Budget: les mauvais comptes d'une droite incompétente (1/2)

Publié le 11 février 2010 par Juan

Nicolas Sarkozy n'est pas pressé, paraît-il, de remplacer Philippe Séguin. Il a raison. Comme un testament de son dernier président, la Cour des Comptes vient de publier son bilan de l'année 2009. Il est très mauvais. Coïncidence des dates, Nicolas Sarkozy recevait mercredi à l'Elysée le premier ministre grec, dont le pays traverse une crise financière sans précédent. "Le gouvernement français est impliqué comme ses partenaires européens sur la situation de l'euro et de la situation de la Grèce en particulier" a commenté Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement.
Sarkozy a aggravé le déficit structurel
"La hausse du déficit ne tient pas seulement à la crise". C'est l'un des tous premiers constats du long chapitre consacré à la dégradation des comptes publics dans le rapport. C'est aussi le plus désagréable pour le gouvernement. Eric Woerth ne s'y pas trompé en rétorquant, mercredi 10 février, que l"intégralité de l'augmentation du déficit est selon lui imputable à la crise.
Les chiffres sont connus: le déficit public est passé de 3,4 % du PIB en 2008 à environ 8 % en 2009; il est prévu à 10% en 2010. L'endettement public a augmenté de 67,4 % du PIB en 2008 à 77 % à fin 2009.  Il est prévu par le gouvernement à 90% fin 2012. La dégradation du déficit budgétaire, soit près de 5 points de PIB de 2008 à 2009, se décompose, selon la Cour, de la façon suivante : 2,8 points sont imputables à la crise (baisse des recettes fiscales), s'ajoutent 1,2 points de mesures de relance et ... 0,6 points de dérapages spécifiques et "autonomes" du gouvernement.
Le discours gouvernemental consiste donc à dire qu'il gère bien... toutes choses égales par ailleurs. C'est pourtant faux.  La Cour pointe du doigt les erreurs de prévision de l'inflation : en 2008, le gouvernement a sous-estimé l'inflation, et les dépenses publiques, souvent indexées (salaires, etc) sur l'évolution des prix, n'a pas (heureusement suivi). En 2009, effet inverse. le gouvernement tablait sur un +2% quand elle fut finalement de ... +0,4%. Le gouvernement surestime l'inflation, et a laissé filer ses dépenses. L'impact, en 2009, fut un dérapage de +0,9 point au-dessus de la normale.
Seconde bévue, moins "systémique", les nouvelles niches fiscales. Le constat de la Cour des Comptes est sans appel: "La loi de programmation des finances publiques du 9 février 2009 prévoit des règles spécifiques d’encadrement des dépenses fiscales et des règles plus générales visant à sécuriser l’ensemble des prélèvements obligatoires. Celles-ci n’ont pas été respectées en 2009." En d'autres termes, toute nouvelle niche fiscale aurait dû être compensée par une économie budgétaire de même montant. Or le gouvernement, en 2009, a "donné" pour 1,2 milliards d'euros de trop (2,2 milliards d'euros en 2010 !). La Cour des Comptes cite également l'augmentation du coût des anciennes niches fiscales : + 5 milliards d'euros en 2009 (versus 2008), sans rapport avec les mesures de relance.
Au total, la Cour évalue à 146 milliards d'euros par an le coût des niches fiscales en 2008 ! 
Plus précisemment, la Cour des Comptes dénonce "la préservation insuffisante des ressources publiques". Elle cite les exemples les plus significatifs : la baisse du taux de TVA sur la restauration, votée après la loi de programmation, coûte à l’Etat 1,5 Md€ en 2009 et 3,0 Md€ par an à partir de 2010. Globalement, le gouvernement Sarkozy a plombé de 6 milliards d'euros d'exonérations fiscales supplémentaires le budget de l'Etat en 2009, soit 0,3 points de PIB !
Le coup de grâce à l'argumentaire gouvernemental vient rapidement. la Cour des Comptes évalue l'aggravation du déficit structurel de la France par les mesures sarkozyennes à +0,6 points de PIB. Autrement dit, hors plan de relance et baisse des recettes fiscales à cause de la crise, Nicolas Sarkozy et son équipe ont plombé le déficit budgétaire de 12 milliards d'euros en 2009. Le déficit structurel ressort ainsi à 4% du PIB en 2009, sur un total de 8%: "Bien que considérables, les pertes de recettes, les mesures de relance et la hausse des dépenses sociales dues à la crise n’expliquent au mieux qu’une moitié du déficit." Droite incompétente ?
L'endettement s'emballe
Le déficit budgétaire est une chose. L'endettement public pour le financer chaque année auprès des marchés financiers en est une autre. Et, selon la Cour des Comptes, ce dernier s'emballe. Primo, le gouvernement a joué avec les règles prudentielles. La loi de finances fixe chaque année un plafond d'endettement nouveau à moyen et long terme. Le gouvernement a respecté la norme fixée pour 2009, soit 45 milliards d'euros. Mais ... il a augmenté préfèré un endettement à court terme, non plafonné par la loi de finances : +82 milliards d'euros d'endettement à moins d'un an en 2009 !
La Cour des Comptes critique également les investissements "exceptionnels" décidés par Nicolas Sarkozy. Ils pèsent immédiatement (ou presque) sur le besoin de financement public, mais leur rentabilité est, au mieux, pour plus tard, et, au pire, incertaine: "Des investissements exceptionnels, à hauteur de 35 Md€, seront financés par le recours à de nouveaux emprunts ou par les fonds remboursés à l’Etat par les banques." De surcroît, la Cour note la légèreté avec laquelle le gouvernement confond rentabilités "socio-économique" et "financière": "Si, en outre, un investissement public est utile d’un point de vue socio-économique, il n’est pas nécessairement rentable financièrement pour les administrations publiques, même à long terme. Les investissements dans le développement durable se traduisent ainsi par un environnement moins pollué, mais les recettes publiques qui en sont tirées peuvent être assez faibles."
Et la crédibilité de la France en jeu
La Cour des Comptes relève un point évident: la capacité des Etats à financer correctement leurs besoins sur les marchés financiers dépend de leur crédibilité. Or cette dernière dépend aussi de leur crédibilité. Et cette dernière se juge à leur capacité à réduire leur endettement. La France fait malheureusement partie de ces pays européens globalement incapables de réduire significativement leur dette publique. De surcroît, les dérapages budgétaires mentionnés ci-avant, hors contexte de crise, n'ont fait que dégrader la situation. La Cour des Comptes conclue l'essentiel de son rapport sur les déficits publics par des recommandations très générales. Elle préconise notamment de revoir les dépenses (évidemment), sans se soucier d'enjeu de solidarité nationale (ce n'est pas son rôle). Mais l'une d'entre elles, majeure, est très agaçante pour l'argumentaire sarkozyen :  les niches fiscales doivent être réduites. "Il ne s’agit pas de créer de nouveaux prélèvements, mais d’accroître le rendement de ceux qui existent, notamment en supprimant ou en réduisant une partie substantielle des dépenses fiscales et niches sociales." Et d'ajouter: "Compte tenu des délais nécessaires à leur évaluation et à la difficulté d’en supprimer, cette réduction passe, au moins à court terme, par une diminution systématique des plafonds appliqués aux réductions et crédits d’impôts."
La conclusion de la Cour des Comptes est un désaveu pour la gestion sarkoyenne des comptes publics : "Le déficit a cependant été aggravé par une maîtrise insuffisante des dépenses publiques et par des mesures de réduction durable des prélèvements obligatoires. Les règles instaurées en ce domaine ont été insuffisantes, ou n’ont pas été respectées, et les données provisoires disponibles montrent que le déficit structurel a ainsi été accru."
CQFD.

Sarkozy, chômage et idéologie...
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