La science est-elle l’ennemie du sport ?

Publié le 02 mars 2010 par Vinz

L’association sport/science est inévitablement liée au dopage dans nos esprits. pourtant, il existe des scientifiques amoureux de sport qui savent conjuguer sciences, sport et éthique pour aider les athlètes à atteindre la pleine exploitation de leurs moyens.

la science est-elle l’ennemie du sport ?

Véronique Billat pense que non.

Qui ça ?

Véronique Billat lors d'une prise de mesure pour l'ascension du Mont Blanc

Née au début des années soixante, près de Grenoble, elle y vivait à 900 m d’altitude et dès la 6ème, elle rejoignait son collège à 200 m d’altitude à vélo. Elle acquiert, à la manière Kenyane, une condition physique hors norme. Dès les premiers cross, elle brille. On lui fait signer une licence et dès les juniors, elle gagne au niveau national. Dans le même temps, elle aura un excellent niveau en ski nordique. Cette femme qui allie la tête et les jambes fera partie pendant deux ans de l’équipe de France universitaire de ski de fond et pratiquera également l’athlétisme (vice championne de France de cross country).

Enième portrait d’une sportive injustement méconnue ? Que nenni.

« Quand j’étais jeune, on avait des entraînements anarchiques, sur la méthode essai-erreur. On nous poussait à bout. Du coup, mon organisme était épuisé, j’ai attrapé une mononucléose, je n’arrivais même plus à suivre au lycée. A partir de là, j’ai tout arrêtée et j’ai décidé d’apprendre comment améliorer ce système. »

Elle ne comprenait pas déjà quand elle était adolescente pourquoi les entraînements étaient toujours les mêmes.

Mais la question majeure qu’elle se pose c’est : Pourquoi un sportif s’améliore quand il s’entraîne ?

Pas en théorie, exactement.

Qu’est-ce qui a changé physiologiquement dans son corps quand il a fait tel exercice. Pour comprendre tout ça, il faut comprendre ce que c’est que l’entraînement mais aussi le fonctionnement du corps. C’est ce qu’on appelle la physiologie.

Le parcours s’oriente donc davantage sur la recherche scientifique mais sans jamais quitter le monde du sport. A 23 ans elle entraîne un groupe de triathlètes à Grenoble, à 27, elle dirige un centre de remise en forme, à 28, elle est maître de conférence dans des facultés des sciences du sport.

Dès 94, à 33 ans, elle passe son 3ème degré du brevet d’état d’entraîneur d’athlétisme, en parallèle à sa carrière scientifique.

Aujourd’hui, elle dirige un institut : LEPHE (Laboratoire d’Etude de PHysiologie par l’Exercice) dépendant de l’Université d’Evry.

le laboratoire du LEPHE est un outil de pointe dans l'étude physiologique de l'effort.

Le but ?

Identifier les facteurs limitatifs de la performance, trouver l’exercice juste qui vienne apporter des solutions à ce problème.

Diminuer la consommation d’oxygène.

Réduire la fréquence cardiaque.

Ok, mais on peut aller beaucoup plus loin.

Trouver si une séance d’entraînement et laquelle permet de :

Fabriquer plus de mitochondries.

ou

Plus de protéines contractives qui améliorent la force.

Et quelle intensité permet de le faire en une séance.

Tout démarre par des tests (audit physiologique).

Elle l’explique elle-même : « Tous la même consommation au repos, de l’obèse au champion olympique. Ce n’est pas tout à fait exact mais la différence est minime.

On a tous le pied sur le premier barreau de l’échelle de la performance mais là où un individu normal à 10 barreaux devant lui pour monter, le sportif de haut-niveau en a 25. »

« Quand ils viennent chez moi, ils veulent augmenter leur nombre de barreaux. La première étape c’est de savoir combien ils en ont déjà, quel est le barreau limitant. »

En effet, ce n’est pas une mais plusieurs échelles qui sont devant nous :

-          Débit sanguin

-          Concentration en oxygène du sang

-          Nombre de mitochondries

-          Nombre de protéines contractives

-          Résistance à l’acide lactique, etc.

Pour ce qui concerne les sportifs de haut-niveau, on s’intéresse la plupart du temps aux hautes puissances. Donc le corps fait appel à des fibres rapides, qui utilisent exclusivement les sucres.

Pour apporter son aide à un sportif, elle va chercher la vitesse de course à laquelle l’acide lactique s’accumule. Ce qui correspond à l’utilisation de la fermentation du glucide (anaérobie)

Au-delà, à quel rythme on atteint le maximum de débit cardiaque, c’est-à-dire que le cœur ne peut plus se vidanger de plus de sang à chaque battement, il ne peut plus augmenter que par l’augmentation de son rythme.

Après, elle va chercher la vitesse à laquelle on ne peut plus consommer plus d’oxygène.

Ensuite quelle est la vitesse à laquelle on peut maintenir 10/15 minutes sa consommation maximale d’oxygène alors que jusque là on pensait ne pouvoir tenir que 4 minutes.

Enfin, elle adapte l’entraînement à l’effort exact fourni par le sportif en compétition.

Exemple, comme on ne possède pas 2h de réserves de sucres, en marathon, on va utiliser un peu de lipides. On cherche quel est le barreau physiologique qui permet d’utiliser 80% de sucres et 20% de lipides et on trouve la vitesse à laquelle ce rythme correspond. On sait alors à quelle vitesse le sujet peut courir son marathon. Ensuite on essaie d’améliorer cette vitesse.

Ce jour là, sur les machines de torture, Livia Lancelot championne du monde de moto-cross.

Livia lancelot, championne du monde 2008 de moto-cross

-« On a trouvé ce qui n’allait pas chez toi ! T’es pas venue pour rien ! » S’écrie Véronique.

Explication : « normalement, la ventilation n’est jamais un facteur limitatif de la performance, on ventile 100 l d’oxygène par minute pour ne se servir que de 4. Ce qui conditionne l’apport des cellules en oxygène, c’est le débit sanguin, le rythme cardiaque. Mais s’il faut augmenter la quantité de sang, pour que la production d’énergie corresponde à l’effort, il faut aussi maintenir la qualité. En l’occurrence, au lieu d’être saturé à 98% en oxygène, son taux était tombé à 78%. Normalement j’aurais du arrêter le test pour des raisons de sécurité mais je l’ai engueulée, je l’ai poussée pour qu’elle ventile davantage. Elle est remontée à 95 % et a pu continuer son effort.

Elle se retrouvait en apnée pendant l’effort au bout d’un moment et elle perdait en lucidité, faisait des erreurs de pilotage.

On a deux éléments de réponse, premièrement, en étudiant son effort on a pu constater que son corps n’utilisait que des sucres et vu ce qu’on a constaté de son alimentation, elle est probablement en hypoglycémie, deuxièmement, elle doit travailler sa ventilation pour maintenir son taux d’oxygène dans le sang.

Elle connaissait la cylindrée de sa moto mais pas la sienne. »

L’entraîneur de la championne est attentive, elle boit les relevés.

-« Je vais pouvoir adapter mon entraînement pour optimiser les qualités de Lydia en compétition.»

Trop longtemps, la lutte contre le dopage s’est limitée à la répression contre les tricheurs. La seule prévention consistait à dire « attention, vous jouez avec votre santé » piètre argument pour des gens qui sortent parfois de la misère grâce au sport et qui espèrent trouver un instant de gloire susceptible de transformer leur vie. Le risque en vaut alors la chandelle croient-ils.

Aujourd’hui, une troisième voie s’ouvre. La science se place au côté du sportif non pour gonfler artificiellement ses capacités mais comme un outil lui permettant de cibler son entraînement afin d’améliorer les points spécifiques qui limitent sa performance.

Les méthodes d’entraînement de Véronique Billat sont sur le point de révolutionner la performance dans le domaine de l’endurance. Dans ses fonctions, elle cumule ses différentes expériences (sport, biologie, génétique, …) pour développer un nouveau protocole d’entraînement.

Le dopage c’est une amélioration artificielle d’un paramètre, massive, presque impossible à doser.

« En amplifiant une seule composante, on crée un déséquilibre qui à terme va desservir l’athlète. Nous, on arrive à améliorer de 10 à 15 % de consommation d’oxygène maximum même pour des sportifs aguerris, dit Véronique Billat,  parce qu’on trouve l’exercice juste pour chacun. »

Mieux que le dopage…  sans dopage…

Isabella Ochichi utilise les données physiologiques pour améliorer son entraînement.

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Son travail avec Raphaël Poirée (17 médailles au championnat du monde) et plus encore avec Isabella Ochichi qu’elle entraîne depuis 2001 (championne du monde 2003 du 5000 m, médaille d’argent olympique 2004)  sont des pierres à la crédibilité de sa méthode s’il en fallait.

« Nous ce qu’on essaie de faire comprendre c’est qu’on ne peut pas dissocier endurance et force. Un marathonien à besoin de force pour terminer son marathon à 20 km/h. On cherche la méthode d’entraînement qui va permettre d’améliorer à la fois la puissance et l’endurance, ça n’est pas contradictoire. »

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Les pistes d’utilisation du travail ne manquent pas pour l’équipe du Lephe.

-          Paramétrer des outils qui alertent les personnes ayant des insuffisances cardiaques qu’ils sont proche de leur limite,

-          Trouver la vitesse exacte de marche des obèses pour qu’ils perdent du poids et relancent leur organisme.

Car les travaux de ce laboratoire ne se limitent pas, loin s’en faut, aux sportifs de haut-niveau. Constatant que 40 000 personnes partent chaque année faire l’ascension du Mont-Blanc et que 20 000 font demi-tour, elle a mis au point grâce à de nombreuses expérimentations et tests sur place un protocole d’alimentation, de vitesse adaptable à chacun donnant des indications en fonction du lieu où on se trouve (boire 1,2 litres d’eau entre le refuge et le glacier, etc…). téléchargeable gratuitement.

Mieux se connaître pour accéder à son potentiel, pour aller chercher une médaille ou monter les escaliers du métro. Etre autonome, libre.

« Je voudrais laisser dans dix, quinze ans une école da la physiologie de l’exercice, une tradition. J’ai même les cadets de West Point qui viennent en juillet, vous voyez ! »

Nous, on voit bien. Mais les spécialistes du sport français le voient-ils ?

Pour en savoir plus, n’hésitez pas à vous renseigner à la source : www.billat.net