[Critique] Shutter Island

Publié le 25 février 2010 par Mrtyler

Je n’en pouvais plus! Attendre et encore attendre pour le voir, surtout après avoir lu les premières reviews complètement contradictoires, déception, grand film, ça torturait encore plus la région « patience » de mon cerveau…Torture qui a pris fin ce jeudi et quel plaisir!

Pour commencer je précise que je n’ai pas lu le livre de l’illustre Dennis Lehane mais j’en ai entendu beaucoup de bien, et je ne regrette pas cet état de fait car Shutter Island est un très bon thriller psychologique grâce, en grande partie, mais je vais développer, à son histoire!
Du coup j’ai ajouté le bouquin à ma wishlist Amazon ainsi que Mystic River par la même occasion..

Je vais développer tout ça en deux parties, une -presque- spoiler free pour ceux ne l’ayant pas vu et une parlant concrètement du film et de son interprétation après pour donner mon point de vue et ouvrir la discussion si certains sont intéressés…


Le synopsis :

En 1954, le Marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l’île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L’une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu. Comment la meurtrière a-t-elle pu sortir d’une cellule fermée de l’extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Oeuvre cohérente d’une malade, ou cryptogramme ?

Shutter Island c’est avant tout une ambiance très spéciale qui s’installe dès le début du film et qui ne le quitte pas. L’arrivée du Marshal Di Caprio qui est déjà pas dans son assiette (ce qui nous laissera dans le doute sur son état par la suite, normal ou pas normal?) et de son coéquipier nous plonge directement dans l’atmosphère oppressante de l’île. La bande son aussi y contribue largement, angoissante et magistrale elle accompagne les deux protagonistes au travers des murs hostiles et austères de l’Asile, passant les barbelés électrifiés (ah ouai quand même) avant leur rencontre avec l’étrange directeur, non pas par son attitude mais plutôt par son discours, courtois mais très mystérieux, tout comme on le découvre par la suite, celui de tous les autres employés du site.

Difficile de parler plus de l’histoire à partir de là sans en révéler les tenants et les aboutissements, ce qui n’est pas mon attention bien sûr car ce fantastique puzzle imaginé par Dennis Lehane est l’un des deux points forts du film, l’autre étant Leonardo, qui porte littéralement l’oeuvre magnifiquement mise en scène par le maitre Scorsese.
Non pas que les autres acteurs soient mauvais au contraire, mais on a ici un vrai premier rôle et d’autres personnages qui viennent servir à son histoire qui est vraiment centrée sur Teddy Daniels (on le réalise encore plus lors de la révélation finale), mais on a le droit à quelques prestations de qualité, comme la rencontre avec George Noyce (alias Jackie Earle Haley alias Roscharch dans Watchmen).

Ce personnage de Marshal à travers lequel l’histoire se développe peut paraitre banal au premiers abords, surtout avec sa petite cravate à chier (:D) mais l’on découvre rapidement qu’il cache un lourd passé, marqué par deux tragédies que vous découvrirez, l’un étant la pierre angulaire du récit, l’autre un motif supplémentaire pour alourdir son bagage émotionnel et ses réactions au cours du film…Réactions rendues vivantes à travers DiCaprio, les nerfs à vif, tour à tour sûr de lui et du pourquoi de sa présence à Shutter Island, puis complètement perdu, hanté par des hallucinations presque réelles…C’est un grand acteur qui ajoute une pierre de plus à son édifiante carrière.


 
Ceci dit, on ne comprend pas tout de suite, pourquoi tous ces mystères, pourquoi vouloir mettre des bâtons dans les roues à ces représentants fédéraux qui sont dès le début remis à leur place : gardiens aux mines patibulaires, armés jusqu’aux dents pour faire face aux dangereux prisonniers, ou plutôt patients comme aime à la souligner le directeur, qui loin de leur souhaiter la bienvenue leur retirent leurs armes et leur laissent une drôle de première impression, « Ils sont un peu à cran vos gars nan? »…
Constat évident, quelque chose de pas net se trame sur cette île, et si l’on en découvrira de plus en plus sur ce sujet c’est seulement pour être totalement déstabilisé quand on apprendra que nous n’en sommes qu’au premier niveau d’un puzzle diabolique dont on peinera à croire la fin en se disant que ce n’est pas possible!

Le scénario est orienté autour de trois axes spatio-temporels, que l’on peut rapprocher des éléments géographiques de l’île : l’arrivée, la mise en place de la situation, l’entrée dans l’Asile, la visite des premiers blocs et le début de la tempête. Vient ensuite la découverte du bloc C que l’on attend impatiemment, puis s’ensuit quelques scènes discutables qui nous amène vers la partie finale du récit, le phare.
Une dernière partie, que l’on devine petit à petit, mais dont on ne peut avoir aucune idée dans la première moitié du film, vient clôturer l’histoire en nous laissant sur le cul, au sens propre comme au sens figuré car on y repense 2min sur son siège avant de quitter la salle…


 
Toute la finesse du montage résidant dans le fait d’amener le spectateur à s’identifier à Teddy Daniels, tout est projection, Scorsese nous contrôle habilement du début à la fin, pour au final nous placer dans une situation très inconfortable, qui ne se termine pas comme on le souhaiterai…
Shutter Island n’est pas un film qui se termine bien, on y voit plutôt une sorte de résignation, la psychanalyse peut aider l’être humain mais elle ne peut rien pour les cas les plus désespérés.

Que dire de plus, époustouflant, vraiment à part des autres productions plus classiques, j’adore ce genre d’histoire recherchées (même si je bave d’avance sur des films comme Kick Ass ou Iron Man 2 dans un registre plus basique mais différent).
J’ai eu un peu peur à un moment dans le dernier quart que tout s’embourbe tellement le twist est énorme et quand on y repense beaucoup d’éléments viennent se mélanger mais non, c’est tout simplement bien foutu, un peu tiré par les cheveux mais très bien réalisé…

Un film incontournable, à vraiment savourer lors de sa première visualisation, même si je pense me prendre le bluray plus tard pour l’apprécier à nouveau et le revoir en connaissance de cause pour analyser chaque détail…J’espère vous avoir donné envie de la voir, ne vous retenez pas!


 
ATTENTION SPOILER : Dans ce qui suit je traite de la fin du film et de l’interprétation des faits pour essayer de comprendre, surtout ne lisez pas si vous n’avez pas lu ou vu au risque de vous gâcher le plaisir…

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Bon maintenant parlons peu parlons bien, que pensez vous de la fin?

On a donc compris que Teddy a sombré dans la folie depuis qu’il a tué sa femme, après qu’elle-même, maniaco-dépressive dirons nous, eût noyé leurs trois enfants. Ajouté a cela ce qu’il a enduré pendant la 2ème guerre mondiale en découvrant les camps, il n’a pas réussi à s’en remettre et se fait soigner depuis 2 ans sur Shutter Island, établissement précurseur en matière de psychiatrie.

Depuis 2 ans, Edward/Andrew divague dans l’asile, tout comme ils ont inventé l’histoire de Rachel Solando qui pensait toujours être chez elle entourée de ses voisins. Il est un Marshal venu faire une enquête à la suite de la disparition d’une patiente, et devant le manque de coopération évident de l’équipe, il soupçonne peu à peu l’hôpital d’être le théâtre de test sur des cobayes humains visant à les rendre insensible à la douleur, expérimentations qui seraient de plus cautionnées par le gouvernement avide de résultats.

Impuissants face à sa maladie et ayant testé tous les traitements les deux psychiatres, vont, dans une ultime tentative pour lui faire recouvrer sa santé mentale, mettre en scène cette histoire et montent donc une pièce de théâtre à grande échelle, suivant point par point le récit qu’Edward/Andrew déblatère depuis 2ans…Son thérapeuthe devient donc à cette occasion Chuck, le co-équipier d’Edward/Andrew et la mise en scène commence…

La question finale étant est ce que ça a fonctionné?

Et bien a priori oui quand Andrew se réveille la première fois, il récapitule les faits tels qu’ils sont, puis sur la scène des escaliers, rechute, c’est le cycle dont parlait le psychiatre en chef, rien à faire la maladie semble reprendre le dessus, il reconsidère à nouveau son thérapeute comme son partenaire, ce dernier fait un signe négatif aux décisionnaires qui valident la lobotomie comme seule issue…Seulement voilà, Teddy sort une dernière phrase terrible : « Mieux vaut-il vivre comme un monstre ou mourir en homme bien ?« , qui laisse sous-entendre qu’il serait effectivement guéri…

Alors pourquoi continuer a jouer le jeu en sachant qu’il va aller subir le pire dans le phare…Et bien surement car il sait qu’il ne pourra pas vivre avec la culpabilité, il préfère donc être libéré de ses tourments…

Après réflexion c’est l’explication la plus plausible, plutôt que de croire à une manipulation, mais pourquoi quand il interview une patiente celle-ci lui écrit « Fuyez » sur son carnet quand Chuck s’éloigne, si elle sait qu’il est en réalité le thérapeute de Teddy? Une amie de détention qui voudrait juste le voir s’évader? Bizarre, tout comme le fait qu’il ne retrouve pas ses cigarettes dès le début sur le bateau, est ce que la machination commence à ce moment là, cigarette, cachet…
Je pense définitivement que non car d’autres signes ne trompent pas, la petite qui apparait tout au long du film s’avère être sa fille, son thérapeute joue le rôle de son partenaire mais il a bien du mal ne serait-ce qu’à retirer son étui à pistolet à leur arrivée et surtout les anagrammes montrent bien qu’il est peu probable qu’une personne chasse un criminel dont le nom est un anagramme de son propre nom, de même le fait que la personne disparue possède comme nom un anagramme de celui de sa femme…

J’adore toutes ces interrogations que l’on peut se poser à la fin du film…J’ai aussi lu un autre détail intéressant, à savoir que quand il hallucine et qu’il voit sa femme prendre feu, son dos brûle mais de l’eau s’écoule devant elle et de ses mains, c’est probablement une image pour dire qu’il refuse de voir la vérité en face et qu’il se la cache avec cette histoire d’incendie…

Bref de quoi cogiter alors faites vous plaisir si vous avez vu, pensez ou ressenti autre chose…