Anges & Démons: Que nous cache le Vatican?

Par Ashtraygirl

J'avais commis l'erreur de lire le Da Vinci Code avant que le film ne sorte sur grand écran. Certes, je ne pouvais pas prévoir qu'ils allaient l'adapter (encore que), mais ça avait considérablement plombé ma vision du film, moins parce que celui-ci est bourré d'imperfections que parce que je n'ai pas aimé le livre. Alors, quand, dans la foulée, ils ont annoncé la sortie prochaine de Anges & Démons, je me suis tout bonnement abstenu de lire le bouquin: trop risqué.
L
e roman original diffère pas mal du scénario ré-écrit pour Anges & Démons. Soit. Le film, donc, évoque la réapparition d'une antique société secrète - et profane - connue sous le nom de "Illuminati" (si ça ne vous dis rien, c'est que vous êtes encore novices en matière de mysticisme et autres théories du complot), décidée à détruire l'église catholique, pour "incompatibilité d'opinions". Après la mort du pape, et à la veille du conclave, le Vatican est secoué par deux menaces: l'enlèvement des preferiti, les quatre evêques pressentis pour prendre la succession du trône papal, signé des Illuminati, et le vol d'une substance nouvellement mise au point par un laboratoire suisse, dont les travaux classés top secret ont aboutis à l'élaboration de la "particule de Dieu", agglomérat de matière hautement instable susceptible de raser sans effort le Vatican et ses alentours. Acculé, le Vatican fait appel à Robert Langdon, expert en religions et (toujours) professeur à Harvard. Une course contre la montre s'engage alors contre les "fils de la lumière"...

La voie de l'Illumination est à portée de main...

Je ne vais pas y aller par quatre chemins: à bien des égards, Anges & Démons est incontestablement bien meilleur que son prédécesseur, le Da Vinci Code. Là où Da Vinci Code pâtissait d'arythmies régulières dans son enchaînement (dûes au roman), Anges & Démons évite majoritairement l'écueil et prouve que Ron Howard a appris de ses erreurs. Car si on a littéralement cloué au piloris le 1er opus, c'est uniquement, en fin de compte, parce que le roman a été respecté à la lettre. Ron Howard avait donc fait son boulot. Cette fois, il décide de faire plus, et se détache des entraves chronologiques du roman de Dan Brown pour instaurer son propre rythme. L'intrigue est donc menée tambour battant, avec peu de temps morts, nous laissant juste de quoi reprendre notre souffle, à l'image de son héros. Le compte à rebours annoncé dés le premier quart d'heure y est évidemment pour beaucoup, et instaure, en parallèle du jeu de piste traditionnel, une cadence infernale, entrecoupée ça et là des explications de rigueur à mi-parcours sur le pourquoi du comment, et des scènes "clés" qui corsent l'intrigue: qui est derrière tout ça? Pour quoi? Comment s'y sont-ils pris? Ce qu'il y a d'ironique dans cette tension générée par le (multiple) compte à rebours, c'est que l'on sait, fatalement, que toutes les catastrophes redoutées ne sauraient être évitées. Et pourtant, loin du fatalisme qu'une telle pensée pourrait générer, à aucun moment je n'ai relâché mon attention, et à aucun moment je n'ai cessé de me dire "vont-ils y arriver"? La magie de l'entertainment, sans doute. Côté rythme donc, c'est une réussite.
Vient ensuite l'intrigue, prépondérante, qui, si elle n'a rien de fabuleusement original, est suffisamment étoffée pour maintenir notre intérêt. A condition d'aimer les jeux de pistes et autres chasses au trésor mystiques. A l'instar du Da Vinci Code, Anges & Démons narre la menace d'un groupe de fanatiques religieux censé être éteint depuis des siècles: les Illuminati. Mais, à la différence du 1er opus, ce n'est pas ici, un simple "secret" qui est menacé, mais bien l'Eglise toute entière. La cible n'est autre que le Vatican, état sacré s'il en est, qui prend alors une dimension toute particulière dans l'histoire: il n'en est pas seulement le lieu où elle se déroule, mais un personnage à part entière. Pour la seule vision du Vatican reconstitué, de la place Saint Pierre, de la chapelle Sixtine, du Panthéon, et du château Saint-Ange notamment, le film vaut largement le coup d'oeil. D'emblée, on est plongé dans une atmosphère pesante, mais envoûtante, entre mysticisme morbide et dévotion respecteuse. "L'Eglise" fait son petit effet, que l'on soit croyant ou pas. Le cérémonial en impose, intrigue plutôt qu'il n'inspire le scepticisme, déploit son arsenal dévotif et historique indéniable, hypnotise par son inaltérabilité. C'est magnifique. Repulsif aussi, sans doute un peu. Car l'aura particulière dégagée par le "système" vatican prend parfois des accents inquiétants, propre à hérisser le poil... et à redoubler d'attention.
Le jeu de piste initié par les Illuminati n'est qu'un prétexte à réévaluer la place de l'Eglise et des Sciences, en constant désaccord depuis des lustres. En mettant en balance ces deux forces telluriques, Anges & Démons insuffle une part d'épisme à son intrigue. Le tout, réhaussé par la musique insondable de Hans Zimmer et Joshua Bell, est du plus bel effet. Et l'on prend toujours un plaisir coupable à s'entendre conter la symbolique "secrète" de telle ou telle oeuvre, ici les statues du Bernin.
Côté casting, on a fait les choses avec goût: outre le toujours impeccable Tom Hanks, on retrouve avec plaisir l'ombrageux Stellan Skarsgard, la belle Ayelet Zurer, l'intriguant Armin Mueller-Stahl et les méconnus Pierfrancisco Favino, Thure Lindhart et Nikolaj Lie Kaas. Mais la surprise vient pourtant d'un certain Ewan McGregor. A priori risible en habit de prêtre de prime abord, il s'avère surprenant dans ce registre qui rappelle, de loin en loin, le rôle du sage Obi-wan, et lui permet de tirer son épingle du jeu, là où l'on pressentait un ratage relatif. Mention spéciale au Camerlingue, donc, qui porte une bonne part de l'ensemble sur ses divines épaules. Enfin, on notera qu'Anges & Démons fait une petite incursion dans le gore, en nous proposant des séquences pas toujours ragoûtantes (la version longue en rajoute même une couche), ayant le mérite d'intensifier encore un peu la "chasse". En clair, Anges & Démons est un thriller efficace, dans le genre.

...mais jalonnée de maints obstacles

J'ai beau avoir passé un excellent moment devant ce film (non, sans blague: excellent), deux ou trois choses m'ont tout de même chiffonnée (j'aime pinailler).
D'abord, le fait que, même sans avoir lu le livre, je sache trop "où j'allais". En visionnant Anges & Démons, j'avais la sensation d'être en terrain familier. Normal, à cause des "balises" jalonnant le film, entre références évasives au Da Vinci Code et thèmes repris par Hans Zimmer, par exemple. Mais pas seulement. L'intrigue avait un air de "déjà-vu". D'abord, ce côté Seven, exprimant clairement la volonté de Ron Howard de faire du "vrai" thriller... ou bien est-ce le fait de Dan Brown? Bref, le film reprend clairement l'une des "recettes" du film de David Fincher. Ensuite, la galerie de personnage, tous plus inculpables les uns que les autres et, surtout, tous calqués sur les personnages du Da Vinci Code: la brunette aidant le héros, le flic acâriatre, l'évêque soupçonnable, le tueur marionnette... On prend les mêmes et on recommence! Question renouvellement, on repassera. Le coup de "la goutte qui fait déborder le vase", maintes fois usité, comme très récemment dans Star Trek d'ailleurs: une goutte suffit pour raser tout le quartier. C'est sûr, c'est dissuasif. Mais c'est pas/plus original du tout, du moins, sans compter sur la virtuosité du cinéaste à nous vendre sa cam.
De même, le film n'évite pas quelques longueurs, notamment vers la fin, cette satanée fin à rallonge, gênante à force de blablas, et pourtant impossible à éluder puisqu'elle conclut le film, tout en maîtrise néanmoins. A dire vrai, difficile de trancher tant, finalement, on en redemande.

Enfin, on notera au passage que, si le personnage de Langdon symbolise l'impartialité, l'Eglise tire la couverture à elle grâce au film. Loin d'être aussi remise en question que dans le Da Vinci Code, par exemple, elle trouve ici le moyen de redorer son blason, en arguant sa légitimité à tous points de vue, son omniscience, son pouvoir incontestable, tout en inclinant imperceptiblement le front vers le sol. La technique du mea culpa, en somme, la sincérité entre parenthèses. Une petite propagande sympa, et toute en finesse, cela va de soi.

La messe est dite

En fin de compte, Anges & Démons se regarde un peu comme un orage: avec respect et appréhension, entre subjuguation et méfiance. On pressent que l'on devrait fermer la fenêtre et rester loin de sa fureur, mais l'on hésite à se détourner du spectacle, toujours agréable. Heureusement pour Anges & Démons, j'adore les orages. Et j'attend le prochain, dont le projet vient de pointer le bout de son linceul, avec une impatience accrue.


*Indice de satisfaction:  +

*2h20 - américain - by Ron Howard - 2009
*Cast: Tom Hanks, Ayelet Zurer, Ewan McGregor, Armin Mueller-Stahl, Stellan Skarsgard, Pierfrancesco Favino, Nikolaj Lie Kaas, Thure Lindhart...
*Genre: In cine veritas
*Les + : Tension, mysticisme, oeuvres d'art, Vatican... Vive les complots religieux!

 

*Les - : La capacité de renouvellement tournera vite à vide pour les plus pointilleux.
*Liens: Fiche film Allocine
*Crédits photo:
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