Une communauté de nations

Publié le 06 février 2010 par Edgar @edgarpoe
La communauté nationale ne pourra prendre tout son sens et toute sa portée qu’au sein d’une communauté de nations. Une communauté de nations sera l’ensemble de plusieurs nations formant un tout géographique continu et limité, ayant des qualités ethniques similaires et un patrimoine commun, historique et spirituel à défendre.

La communauté des nations aura pour fonctions d’assurer la sécurité, la prospérité et l’épanouissement du bien commun. Cette conception, qui semble plus naturelle que celle d’un universalisme abstrait, tend à une division du monde en zones d’influences économiques. Ces zones peuvent permettre, le cas échéant, aux nations en communautés de vivre en autarcie aussi complète que possible, chacune des zones étant ordonnée au bien commun de sa communauté de nations.

 L’Europe est un ensemble de nations qui pourraient réaliser une communauté qui n’est aujourd’hui que virtuelle. Nous voulons lui donner ses institutions et ses moyens d’existence. Toute communauté comporte un ensemble d’obligations réciproques. Aussi les institutions dont il s’agit ne sont-elles viables que si les États constituant la communauté délèguent volontairement une part de leur souveraineté – non pas à un État qui exercerait une hégémonie – mais au profit d’un ordre communautaire concrétisé par des institutions fédérales. Celles-ci auront pour attributions de gérer chacun des éléments constituant la part de souveraineté déléguée.

Extrait de Vers la Révolution Communautaire, Paris, 1943


Il s'agit des actes d'un séminaire de réflexion sur l'identité nationale un ordre communautaire, réuni par le régime de Vichy.

J'ai trouvé cet extrait fort intéressant dans le livre de Bernard Bruneteau, Histoire de l'idée européenne à travers les textes.

Pas mal de choses y sont : le patrimoine spirituel de l'Europe (en 1943 on ajoutait "spirituel et ethnique", c'était plus clair ; en 2010 on se contente de vouloir renvoyer aux racines chrétiennes et de rejeter la Turquie).

Le rejet d'un universalisme abstrait, qui permet notamment d'inscrire la subordination à l'OTAN dans le texte du Traité de Lisbonne (l'universalisme abstrait devrait conduire à rejeter cette prise en compte abrupte et veule de la réalité de la supériorité américaine).

L'organisation du monde en zones d'influences économiques ressemble au protectionnisme économique qui n'est pas non plus universaliste, juste le cache-misère d'un sauve-qui-peut réactif.

Irai-je jusqu'à dire que l'Europe est un projet pétainiste ? Peut-être pas. Mais dans sa version technocrate et anti-démocratique, elle en est tout cas parfaitement compatible avec les idées du Maréchal et de sa clique modernisatrice. Ironie de l'histoire, et trop vaste sujet : sans doute écoeurés par la collaboration français au pétainisme (Uriage etc...), certains français d'aujourd'hui estiment-ils que l'Europe permet de rompre avec cet héritage funeste. Pas de bol, les pétainistes les ont précédés sur ce chemin...

Voulant me renseigner ensuite sur les participants à ces journées, je suis tombé sur un papier d'Antonin Cohen, "Vers la révolution communautaire, rencontres de la troisième voie au temps de l'ordre nouveau".

En voici la conclusion :

"bien que la cohérence des différentes positions et prises de position qui ont été les leurs ne puisse être comprise qu’au prix de la réinscription chronologique de leurs différentes significations dans leurs époques différentes, on remarquera néanmoins l’avenir improbable du cercle choisi de cette avant-garde qui transportera avec elle l’idée d’une Europe «communautaire» et « fédérale» du Mont-Dore à La Haye. Bon nombre des hommes qui ont ainsi pu se trouver dans le cercle restreint de ces sociétés de pensée qui prendront part aux différentes mobilisations en faveur d’une révolution nationale «communautaire», à la recherche d’une troisième voie, pourront en effet se compter parmi les premiers à se mobiliser à nouveauen faveur d’une «communauté européenne» au lendemain de l’Occupation, et notamment dans  le sillage du mouvement fédéraliste français La Fédération ou dans l’entourage de Jean Monnet."



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