Une petite histoire de l’hospitalisation et de son financement

Publié le 23 février 2010 par Cmdjd
Il fut un temps où l’hôpital était le refuge des malades indigents, le dernier asile où quelques soins étaient parcimonieusement distribués par des œuvres religieuses au nom de la charité. Lentement, les cornettes ont fait place à une administration et les médecins ont fait leur entrée dans ce lieu insalubre. Les indigents ont laissé la place aux patients les plus complexes que les soins de ville n’étaient plus en mesure de prendre en charge. La charité s’est effacée devant la médecine à mesure que celle-ci devenait une science et qu’elle investissait les lieux pour en faire le centre névralgique de son implantation et de son développement. L’hôpital devenait ainsi le lieu de la formation des médecins, celui de leurs recherches, celui de la mise à disposition de leur expertise grandissante. Les médecins apprenaient, cherchaient, soignaient ; l’administration se débrouillait tant bien que mal pour faire tourner la machine et suivre le mouvement.
Arriva un temps où les maigres subsides, les dons, les legs, la charité publique ou individuelle, la bonne volonté, le bénévolat, … ne suffirent plus à financer les coûts grandissants de cette entreprise. D’autant que le désir de justice sociale ouvrait désormais toutes grandes les portes de l’institution à la multitude des patients en demande légitime de soins, d’examens, sur un pied d’égalité et pour un coût mutualisé. La gestion de l’hôpital, et plus généralement du système de santé, devenait affaire de plus en plus collective, même si dans le détail elle laissait survivre quelques formes d’action privée au sein du dispositif général.
Pour ce qui est de l’hôpital public, il devint soumis aux règles de la comptabilité publique. Le budget de chaque hôpital n’aboutit, dans cette évolution, qu’à être grossièrement informatif, reprenant d’année en année dans son financement le déficit de l’année antérieure. Telle était la situation qui prévalait encore au milieu des années 80 : des médecins au contrôle des soins donc de la dépense, une administration centrale en charge du comblement annuel des dépenses nouvelles, une administration locale en charge de la coordination et la bonne gestion du système sur le terrain.


Joseph Joffre (1852 -1931)

Soudain, on s’aperçut que ce fonctionnement laissait libre cours aux dérives de dépense. A cette époque se construisit l’adage : « Si la santé n’a pas de prix, elle a un coût », qui présida à la définition au niveau national d’un budget global de la santé, dit ONDAM (Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie), qu’il fallut répartir entre chaque structure de soins dans le cadre d’un financement limité et prédéterminé dit « Enveloppe globale ». Plus de rattrapage budgétaire qui tienne : chaque établissement eut son budget prévisionnel à ne dépasser sous aucun prétexte.
Mais les dérives budgétaires persistaient. Naquit alors l’idée, dans un souci d’équité et de transparence, de faire dépendre au plus près le financement de chaque hôpital de la réalité de son activité : on inventa la T2A, ou Tarification à l’Activité, encore en vigueur de nos jours. Le principe en est lumineusement simple : les modalités de prise en charge d’une maladie donnée étant codifiées, le cours de l’évolution de cette affection sous ce traitement doit être prévisible et relativement uniforme, et les coûts afférents doivent donc être standardisables. Ainsi, à chaque pathologie peut être affecté un coût moyen, qu’il suffit d’additionner pour calculer les recettes de l’hôpital qui prend en charge ces patients. On avait réinventé le paiement à l’acte, en l’appliquant à l’hôpital, et en redéfinissant au passage l’acte comme la prise en charge d’une pathologie et non plus celle d’un patient avec ses aléas de parcours.
Mais rien n’y faisait, les dérapages budgétaires étaient encore trop largement répandus. Où pouvait donc résider la fuite ? Si le système, pour raffiné qu’il soit, ne parvenait pas à endiguer les dépenses, ce devait être en réalité la maîtrise du système qui posait problème. Peut-être alors suffirait-il de changer les hommes pour retrouver une rigueur budgétaire. Ainsi naquit l’idée d’une « Nouvelle Gouvernance » faisant reprendre en main par l’administration les choix stratégiques de chaque hôpital. Les chefs de service se virent adjoindre l’aide d’un Cadre Administratif. Les services eux-mêmes furent enjoints de se regrouper en Pôles destinés à faire jouer des synergies, et permettant de réduire le nombre des interlocuteurs médicaux face à l’administration. Les instances hospitalières se virent concentrées au sein d’un Directoire ou d’une Cellule de Direction. Et pour couronner le tout, des Agences Régionales d’Hospitalisation furent créées, bientôt rebaptisées Agences Régionales de Santé.
Indépendamment des personnes, dont le caractère et l’ouverture pouvaient continuer malgré tout à s’exprimer selon leur personnalité, les structures étaient ainsi prêtes pour une large remise en ordre des finances hospitalières et du fonctionnement des hôpitaux.