Salle 5 - vitrine 2 - prémices i : en passant par nantes ...

Publié le 23 février 2010 par Rl1948

   Nantes. En Loire-Atlantique.
     Nantes. Un édit signé par Henri IV en 1598 pour  préciser les droits qu'il entendait accorder aux protestants français et ainsi mettre un terme aux guerres de religion qui ensanglantaient le pays depuis un demi-siècle ; édit malencontreusement révoqué à Fontainebleau en 1685 par Louis XIV, son petit-fils.
     Nantes. La "Folle Journée". En réalité cinq jours de rencontres musicales organisées annuellement fin janvier ou début février avec de grands interprètes classiques pour illustrer un thème : en l'occurrence, cette année du bicentenaire, ce fut, voici quelques semaines, l'oeuvre de Chopin.
     Nantes. "Il pleut sur Nantes ..." Une chanson, une de mes préférées, mélodiquement lancinante, immensément douloureuse, pudiquement plaintive que Barbara interpréta pour la première fois en novembre 1963 - elle avait 33 ans - et qui à jamais marqua mon adolescence et la chanson française au fer rouge. C'est en découvrant les mémoires de la Longue Dame brune, en 1997, quelques mois avant son décès, que je compris combien ce texte avait été écrit pour tenter d'exorciser les rapports plus que conflictuels qu'elle avait entretenus avec ce père particulièrement trop "aimant" ... ; et qu'elle avait préféré ne jamais revoir après ses jeunes années meurtries.
     Si Nantes peut encore évoquer le Jules Verne dont les romans d'aventure illuminèrent mon enfance, c'est aussi un Jardin des Plantes et une petite voie le bordant, la rue Frédéric-Cailliaud (1787-1869) : c'est le savant naturaliste, passionné par l'étude des mollusques et qui dirigea trente années durant son Muséum d'Histoire Naturelle que la ville voulut ainsi honorer en rebaptisant cette artère à son nom.

     Ce que l'on sait probablement moins, à Nantes comme ailleurs, c'est que l'homme, fils d'un maître serrurier, s'était d'abord entiché d'archéologie, au grand dam de son père. Conséquemment, il décida d'explorer l'Egypte et le Soudan : à ses frais pour ce qui concerne la première expédition, de 1815 à 1818 ; puis officiellement commandité par le ministre de l'Intérieur Elie Decazes pour la suivante, de 1820 à 1822.
   De retour à Paris, en 1823, avec une importante collection d'objets  - notamment aquis grâce aux fonds du Cabinet des Antiques de la Bibliothèque royale attribués par le ministre comte de Corbières -, admiré, adulé, courtisé en haut lieu, Cailliaud voit toutes les portes s'ouvrir devant lui.
   Il me faut ici rappeler, pour ceux d'entre vous, amis lecteurs, qui auraient  quelque peu perdu de vue les articles de septembre 2008 consacrés à Jean-François Champollion, au départ de la visite que nous avions effectuée ensemble du tout nouveau musée qui lui était dédié dans sa ville natale de Figeac, que nous assistons, en ce premier quart du XIXème siècle,  à l'éclosion de l'égyptologie française : en effet, le savant quercynois, en partie grâce à la Pierre de Rosette, vient de découvrir le sens de l'écriture hiéroglyphique ; et Charles X,
tout nouvellement monté sur le trône de France, ne va pas tarder à lui  accorder son soutien pour la création des premières salles officiellement dévolues à l'art égyptien au Musée du Louvre. 
   Et ce même monarque, sur les recommandations personnelles de Chateaubriand, alors Ministre des Affaires étrangères - que le hasard, convenez-en, nous amène à souvent croiser ces derniers temps -, recevra Frédéric Cailliaud en son palais des Tuileries : le 1er septembre 1824, il le promeut Chevalier de la Légion d'Honneur, allant même jusqu'à lui offrir, en reconnaissance des découvertes subséquentes à ses expéditions, une petite boîte en or marquée du chiffre royal en diamants ...
   Et l'incompréhensible alors se produit : malgré tous les honneurs, malgré la notoriété parisienne dont beaucoup se seraient flattés, Frédéric Cailliaud décide tout de go de quitter la capitale, de rentrer à Nantes  et, surtout, de délaisser l'égyptologie pour ne plus s'occuper que de ses chers échinodermes, préférant  ainsi consacrer la suite de sa vie  - il n'a pas encore atteint le mitan de son âge ! - à notamment étudier les différents procédés de perforation des roches par les invertébrés marins ...
   Et c'est donc à Nantes qu'il décède, le 1er mai 1869, à quelque cinq semaines de ses 82 ans ...
   Lors de ses deux séjours consécutifs en terre égyptienne, Cailliaud visita les grands sites touristiquement  incontournables que sont devenus Philae, Edfou, Esna, Assiout, Abou Simbel ...
   Il explora également l'oasis de Khargeh, retrouva le temple rupestre de Redesyeh, près d'Edfou, attribué à Séthy Ier, ainsi que les mines d'émeraudes de Zabarah.
  
   Une première relation de ses explorations fut publiée sous le titre de Voyage à l'oasis de Thèbes, dans les déserts situés à l'Orient et à l'Occident de la Thébaïde, fait pendant les années 1815, 1816, 1817 et 1818.


  

     Au Soudan en 1821, et là ne fut pas la moindre de ses découvertes, il localisa et reconnut formellement le site de l'antique Méroé auquel, par parenthèses, le Musée du Louvre consacrera une grande exposition dès mars prochain. 


   Il publia par la suite un deuxième compte rendu de ses périples en terre africaine dans un ouvrage en quatre volumes et deux atlas intitulé Voyage à Méroé, au fleuve blanc, au-delà de Fazogl, dans le midi du royaume de Sennar, à Syouah et dans les cinq autres oasis, fait dans les années 1819, 1820, 1821 et 1822.


   (Pour la petite histoire - et surtout pour les amateurs de ce type de littérature -, je précise que différents volumes des récits rédigés à l'époque par Frédéric Cailliaud sont gratuitement téléchargeables sur le site Gallica de la BNF.)
   De ses deux séjours africains, je l'ai noté ci-avant, Cailliaud rapporta en France un certain nombre de pièces soit qu'il offrit au Musée Dobrée de Nantes, soit qu'il céda à la Bibliothèque royale et qui, de la sorte, aboutiront en définitive au Louvre. Parmi elles, des stèles, des sarcophages, mais aussi ce fragment de peinture sur limon trônant au beau milieu de la vitrine 2 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes que je me propose de vous présenter de manière plus détaillée les prochains mardis.
 
    
 

(Chauvet : 1989, passim)
(A nouveau un grand merci à Pat pour m'avoir renouvelé sa permission de puiser dans ses albums : aujourd'hui, en l'occurrence, pour la photo des pyramides de Méroé.)