En attendant Obama

Publié le 04 février 2010 par Hmoreigne

Pragmatiques, Barack Obama et l’administration américaine ont constaté qu’aussi sympathiques soient-ils, les cousins européens n’arrivent toujours pas à se mettre d’accord sur un numéro de téléphone commun. Plus que de l’indifférence, outre-atlantique, on commence à être agacés par l’incapacité du vieux continent à sortir d’un enlisement institutionnel quasi-génétique de l’UE et d’une cacophonie héritée de l’histoire. Appelée par d’autres affaires du monde, Washington fait comprendre que les USA repasseront quand les états européens auront trouvé un minimum d’unité, condition essentielle pour venir jouer dans la cour des grands. Face à ce qui est ressenti comme un camouflet, les yeux se tournent naturellement vers le vieux moteur de l’UE, le couple franco-allemand.

Les affirmations du quai d’Orsay selon lesquelles “on approfondit le lien avec du concret” cachent mal le manque de passion et d’imagination qui affecte le vieux couple. L’Allemagne n’a plus pour la France les yeux de Chimène. La chute du mur et l’effondrement des démocraties populaires a déplacé le centre de gravité de l’UE. Berlin regarde vers l’Est.

La complémentarité entre les deux anciennes puissances rivales est pourtant réelle. D’un côté la France puissance maritime tournée vers l’Ouest, riche de ses territoires d’Outre-mer et de ses relations avec ses anciennes colonies. De l’autre la solide Allemagne, les deux pieds bien plantés dans le continent, respectée par sa puissance économique. Plus que jamais, le couple constitue le noyau dur d’une Europe molle. Par sa masse critique, il tient entre ses mains l’avenir d’une UE polymorphe et vide de sens.

La feuille de route affichée à l’occasion du douzième conseil des ministres franco-allemand qui se réunit ce matin à Paris ressemble avec ses 80 mesures réparties dans six domaines d’action à un catalogue à la Prévert. Sous prétexte de pragmatisme, ses rédacteurs tentent de relancer l’attelage par le bas à défaut de toute passion au sommet. La manœuvre présente pourtant de sérieuses limites. Les actions symboliques cachent les divergences des politiques économiques et budgétaires de deux pays dont les dirigeants sont pourtant du même bord.

La délicate question Grecque et au delà, celle des pigs est pourtant l’occasion pour le couple historique de reprendre la main et de soutenir les états en difficultés contre les banques et agences de notation financière dont la supposée acuité ne leur avait pas permis de voir arriver la crise mondiale.

La séquence actuelle est une période charnière dans les tergiversations autour de l’orientation et donc l’avenir de l’UE. La question est bien de savoir si celle-ci doit devenir une Europe des nations, une Europe politique ou, si elle doit rester une Europe technocratique pilotée par une Commission dénuée de toute légitimité démocratique.

A cet égard, force est de constater que Jean Monnet s’est fourvoyé lorsqu’il pensait à propos des européens, qu’à force d’obéir aux mêmes règlements, ils finiront par constituer un peuple.

Le philosophe Paul Thibaud retranscrit bien un sentiment largement partagé lorsqu’il déclare qu’il ne faut pas fonder l’Europe sur des règlements communs mais, sur des défis historiques notamment la défense de nos modèles de solidarité face à la mondialisation.

Le défi que doit relever le couple franco-allemand, c’est la sortie du marais dans lequel l’UE se trouve : une imbrication trop forte pour agir isolément, une unité trop faible pour pouvoir agir ensemble.

Quand les Européens auront répondu à cette question, qu’ils seront organisés et structurés pour traiter des sujets sérieux, le président américain leur réservera alors peut être un créneau sur son agenda.