Quelques cycles biogéochimiques

Publié le 01 septembre 2009 par Alzaz

LE CYCLE DE L’EAU

Lorsqu’on voyage dans une capsule en orbite autour de la Terre, celle-ci paraît toutes bleue tant l’eau y est présente ; 4/5ème du globe est recouvert d’eau et sa quantité totale est évaluée à environ 1400 millions de km3. L’eau est un élément indispensable à la vie sur la planète ; de plus, elle doit être présente sous forme liquide. Sur la Terre, elle présente ses trois formes physiques naturelles, solide, liquide et gazeuse (ne pas confondre vapeur d’eau et eau gazeuse du commerce !). Sur Venus, trop proche du soleil, la vapeur d’eau ne peut pas se condenser en eau liquide et, sur Mars trop éloignée, elle ne peut pas fondre.

Malheureusement, la majeure partie de cet élément essentiel est salée ou non potable. 97,40 % se trouve dans les mers et les océans alors que seulement 2,60 % est douce, sans être pour autant potable ou accessible (glace). L’eau est donc extrêmement précieuse malgré son abondance.

Les animaux sont constitués à plus de 70 % d’eau, les végétaux herbacés à plus de 85 %. Comme dans le cas du carbone (Lire Flux et cycles dans la biosphère : cas du carbone), l’eau circule constamment, traversant inlassablement les formes de vie qui se succèdent et décrivant un cycle qui dépendra entièrement du soleil. 

Le dispositif du cycle de l’eau peut être comparé à une machine à vapeur :

- le soleil en est le foyer,

- les océans et les continents en composent la chaudière,

- les couches supérieures froides atmosphériques fonctionnent comme un condensateur.


Le soleil chauffe les eaux du globe, qui s’évaporent en partie avant de se refroidir dans la haute atmosphère et de retomber sous les formes variées des précipitations. Tout dépendra donc de l’intensité du soleil, des températures, de la latitude et de l’altitude.
Malgré un rendement faible -le cycle de l’eau n’utilisant qu’une faible partie de l’énergie fournie par le soleil, le travail accompli est phénoménal : la machine thermique fait la pluie et le beau temps, régit les climats, oriente les courants marins, érode en la sculptant la peau de la Terre, permet la vie extraordinaire des deltas et assure tout bonnement le maintien de la vie sur Terre.
C’est au dessus des océans que le transfert d’eau à l’atmosphère est le plus grand : 450000 km3 d‘eau liquide passe à l‘état de vapeur. L’atmosphère ne pouvant contenir, dans les conditions actuelles, que 13000 km3, cette vapeur retombera presque entièrement sous forme de pluie dans l’océan (410000 km3) ou sur les continents (40000 km3).
Cependant, le cycle se produit également au dessus des continents avec, d’une part, l’évaporation des eaux libres (lacs, cours d’eau…) et, d’autre part, l’évapotranspiration terrestre (animaux, végétaux et sol) ; ce sont ainsi 71000 km3 qui rejoignent les 40000 venant de l’océan par l’atmosphère. Au total, 111000 km3 retombent sur les terres sous forme de pluie, de neige, de grêle… Mais tous les hommes ne sont pas logés à la même enseigne !

Selon la nature du sous-sol, l’eau s’enfonce en profondeur tant qu’elle ne rencontre pas d’obstacles. La stratification géologique importe donc.
En région à substratum calcaire, l’eau s’infiltre dans les fissures de la roche qu’elle attaque d’autant plus qu’elle est froide pour y former des réseaux karstiques. La gestion de l’eau importe beaucoup car elle abonde peu en surface, ce qui la rend d’autant plus fragile face aux pollutions agricoles, domestiques et industrielles.

 
Lorsqu’elle rencontre un obstacle telle une couche marneuse ou argileuse, l’eau stagne pour former des aquifères et des nappes phréatiques. Cette réserve dépend totalement de la pluviométrie et les années de sécheresse nous ont enseigné qu’elle n’est pas inépuisable et que sa vulnérabilité aux pollutions est grande.

Dans les régions à substratum granitique ou gneissique, les eaux de précipitation ne s’infiltrent pas mais ruissellent en surface, passant des rivières ou des fleuves à l‘océan. On y trouve peu d’aquifères naturels et la gestion de l‘eau peut poser quelques problèmes, notamment en cas de pollution.

Toujours est-il que l’ensemble des sources d’eau potable est pollué par les nitrates, les phosphates, les hormones, les antibiotiques, les pesticides, les PCB, les métaux lourds, les bactéries fécales… Une eau ne pouvant plus assurer naturellement (grâce aux végétaux et à ses bactéries aérobies comme anaérobies) son autoépuration est dite eutrophisée, voire dystrophe, avant la mort dans le pire des cas.

La concentration urbaine aggrave les problèmes de l’épuisement et des pollutions aquatiques que posent déjà notre manière générale de consommer : l’agriculture et l’agro-alimentaire, l’industrie et les centrales électriques, sont fortes utilisatrices d’eau (25 litres sont nécessaires à la fabrication d’un litre de bière, 40000 l pour faire 10 grammes d’antibiotique…) et ne restituent jamais une eau totalement propre.

La France est passée d’une consommation de 1000 km3 d’eau par an à plus de 5000 aujourd’hui.

L’occidental consomme en moyenne 100 fois plus d’eau qu’un Ghanéen ! et moins de 5 % de notre eau entre dans un usage purement alimentaire. La majeure partie des eaux domestiques est polluée ; l’industrie, même aux normes, fait des dégats environnementaux considérables et l’agriculture n’est pas en reste. Un bain dépense 10 à 20 fois plus d’eau qu’une douche et nos comportements relèvent non plus de l’insouciance mais de l’inconscience. De plus, un niveau de vie élevé est ravageur pour le cycle de l’eau et sa capacité d’autoépuration.
Nous verrons que cycle de l’eau et cycle de l’azote sont interdépendants, ce qui est phénomène banal dans la biosphère.


L’eau est un solvant universel doué de propriétés chimiques exceptionnelles. La molécule d’eau est une des plus stables de la biosphère, ce qui, dans l’univers, paraît totalement « anormal »

- l’eau se dilate en se solidifiant en glace (à 0°C) contrairement à tous les autres corps qui se contractent à la solidification ; de fait, la glace flotte contrairement aux autres corps, sa densité ayant baissé ; si la molécule d’eau suivait les règles de normalité de l’univers, l’eau devrait se solidifier à 100°C au dessous du zéro !

- de même, l’eau entre en ébullition à 100°C, au lieu de -91°C si elle se comportait « normalement* » (c’est à dire si elle respectait les règles théoriques de la physique) et sa densité baisse au maximum, alors qu’à 4°C elle est la plus forte (pour remonter à 0°C) ; de fait, les eaux froides s’enfoncent sous l’océan, ce qui entraîne les courants marins généraux.

*Ce « normalement » entraînerait sa disparition définitive sous les formes qui permettent la vie sur terre ;

- l’eau (H2O) est un dipôle électrique (O2- et 2H+) qui se comporte comme un micro-aimant avec les autres molécules, ce qui en fait un solvant assez extraordinaire ; en l’occurrence, elle peut dissoudre une grand quantité d’oxygène.

- le potentiel Hydrogène (pH qui mesure l’acidité) de l’eau voisine le degré 7, on la dit de ce fait neutre, c’est à dire ni acide ni alcaline (ou basique) ;

- la vapeur d’eau régule et adoucit le climat, elle le tempère sous nos latitudes ;

- la molécule d’eau, bien que dépourvue de potentiel énergétique chimique, permet de fournir de l’énergie de gravité (grâce à l’évaporation due au soleil et à la condensation dans la haute atmosphère) dans les centrales hydrauliques ou barrages fluviaux.

Pour finir, l’eau entre dans tous les processus biochimiques rencontrés chez l’ensemble des êtres vivants et c’est parce que l’eau est transparente que la vie sur terre a pu débuter dans les océans primitifs.

LE CYCLE DE L’AZOTE

L’air atmosphérique est constitué par plus de 78% d’azote moléculaire (diazote = N2 sous forme gazeuse), Vient ensuite le dioxygène (21%).

Dans le cycle de l’azote, ce n’est pas cette forme, ou si peu (1), qui traverse les vivants. L’atome d’azote a d’ailleurs été longtemps négligé car il n’entre pas dans la plupart des réactions biochimiques générales comme la photosynthèse et la respiration ; par ailleurs, l‘étymologie a-zote signifie « privé de vie ». Il est néanmoins indispensable tant pour ce qui est de notre constitution structurelle organique (acides aminés et protéines) que pour ce qui touche à la reproduction (histones, hormones, ADN…) ou au fonctionnement général des organismes.

Malgré la discrétion de cet élément, le cycle de l’azote paraît tout aussi important que ceux du carbone et de l’eau. Je dirais qu’il est plus complexe, c’est pourquoi je n’en parle qu’en troisième lieu et en simplifiant à outrance. Comme le carbone, c’est à la fois un élément de structure et de fonctionnement et c’est un substrat alimentaire.

Cas de l’azote moléculaire :

(1) L’azote atmosphérique (N2) entre de deux façons dans le cycle biosphérique mais le phénomène est secondaire par rapport aux autres branches du circuit :

- l’azote moléculaire est en faible part transformé en azote nitrique (NO2 / NO3) par mécanisme électrochimique lors d’orages à éclairs, ou par phénomène photochimique sous l’influence des ultraviolets (UV) solaires : c’est l’entrée par voie abiotique (sans les vivants) qui apporte au sol environ 10 kg/ha/an ;

- mais N2 entre aussi par la voie biotique (grâce à l’activités des microorganismes) :

* Les bactéries libres, qu’elles soient du milieu terrestre (Azotobacter, Clostridium…) ou aquatiques (cyanobactéries), peuvent produirent jusqu’à 25 kg/ha/an d’azote nitrique assimilable par les végétaux (algues, herbacées, arbres…),

* Les bactéries et les champignons vivant en symbiose (2) avec les végétaux au niveau des racines (Rhyzobium / légumineuses, actinomycètes / Aulne…) apportent, après transformation de N2, 500 kg/ha/an d’azote nitrique au sol.

(2) La symbiose entre des individus biologiquement très différents permet des échanges à effets bénéfiques pour chaque symbionte : les bactéries apportent l’azote organique au végétal qui leur fournit « en échange » des sucres et d’autres substances que les bactéries ne savent pas synthétiser.
Pendant longtemps on a cru que seules les légumineuses (pois, haricot, soja, luzerne, trèfle…) pouvaient vivre en symbiose bactérienne pour l’azote. Il s’avère que bien d’autres plantes cultivées pour l’alimentation humaine ont ce pouvoir (certaines variétés de blé, de maïs, de sorgho, de riz…). L’industrie agro-alimentaire cherche depuis des décennies le moyen d’isoler le gène bactérien responsable de la fixation d’azote atmosphérique N2 afin de les « greffer » directement à l’intérieur du génome (ADN) des plantes cultivées (=> OGM). Ce type d’organisme génétiquement modifié, appliqué à l’ensemble des cultures de céréales, éviterait de déverser dans la nature une bonne cinquantaine de millions de tonnes de nitrates de synthèse (engrais) et nous permettrait une économie d’environ 16 milliards d’euros.

C’est donc essentiellement sous sa forme minérale nitrifiée que l’azote entre et sort des circuits de la vie, très peu sous forme de gaz N2 directement.
Tous ces microorganismes pourvoient pour une petite partie au fonctionnement du cycle en l‘alimentant en nitrates (NO3- = nutrition azotée préférée du végétal).

La décomposition de la matière organique et la production d’azote minéral :

Le cycle de l’azote présente une autre particularité et non des moindres : les structures organiques complexes (acides aminés, protéines, protides…) constituant les êtres vivants sont démantelées, après leur mort, par des microorganismes du sol spécialisés dans la minéralisation de la matière organique (décomposeurs).
Dans un premier temps, ces structures sont transformées et simplifiées en ions ammonium (NH4+) et nitrates (NO3-), eux-mêmes incorporés à l’humus (humification due à des bactéries et des champignons) qui est une réserve de nutriments pour les plantes. Les végétaux interceptent une partie des ions azotés.
Dans un second temps et en fonction de la saison, cet humus est re-minéralisé, par de nouvelles bactéries du sol, en azote nitrique assimilable par la végétation ; les animaux consommeront ces végétaux et le cycle ne s‘arrête jamais… le même phénomène se produisant dans les océans.
Cette partie du cycle est de loin la plus importante et une stérilisation, même partielle, de la microflore du sol peut avoir de graves conséquences pour le fonctionnement des écosystèmes. C’est donc le maillon faible du cycle de l’azote.

Dans les milieux aquatiques de haute altitude ou nordiques, la décomposition de la matière organique est ralentie par certains facteurs limitants (le froid essentiellement). Lorsqu‘ils n‘ont pas subit l’influence de l’homme, ces milieux, pauvres tant en azote nitrique qu‘en sources carbonées, ne parviennent pas à produire de grandes quantités de biomasse. On les dit oligotrophes. L’adaptation à ces milieux de l’extrême a conduit certaines espèces végétales à développer des stratégies originales : elles sont devenues carnivores. Piégeant de différentes façons les animalcules qui les approchent d’un peu trop près, ces plantes spécialisées les digèrent à l’aide de sucs agressifs afin de combler leurs besoins en azote.

Les pollutions aux nitrates (ammonitrates), dues aux activités agricoles – en plus de spolier les eaux de surface et les aquifères, dérèglent le cycle de l’azote qui s’emballe en produisant nombre d’algues envahissantes devenant toxiques en se décomposant (cas actuel de l‘Ulva lactuca et de l‘hydrogène sulfuré).
2 millions en trop de tonnes de nitrates sont apportés aux cultures, nitrates que l’on retrouve dans les eaux de consommation alimentaire.
Chez les nourrissons, les nitrates absorbés sont transformés par la flore intestinale en nitrites qui se combinent à l’hémoglobine, pouvant entraîner la mort par asphyxie.
Chez l’adulte, il semblerait que la formation de nitrosamines est cancérigène.

 

LE CYCLE DE L’OXYGENE

L’atmosphère primitive ne contenait pour ainsi dire pas d’oxygène (lire L’évolution de la vie). Produit en partie par décomposition des molécules d’eau sous l’effet du rayonnement solaire mais, surtout, grâce aux premiers microorganismes doués de photosynthèse, ce gaz a été d’abord dissous dans l’eau des mers puis immédiatement lié à d’autres corps (oxydation des métaux notamment). Ce n’est que récemment (500 à 600 millions d’années), finalement, que l’atmosphère, réductrice (dépourvu d’oxygène actif), a pu se faire oxydante. Aujourd’hui, c’est l’ensemble des êtres vivants qui dépendent, pour leur survie, de la photosynthèse, de loin la plus grosse productrice d’oxygène – qui n’est qu’un déchêt de cette noble réaction en réalité (lire  Flux et cycles dans la biosphère : cas du carbone).

Les premiers êtres vivants (bactéries primitives) ne respiraient pas comme nous, ils pratiquaient leur respiration par fermentation pour puiser leur énergie (ATP) dans le milieu. La fermentation se passe d’oxygène (= respiration anaérobie) mais son rendement énergétique est nettement plus faible qu’avec la respiration aérobie.

Je rappelle que la respiration, en présence d’oxygène, permet de « brûler » les sucres fabriqués par la photosynthèse (lire Flux et cycles dans la biosphère : cas du carbone). C’est une combustion froide qui se passe dans les mitochondries des cellules végétales et animales. La respiration produit du gaz carbonique qui est repris par la photosynthèse. Ces deux processus complémentaires régissent toute l’organisation de la vie sur terre.

Un phénomène indispensable à l’extension de la vie terrestre et aérienne s’est également produit à la suite de l’augmentation progressive de la concentration en oxygène : l’oxygène (O2) se transforme en ozone (O3) sous l’effet des rayonnements UV du soleil. Vers 30 km d’altitude, dans la stratosphère, une couche d’ozone s’est installée qui nous protège des rayons solaires nocifs et mortels. Si cette couche fine venait à disparaître, la vie ne pourrait plus avoir bien lieu que dans les mers ; l’homme en serait le premiers touché.

Les deux principaux réservoirs d’oxygène sont l’atmosphère (270 mg/l) et l’hydrosphère (14 mg/l). Peu soluble dans l’eau, l’oxygène sera un facteur limitant pour le métabolisme en vie aquatique ; plus la température de l’eau s’élève, moins elle contient d’oxygène.
Gaz biogène (qui génère la vie) comme le dioxyde de carbone (gaz carbonique), l’oxygène est produit essentiellement par les végétaux chlorophylliens terrestres et marins. Lorsque nous détruisons une forêt pour y installer des cultures vivrières, nous faisons baisser le taux d’oxygène de l’air et augmenter celui du gaz carbonique, principale cause de l’emballement thermique appelé « effet de serre ».


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