Johnny chien méchant (Emmanuel Dongala)

Publié le 04 février 2010 par Ceciledequoide9
Bonjour aux enfants soldats
Bonjour aux enfants martyrs
Bonjour aux zotres

En mars 2009, à l'occasion d'un DLE organisé pendant le salon du livre, les éditions du Serpent à Plumes avaient offert des livres à tou(te)s les participant(e)s. L'un d'eux était Johnny chien méchant et c'est moi qui l'ait récupéré sans enthousiasme. J'avais tort. C'est des 3 romans que j'ai préférés en 2009.

4e de couverture
Congo, en ce moment même. Johnny, seize ans, vêtu de son treillis et de son tee-shirt incrusté de bris de verre, armé jusqu'aux dents, habité par le chien méchant qu'il veut devenir, vole, viole, pille et abat tout ce qui croise sa route. Laokolé, seize ans, poussant sa mère aux jambes fracturées dans une brouette branlante, tâchant de s'inventer l'avenir radieux que sa scolarité brillante lui promettait, s'efforce de fuir sa ville livrée aux milices d'enfants soldats. Sous les fenêtres des ambassades, des ONG, du Haut-Comissariat pour les réfugiés, et sous les yeux des télévisions occidentales, des adolescents abreuvés d'imageries hollywoodiennes et d'informations mensongères jouent à la guerre : les milices combattent des ennemis baptisés " Tchétchènes ", les chefs de guerre, très à cheval sur leurs codes d'honneur, se font appeler " Rambo " ou " Giap " et s'entretuent pour un poste de radio, une corbeille de fruits ou une parole de travers.

Dans ce roman qui met en scène des adolescents à l'enfance abrégée, Dongala montre avec force comment, dans une Afrique ravagée par des guerres absurdes, un peuple tente malgré tout de survivre et de sauvegarder sa part d'humanité.
Mon avis

Une des grandes idées de Dongala est de construire son roman à deux voix. Les chapitres font alterner sur un même événement les regards de Johnny, l'adolescent guerrier et de Laokolé, l'adolescente fuyant les pillages et la barbarie. L'auteur réussit le tour de force que le résultat ne soit jamais répétitif et encore moins lassant et surtout, il parvient à n'être ni complaisant même dans les descriptions les plus sordides, ni manichéen à l'égard des protagonistes. Si Johnny symbolise la violence aveugle, la bêtise sanguinaire, la folie meurtrière incontrôlable et si Laokolé représente le courage et l'innocence, tous deux sont des victimes, des enfants perdus, dépassés par la guerre et par un monde d'adultes qui les manipule, qui les ignore ou les sacrifie.

Chaque page de ce roman superbement écrit est un choc d'où iradient la violence, la folie, l'impuissance, l'injustice et la fatalité. Chaque moment décrit apporte son lot d'horreurs et de morts stupides mais démontre aussi que, malgré tout, l'instinct de survie et l'espoir en un avenir meilleur subsistent.
J'ai parfois pensé à L'orange mécanique de Burgess pour la violence et la folie, à Lolita de Nabokov auquel l'auteur rend hommage en paraphrasant quelques bribes de texte mais aussi à des films comme No Man's land pour la démonstration de l'impuissance des aides occidentales car Dongala n'oublie heureusement pas d'élargir son sujet et de le replacer dans le contexte plus général d'une guerre absurde menée sous les yeux d'occidentaux passifs et d'ONG sans pouvoir.
Quelques liens
Site du Serpent à Plumes
Bio d'Emmanuel Dongala
Infos allociné sur le film tourné avec des enfants soldats au Libéria (entretien avec le réalisateur Jean-Stéphane Sauvaire et le producteur Matthieu Kassovitz mais extrait non issu du livre)
L'avis de Gangoueus et L'avis de Malice

Conclusion

Lecture forte et IN-DIS-PEN-SA-BLEUHHH