en ami

Par Clarinette
J'ai lu ce roman très court une première fois très vite et en diagonale, puis je l'ai repris pour le lire plus posément et m'imprégner des mots de Forrest Gander.
J'ai pu ainsi apprécier la manière dont Clay, le narrateur, décrit son ami Lester dont il est en réalité amoureux. Clay décrit très précisément les sentiments ambivalents que lui inspirent Lester -mélange d'amour, d'admiration, de haine et de jalousie- son charisme extraordinaire et le magnétisme qu'il exerce sur toutes les personnes qu'il croise. Son charme puissant paraît presque "diabolique". Car Lester est loin d'être un ange. Il mène des vies multiples : marié à Cora, il vit également avec Sarah, qu'il trompe avec d'autres femmes. Il est égoïste, cynique, toujours en représentation...Un personnage complexe qui m'a fascinée moi aussi.
Les premières pages décrivant la naissance Lester m'ont parues assez pénibles. J'ai beaucoup aimé les bribes de souvenirs de sa vie avec Lester évoquées par Sarah vers la fin. Les dernières pages consacrées aux extraits d'interviews de Lester m'ont parues un peu ardues mais donnent quelques clés pour mieux comprendre le personnage.

extrait : "Je ne l'ai jamais entendu lire un seul texte de sson cru, mais il lui arrivait parfois de citer un poème, de lui ou d'un autre, au cours d'une conversation. Cela paraît bizarre, narcissique ou prétentieux ou chiqué mais face à nous dans le box du Gibus il était capable de faufiler sans suture des vers du poème au flot de la conversation. Son visage était lesté d'une telle beauté mélancolique qu'il lui donnait l'air plus agé et plus convaincant que nous tous. Sa gravitas nous aspirait en lui comme un siphon. Il pouvait river les yeux sur vous et vous entraîner vers un royaume inconnu où vos habitudes de pensée avaient tendance à se mettre en veille. On aurait dit qu'il arrivait d'un lieu où l'enthousiasme n'était pas jugé inversement proportionnel à l'intelligence et où on trouvait normal de mêler dans la même phrase Cocteau et les barbues de rivière. Aucun de nous n'avait une telle envergure, aucun n'avait lu autant que lui. La noirceur opalescente de ses yeux était magnétique."

En ami, Forrest Gander, Sabine Wespieser, 133 pages.

lu aussi par Laurent, Lily, Eireann

Cinq questions à Forrest Gander :