Frank-Olivier Martin, l’éxagération comme outil poétique

Publié le 12 novembre 2007 par Sami Battikh

Aorès avoir découver l'univers bien noir de Revo, Sourdoreille vous propose d'en savoir un peu plus sur l'auteur des fameuses vidéos qui accompagnent les musiques du duo breton, Artiste Sourdoreille de Novembre. Interview avec Frank-Olivier Martin, vidéaste dérangeant mais finalement pas si dérangé !

- Comment as-tu rencontré les Revo ?
J'ai d'abord rencontré Gaëtan, qui m'a dit qu'il était musicien dans un groupe "Revo", et qu'ils étaient à la recherche d'un VJ. Je me suis proposé de leur réaliser quelques boulots et de voire ce qu'ils en pensaient,
sachant que je ne suis pas à proprement parlé un "VJ", je ne travaille pas en live. Ils ont rapidement accroché les clips, alors j'ai continué sur d'autres morceaux, et nous les avons diffusés sur scènes lors des concerts.

- Que t'inspires leur univers musical ?
Un tunnel...une pluie battante...un site archéologique...des instruments chirurgicaux...une étoffe bouffante...

- Comment travailles-tu avec un groupe ?
Finalement, il n'y a pas vraiment de méthode, c'est au sensible que les choses se font. On pourrait peut-être parler d'une certaine "procédure" quand je découvre leur son. J'écoute tous leur morceaux pendant des jours...tout en réfléchissant à un visuel, une ambiance, des couleurs etc...que j'aurai déjà sur des bandes (je
tourne beaucoup de choses que parfois je n'utilise pas tout de suite) ou que je pourrais tourner. Ensuite je séléctionne un morceau en particulier, et je me l'écoute en boucle. J'y plaque ensuite de manière brut les séquences qui m'intéressent...après, le montage se fait naturellement en fonction du travail de "défrichage" fait plus haut, en amont. Ce n'est qu'une fois terminé que je leur soumet le clip; et ils me disent si cela leur convient. Encore une fois je n'ai pas de manière particulière de travailler, tout se mélange entre acheter ma baguette, aller au cinéma, boire un verre etc

- Leur musique existait avant tes images. Est ce idéal de collaborer de cette façon où aurais-tu préféré créer en même temps qu'eux ?
L'idéal c'est de communiquer au maximum pour pouvoir se comprendre. On peut communiquer par le langage, l'image, le silence. Leur façon de communiquer c'est la musique, alors le mieux c'est d'écouter leur musique. Ce qui n'empêche pas d'échanger des références. Chaque collaboration est unique; il s'agit de bien conjuguer, bien accorder le bon verbe avec le bon sujet. On peut se tromper, alors on recommence, on épure, on élargit son vocabulaire. Tout ça pour dire que je n'ai pas spécialement de préférence quand il s'agit de travail. Faire ce qui me plaît, être "déranger". C'est peut-être ça ma méthode(?)

- Les vidéos des clips de Revo sont parfois gores (clip de Wire, Evil Raid). Que voulais-tu mettre en avant ?
L'imagerie gore est parfois un des atributs du fantastique, genre auquel je voue un fervent intérêt. Si je prend le «fantastique» comme référence essentiel à mon univers artistique c’est parce que j’y trouve plusieurs thèmes fondamentaux à ma démarche: le réel bousculé par l’improbable, engendrant le mystère, la peur (la mort est au centre du fantastique) tout en nous en libérant, et de cette perturbation aux fonctions salvatrices naît une poésie, une réflexion. Le «gore» met en jeu la peur viscérale de la mort et de la douleur, mais d’une manière tellement outrancière que le dégoùt peut céder la place au rire. Aussi j’envisage ce genre aujourd’hui comme une réaction violente aux horreurs que nous livrent quotidiennement les médias. Le gore, lui, n’est qu’artifices et s’en reclame, ce qui implique une plus grande liberté pour le spectateur, voire un jeu. Je suis attaché à l’éxagération confinant parfois à l’absurde qui, comme le fantastique laisse la raison confondue, devient pour moi un outil poétique.

- Selon toi, qu'apporte la vidéo à la musique d'un groupe ?
Je ne vois pas la vidéo comme un apport, mais plus comme une ouverture à un dialogue, une tentative d'incarnation de la musique. La musique et la poésie sont très proches dans leur immatérialité, comme on pourrait comparer la vidéo à la peinture sur le plan de la composition et de la matière. A partir de cette considération on peut mettre en regard cette relation entre musique et vidéo avec celle qui est instaurée dans le "livre de dialogue" (expression d' Yves Peyré), dont l'objectif est de créer une oeuvre à part entière, née d'une rencontre entre poésie et peinture: "Le livre de dialogue est bien en ce sens la musique de deux gestes en vue d'une unité seconde, il est vraiment cet espoir, cette utopie, cette expérience d'un entrelacs des extrêmes".

- Tes modèles en matière de VJaying ?
....heuuuu...aucun je crois...c'est grave?...mes influences sont à voire dans le cinéma, la peinture et la littérature; Tarkovsky, Peckinpah, Rebeyrolle, Reverdy, Burroughs, Artaud...Et puis comme Revo a dû te le dire, je ne peux pas dire que je sois VJ, je n'improvise rien sur scène, tout le travail est réalisé avant. Sur scène je livre, nous livrons une oeuvre préalablement composée.

- Penses tu que cette forme d'expression soit reconnue à sa juste valeur aujourd'hui ?
J'en doute. En même temps pour être honnête, je ne me tiens pas franchement au courant de cette actualité, mais j'en doute un peu, j'ai l'impression que le VJaying est relayé au second plan, en tout cas ce qu'il essaye de créer, à savoir, comme je le disais précédemment: un dialogue avec la musique. Pour donner une vraie réponse satisfaisante, il faudrait que je me documente sur le sujet, mais je pense qu'il prend une tournure similaire à celle du "Livre de dialogue" qui lui aussi peine à trouver une reconnaissance.


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