l’OPAC le 14 octobre 2003. Or, l’huissier mandaté pas l’Office n’a pas accompli les diligences nécessaires avant la date du 12 mars 2004 à laquelle il s’est mis en rapport avec l’autorité de police en vue de la fixation de la date de l’expulsion. En conséquence le préjudice correspondant à la période antérieure à cette date n’est pas de nature à engager la responsabilité de l’Etat au bénéfice de l’OPAC.
L’intervention effective de la force publique n’a eu lieu que le 28 juin 2004. Le Conseil d’Etat considère que ce délai, non imputable à l’huissier, “a présenté, en l’absence de circonstances particulières, un caractère anormal de nature à engager la responsabilité de l’Etat à compter du quinzième jour suivant la démarche de l’huissier, soit le 27 mars 2004“.
Il condamne donc l’Etat au paiement à l’OPAC une somme de 786,80 euros correspondant au montant, pendant la période de trois mois et deux jours s’étendant du 27 mars 2004 au 28 juin 2004, de l’indemnité d’occupation des locaux fixée par l’ordonnance d’expulsion.
Cette décision est à rapprocher d’une récente condamnation de la France pour l’cocupation de terres agricoles par des nationalistes en Corse et le refus de concours de la force publique pour exécuter effectivement cette décision d’expulsion (CEDH 21 janvier 2010, Barret et Sirjean c. France ; Fernandez et autres c. France ; R.P. c. France, CPDH 24 janvier 2010).
Conseil d’Etat, 27 janvier 2010, OPAC Habitat Marseille Provence, n° 320642, aux tables