Tempêtes, inondations et construction : une réglementation sévère est elle la solution... ou le problème ?

Publié le 02 mars 2010 par Objectifliberte

Les images impressionnantes et le lourd bilan (plus de 70 morts, et des centaines de millions de dégâts) des ruptures de digues occasionnées par la tempête Xynthia sont l'occasion d'un authentique déchaînement médiatique contre "le laxisme de ces maires" qui ont accordé des permis de construire en "zone inondable". La faiblesse des analyses diffusées par les médias face à ce qui sera pour nombre de familles un souvenir tragique confine à l'indécence. La peine que les victimes ont enduré nécessiterait au contraire, par respect pour elles, que le choeur des politiciens et journalistes analyse un peu plus en profondeur les circonstances, les causes et les mesures correctrices à prendre suite à cet épisode douloureux, au lieu de sonner mécaniquement les trompettes du "nécessaire renforcement des normes", ou de la vindicte des "vilains maires laxistes".


Loin de moi l'idée de dire qu'aucun élu local n'a fait preuve de légèreté dans l'application des règles en vigueur, ou de nier que certaines digues aient fait l'objet de défauts d'entretien caractérisé. Mais si les maires de communes modestes et moyennes en sont arrivés là, le moins que l'on puisse dire est que l'état, endossant pourtant les habits du père fouettard par la voix de son président, les a largement poussés dans la mauvaise direction.
La construction en zone inondable a toujours existé
De tout temps, les anciens ont construit dans des zones inondables. Oh, bien sûr, ils ont autant que faire ce peut évité les zones régulièrement inondées ou celles dans lesquelles l'inondation se doublait d'un courant d'eau dévastateur, mais ils se sont accommodés du risque d'inondation occasionnelle. Paris, Orléans, Tours, pour ne citer qu'elles, ont été des cités en partie inondables et pourtant prospères. Sans parler de Venise, zone inondable par excellence !


Nos anciens n'étaient pas fous. Simplement, la mer ou le fleuve ont longtemps constitué les voies d'acheminement les plus praticables pour les marchandises lourdes ou volumineuses, et donc de nombreuses personnes dépendaient de la voie d'eau pour leurs moyens d'existence. Or, les moyens de transport étant ce qu'ils étaient, nombreux étaient ceux qui habitaient sur ou au plus près de leur lieu de travail.
Pour limiter les risques liés aux inondations, les anciens bâtissaient des quais rehaussant le terrain naturel, et adaptaient lorsque cela était possible les règles de construction à l'existence de hautes eaux. Ainsi, à Venise, mais aussi dans les maisons nantaises traditionnelles, le Rez de Chaussée était il réservé au stockage de pondéreux ou de matériels facilement déplaçables en cas de coup dur, et les pièces "à vivre" étaient aménagées aux étages des constructions.
Plus rarement, la décision d'établir des villes en des zones inhospitalières fut le fait de princes ou de bureaucrates. St Petersbourg fut développée sur un marais inhospitalier sur ordre de Pierre le Grand et agrandie par ses  successeurs. La Nouvelle Orléans, coincée derrières des digues sous le niveau de la Mer, du Mississipi et du Lac pontchartrain, fut établie sur décision individuelle d'un émissaire du régent Philippe d'Orléans, un certain Le Moyne, sieur de Bienville, qui eut sans doute été mieux inspiré de choisir d'autres lieux, mais c'est facile à dire aujourd'hui...


Aujourd'hui toutefois, nous avons, dans nos pays riches, la chance de pouvoir dissocier nos lieux d'habitation et de travail, merci l'automobile ! Quand bien même nous serions encore liés à notre moyen d'existence par l'eau, plus rien ne nous oblige à construire nos habitations dans les endroits les plus exposés par nécessité. En contrepartie, il est souvent préférable de développer des activités économiques près des cités existantes, ce qui conduit parfois à vouloir perpétuer des extensions urbaines dans la continuité de zones construites par les anciens dans des lieux inondables.
Inondable VS submersible
De nombreux exemples de créations de digues pour sécuriser des espaces inondables existent de par le monde. Citons les Polders  des Pays Bas, dont environ 20% se situent sous le niveau de la mer, et l'édification des digues de la Loire entre Orléans et Nantes après les grandes crues de 1857.
De même, pour permettre l'urbanisation le long de la seine et de ses affluents, dont la valeur économique a toujours été primordiale pour le bassin parisien, et encore aujourd'hui, de nombreux aménagements visant à réguler le débit du fleuve ont été effectués: digues, barrages, canaux de dérivation, bassins d'écrétage des crues, etc...
Des réponses techniques au risque d'inondation existent donc, mais ne sauraient en aucun cas constituer une protection totale. Les digues, lorsqu'elles sont mal entretenues, finissent par être fragilisées. Le plus grand danger qui menace les digues fluviales, soumises à des courants plus ou moins forts, n'est d'ailleurs pas la submersion par le dessus mais le ravinement des fondations et l'infiltration par des failles ("trous de renard") en niveau inférieur. Les digues maritimes sont par contre plus sensibles à des risques de débordement, ainsi qu'aux dommages causés à la longue par la répétition des houles. Les courants marins peuvent également en saper les fondations.
Les zones situées derrière des digues ne devraient pas être caractérisées comme "inondables", comme le serait une zone naturellement recouverte par la montée d'un Fleuve, mais comme "submersibles", c'est à dire soumises à un risque d'envahissement brutal suite à rupture accidentelle d'une digue.
A l'époque ou ces digues ont été érigées, la question de la constructibilité derrière elles ne se posait pas: les terrains libérés par la digue avaient une valeur économique, généralement agricole, et le manque de transports convenables obligeait les familles à s'installer à proximité. Les digues ont été édifiées pour cela: il était à l'époque hors de question d'interdire, au nom d'un principe de précaution, de construire derrière ces digues malgré le risque connu et assumé de rupture qu'elles portaient. Les habitants s'en remettaient à un dispositif de surveillance plus ou moins fiable, à Dieu, et à l'industrie naissante de l'assurance.
Quelques rappels sur les tempêtes en France
Notons avec satisfaction que les hurlements au "réchauffement climatique" se sont faits discrets suite à cette tempête. Malgré tout, pour couper court à toute polémique sur ce front, comme je l'avais fait après les tempêtes de janvier 2009 dans les Landes, je rappelle cette étude (PDF) de l'ancien directeur de la climatologie de météo France, Pierre Bessemoulin, qui montre que les tempêtes d'aujourd'hui ne sont ni pires ni plus nombreuses qu'elles ne l'étaient au début du XXème siècle, et que nombre de tempètes du passé ont également eu des conséquences dramatiques. En voici un extrait (passages en gras par moi même):
Il n’existe pas d’inventaire exhaustif des tempêtes en France remontant sur plusieurs siècles, ce qui est regrettable. Météo-France essaie d’y remédier en développant depuis 1999 une « Base de données d’événements marquants » (BDEM, projet interne pour le moment), incluant la documentation d’événements historiques. Le nombre d’épisodes de vent fort présente une forte variabilité interannuelle (7 en 1968, 26 en 1962), ainsi que celui des fortes tempêtes (0 en 1989, 1993 et 1998, 5 en 1965), mais les études ne mettent pas en évidence de tendance significative sur les cinquante dernières années.
L'auteur, qui a fait une recherche historique sur les tempêtes ayant "marqué les esprits", nous apprend en outre que le 24 décembre 1118, une tempête ravagea le Nord de la France et provoqua la chute de nombreux clochers, qu'une autre en 1698 provoqua de gros dégâts dans les forêts, qu'une tempête baptisée "The Storm" survenue les 7 et 8 décembre 1703, balaya la partie Ouest de la Bretagne et le Sud de l'Angleterre où elle fut la cause de milliers de morts. En 1716, puis en 1739, il y eut de gros dégâts dans les forêts d'une grande partie du territoire français. Les 25 et 26 Oct 1859, 11 voiliers sont engloutis dans la Manche. En 1865, Quimper se retrouve sous 1,6 m d'eau et  l'île de Sein est inondée. En 1930, 207 morts en Bretagne, en 1978 30 morts, en 1979 une trentaine de morts etc...
Il n'est donc pas exceptionnel que des tempêtes fassent de gros dégâts. La situation que nous vivons, pour impressionnante qu'elle paraisse, n'a rien d'inédit.
Une submersion "envisageable" mais pas nécessairement "prévisible" ?
La tempête qui a provoqué les inondations de l'arc Atlantique était, en terme de vent, moins forte que celle de 1999. Mais cette tempête s'est conjuguée à des marées d'un coefficient fort, et le coeur dépressionnaire qui l'a accompagné à amplifié la montée des eaux, provoquant une submersion de nombreux ouvrages et leur ruine. L'événement était donc "envisageable" mais pas nécessairement "prévisible", bien que la tempête ait été très correctement annoncée par Météo France.
Certains des ouvrages de protection étaient ils mal entretenus ? L'enquête le dira, mais il faut savoir qu'en cas de submersion importante, même un ouvrage flambant neuf - c'est également le cas des barrages - peut ne pas résister: le ravinement de la crête, conjugué avec la force de la houle et les variations de pression le long de la paroi, génèrent des contraintes très importantes que l'ouvrage ne subit pas en temps normal.
Se pose aujourd'hui la question de savoir si "il faut toujours" ou si "il ne faut plus" laisser construire des habitations derrière des digues dans des zones sujettes à des risques de submersion accidentelle, puisque les outils de la mobilité disponibles ne sont pas ceux d'hier et ne rendent pas obligatoire l'habitat en des endroits dangereux. Mais avant de tenter de répondre à cette question difficile, voyons si les accusations de "laxisme réglementaire" sont justifiées.
La réglementation est elle laxiste ? 

Oser affirmer que les constructions de lotissement en bord de mer sont le reflet d'une loi par trop laxiste relève du mensonge ou du déni de réalité pur et simple. Il est impossible de recenser toutes les lois encadrant la constructibilité des terrains depuis 1967, depuis la trop fameuse loi d'orientation foncière, et la loi littoral, sans oublier la loi SRU et quelques autres.
Le fait est que la loi littoral impose des restrictions non seulement sur les bandes littorales (c'était son objectif) mais sur l'intégralité des territoires des communes mitoyennes du littoral, même si ces communes s'enfoncent de plusieurs kilomètres dans les terres. On en arrive donc au paradoxe qu'une commune littorales s'enfonçant, par exemple, de 5 km dans les terres sera soumise à des restrictions plus importantes qu'une autre non adjacente mais qui s'approchera jusqu'à 1km des plages (cas réel).
La conjonction de ces lois et des "Schémas de cohérence territoriaux" déjà évoqués ici fait que dans les zones littorales, le législateur verrouille les hameaux constructibles ou pas, protège férocement les "coupures d'urbanisation", rationne la quantité de terrains ouvrables à la construction... En outre, les procédures d'élaboration des PLU sont devenues tellement contraignantes que dans une commune littorale, réviser ce document demandera au minimum 5 ans, et parfois jusqu'au double. Si la quantité de terrain libérée par un PLU est donc un peu juste, une pénurie est inévitable au bout de quelques années.
Le résultat de toutes ces avanies bureaucratiques est que si, en moyenne nationale, le prix des terrains a été multiplié par 6 à 7 tous territoires confondus, cette augmentation a atteint un facteur de 10 à 12 en zone littorale, et pas uniquement pour les terrains immédiatement adjacents à la bande côtière.
Je me souviens d'un échange avec Christian Julienne, auteur avec lequel nous partageons de nombreuses vues communes, sur la marge de manoeuvre des maires. J'affirmais que les maires étaient pieds et poings liés par la réglementation alors que lui prétendait que les maires, en matière d'urbanisme, pouvaient "faire ce qu'ils voulaient". Et bien croyez le ou non, mais nous avions tous les deux raison.
Un maire qui veut faire plaisir à la frange conservatrice ou écologiste de son électorat a aujourd'hui absolument toute latitude pour empêcher un terrain d'être constructible. La loi lui donne absolument tous les outils nécessaires pour parvenir à ses fins.
Par contre, un maire soucieux de permettre à sa commune de se développer autrement que dans l'enveloppe généralement très contrainte calculée pour lui par une bureaucratie qui ne tire son salaire que de son pouvoir d'obstruction se verra opposer moult chausse-trappes législatives, agitées aussi bien par l'état que par les associations anti-construction pour l'empêcher d'ouvrir trop de terrains à la constructibilité.
Bref, si l'on s'en tient à la réglementation, les maires ne peuvent pas être laxistes. Nous avons, notamment sur le littoral, une des réglementations les plus contraignantes du monde. L'intensité de la bulle immobilière en est la conséquence la plus visible.
L'application de la réglementation est elle laxiste ? Ou inintelligente ?

Si la loi ne peut être taxée de laxiste, quid de son application sur le terrain ? Une réglementation pléthorique n'est rien sans une application stricte. Or, de ce point de vue, notamment en fonction de certaines différences géographiques, la situation est... variable.
L'application de la réglementation des sols, au sommet de la bulle, a multiplié par plus de 500 la valeur des terrains constructibles par rapport à ceux qui ne le sont pas dans les zones littorales, alors que les terrains ouvrables à la construction sont très rares. Dans ces conditions, les tentations sont grandes, pour les propriétaires de terrains, d'exercer une pression très grande sur les élus pour être les heureux gagnants de la loterie du PLU. Certains élus sont, disons, plus réceptifs que d'autres à certaines formes de lobbying très appuyé, comme l'écrit dans ses rapports le service central de prévention de la corruption depuis 2006.
Ceci dit, rien ne nous permet d'affirmer que les lotissements construits derrière les digues aient vu leur constructibilité octroyée suite à un de ces processus occultes parfaitement condamnables. Il n'est pas déraisonnable de penser que certains aient pu l'être, mais d'autres ne l'ont sûrement pas été.
Quel est l'âge des lotissement submergés ? Combien ont été  construits avant ou après la loi littoral ? La loi SRU (celle qui impose les SCOT) ? Et surtout, était-il déraisonnable, à l'époque où cela a été fait, d'accorder une constructibilité à des terrains protégés par une digue ? On en revient toujours au même problème: la digue est supposée protéger. Mais si son entretien est mauvais, une construction sûre à une époque donnée pourra ne plus l'être quelques années plus tard, comme l'ont appris aussi les habitants de La Nouvelle Orléans en 2004.
La demande pour les terrains en bord de mer ou très proches de la mer est forte. Toutes les enquêtes, statistiques et études prospectives montrent que les populations sont de plus en plus attirées par le littoral, de préférence ensoleillé, et que la proportion de la population localisée en bord de mer, dans le monde entier, augmente.
Sans même parler de corruption, la conjonction d'une demande soutenue et de la rareté des autorisations d'ouverture de terrain à la construction en zone littorale donne la plus grande chance de vaincre les murailles réglementaires à celui qui dispose des plus grandes incitations à les vaincre, c'est à dire celui dont le bénéfice tiré de la constructibilité sera le plus grand. Par conséquent, les propriétaires des terrains adjacents aux bourgs déjà construits (pas de réseaux longs à tirer) et avec vue sur mer (demande plus forte) sont plus enclins à se battre comme des lions pour arracher les O combien précieuses autorisations que les propriétaires de terres agricoles à 2km du rivage.
Il en découle  que des terres "submersibles" mais protégées par une digue seront soumises à une très forte pression des développeurs de lotissement pour être bâties, et si le législateur évalue mal la qualité de la protection offerte par la digue, en cas d'événement extrême, il y aura danger.
Le problème de la distorsion de l'information par la norme
Osons un parallèle avec la crise financière et les réglementations de type "Bâle II" (banques) ou "Solvency" (assurances). Dans les deux cas, une norme décrète que posséder des obligations d'état est plus sûr que de posséder des actions de grandes entreprises multinationales, ce qui pouvait être vrai à un instant donné, mais ne l'est plus maintenant. Qu'importe. Comme je l'ai déjà écrit, et comme le confirme Charles Gave dans ce fascinant petit article qu'il vient d'écrire pour l'institut Turgot, les banques et assurance ont garni leur portefeuille non plus en fonction de leur évaluation du risque par type d'actif, mais en fonction de la charge financière exigée par la règle en cas de possession d'actifs jugés plus ou moins surs de façon rigide par le législateur. La notion de sécurité du placement, dans l'esprit des investisseurs, est devenue petit à petit celle qui était définie par le législateur, pas celle résultant d'un travail d'analyse fin de l'investisseur. Et voilà comment pendant des années, les investisseurs institutionnels ont amassé des obligations grecques... et françaises, en les considérant comme insubmersibles. Le réveil sera douloureux.
Quel rapport avec la construction sur des terrains potentiellement submersibles ? De la même façon, le jugement de l'acheteur est perverti par l'octroi d'un sceau de "constructibilité" sur certains terrains par l'autorité publique. "Si l'autorité publique dit que le terrain est constructible, c'est qu'il n'y a plus de problème". De fait, l'acheteur devient moins regardant sur l'exposition aux risques naturels (ou moins naturels, comme  les incendies de forêt...) du terrain sur lequel se trouve sa maison.
Or, rien n'est plus faux que de croire cela. Car, et ce n'est pas là la moindre des aberrations de nos lois régissant, ou plutôt contraignant la construction, l'examen des risques majeurs applicables à une zone donnée est plutôt superficiel, par la faute d'une information insuffisamment répandue et accessible sur ces questions, et parce qu'elles ne sont que quelques critères parmi d'autres lors de l'examen des PADD (plans d'aménagement et de développement durable) qui servent à établir le corset environnemental dans lequel le PLU devra s'inscrire.
N'ayons pas peur de dire que malgré le temps passé à élaborer un PLU, le problème de la prise en compte des risques naturels majeurs n'y est pas toujours traité à sa juste place tant en terme de compétences qui y sont affectées que d'information géographique de qualité accessible pour le traiter efficacement. Un domaine exigeant des compétences pointues, compétences dont les directions régionales de l'Environnement disposent, mais hélas uniquement en quantité limitée, se retrouve donc, lors des réunions d'élaboration de PLU, en compétition avec l'économie agricole, la biodiversité, les désidératas de groupes de pression très fortement motivés, pour déterminer un compromis acceptable par tous. Dans ces conditions, quel point de vue est mieux défendu ?
Autrement dit, ce n'est pas parce qu'un terrain est jugé constructible par le législateur qu'il est "sûr" ou "sans problème". Mais pourtant, c'est ce que le propriétaire va être tenté de croire, surtout au prix que lui aura coûté le terrain, où la maison.
Transformer le Certificat d'urbanisme en véritable diagnostic "environnemental", au sens large
J'ai traité, ou plutôt effleuré (fautes de pages) ce problème dans mon ouvrage "Logement, crise publique, remèdes privés", en affirmant que le travail de recueil de données environnementales des services publics, et notamment de certaines DIREN (euh, DREAL, elles ont encore changé de nom) devait être généralisé, pérennisé et ouvert au public. Au lieu de délivrer des "certificats d'urbanisme" purement administratifs qui ne sont que le reflet des interdits posés par la bureaucratie sur un terrain, ces services - ou des sous-traitant privés agissant pour leur compte - devraient être capables de fournir de véritables diagnostics environnementaux et d'exposition aux risques et nuisances des terrains concernés.
Naturellement, cela n'exclurait pas des erreurs d'appréciation et des informations manquantes: tant que les digues ne se sont pas écroulées, tout le monde les croit sûres... Mais au moins, toute personne candidate à l'achat d'un terrain ou d'une maison saurait bien mieux qu'actuellement à quoi s'en tenir sur ses caractéristiques avant de prendre une décision. Notamment, le caractère "accidentellement submersible" d'un terrain sous le niveau de la mer ne saurait lui échapper.
Les services publics, ou les prestataires assurant la maîtrise d'oeuvre pour les donneurs d'ordres publics, auraient d'ailleurs intérêt à effectuer cette conversion en partenariat avec les compagnies d'assurance, qui ont évidemment un intérêt très fort à ce que l'exposition au risque des terrains en fonction de leur emplacement soit largement connue et diffusée, et assurée à son juste coût. Une telle mission exigerait bien moins d'effectifs que le harcèlement administratif tatillon actuel, mais avec plus de compétences: le travail de la fonction publique coûterait moins cher, serait plus utile et tant sa valeur que son image seraient tirées vers le haut.
Plus besoin de zonage juridiquement contraignant !
Allons plus loin. Avec un tel "certificat environnemental", plus besoin de définir arbitrairement pour cause de sécurité des zones constructibles et d'autres inconstructibles.
En effet, imaginez une situation où les DEUX conditions suivantes sont remplies :
(1)  Le candidat à la construction (ou à l'achat de logement déjà construit) peut choisir entre une infinité de terrains pour sa construction (et donc le prix reste faible)
(2) Il peut connaître aussi parfaitement que possible les risques majeurs et nuisances associés à son terrain et les assureurs peuvent lui en chiffrer précisément le coût d'assurance en fonction de ces risques.
Croyez vous qu'il aura naturellement tendance à privilégier les endroits les plus scabreux pour construire ? Qu'un lotisseur choisira l'endroit le plus effrayant pour sa clientèle potentielle ? Si vous répondez oui, c'est que vous croyez réellement que tous les individus sont stupides et irrationnels. Mais la plupart d'entre eux sont généralement plutôt rationnels pourvu qu'ils soient correctement informés.
Le cas des bords de mer est un peu différent. Le tropisme hélio-maritime précédemment évoqué fera que quelques têtes brûlées préfèreront risquer la submersion pour pouvoir être au bord de la mer. S'ils ont été parfaitement informés des risques, et même s'ils ne trouvent aucun assureur, et bien, grand bien leur fasse, et en cas de problème, qu'ils ne s'en prennent qu'à eux mêmes. De même, si la collectivité doit payer des digues pour les protéger, que seuls ceux qui ont choisi de se placer délibérément sous la menace de la vague fatale paient l'impôt afférent !


Mais peut être que des communautés de gens motivés pourraient définir elles mêmes des règles de construction spécifiques pour éviter l'inondation ultérieure ou en limiter les effets tout en valorisant des espaces de prime abord inhospitaliers ? C'est ainsi que procédèrent les marchands de Venise ou d'Amsterdam en leur temps. Le résultat ne fut pas si mauvais, non ?
Des zonages très minimalistes
On le voit, en régime de liberté et d'information transparente sur les risques, zoner les terrains pour des raisons de gestion du risque majeur n'a plus de raison d'être, et tout terrain pourrait être constructible par défaut.
Ou presque. Ne resterait alors qu'à gérer le problème des zones à préserver pour des considérations esthétiques. Défigurer ces zones reviendrait à faire baisser la valeur globale de toutes les habitations alentours. Le problème est donc que si on limite le droit à construire d'une personne dans un site remarquable et sans compensation, on le pénalise en récompensant ceux qui, à proximité, bénéficient de l'interdiction. Mais on peut admettre que ces derniers n'aient pas envie de voir leur investissement dévalué par des décisions de construction malheureuses.
Un moyen existe pour se sortir de cette situation apparemment perdante: instaurer une compensation des "servitudes" d'urbanisme payée par ceux qui en bénéficient. Autrement dit, si le front de mer est protégé, le propriétaire du terrain reçoit en contrepartie une rente compensant son manque à gagner, payée par une taxation spécifique de ceux qui bénéficient de son effort pour garder son terrain vierge. Sans entrer dans les détails, de nombreux exemples de modalités de mises en oeuvre de telles compensations existent de par le monde, permettent de protéger efficacement des sites remarquables, mais limitent très grandement l'incitation à protéger tout et n'importe quoi.
Et surtout, des régimes de très grande liberté de construction, avec pour seul zonage protecteur des règles minimalistes promulguées pour des raisons esthétiques, empêcheraient toute formation de bulle immobilière, comme le montre l'exemple de Houston, Dallas, ou Atlanta, largement commenté dans ce blog en de multiples occasions.
Ceci dit, nous sommes en France, et j'imagine mal que de telles réformes puissent y être promulguées demain. Un moyen terme qui limiterait les dégâts économiques et sociaux du zonage en zone littorale serait de permettre aux communes dont le littoral serait sur-protégé de pouvoir ouvrir plus facilement des terrains à la constructibilité à l'intérieur de leurs terres. Dans une ville côtière, si on protège le littoral, il ne faut pas en même temps appliquer les règles qui cadenassent les terrains agricoles de la même commune mais situés à plus de 500 mètres ou 1km à vol d'oiseau de la plage. A défaut de laisser se percer les digues qui protègent les populations côtières, les murailles réglementaires dressées contre la production de logements en arrière pays littoral doivent tomber.
Conclusion
On peut craindre que les impératifs de la politique spectacle, suite aux images choc des maisons submergées en Vendée et en Charente Maritime, ne nous entrainent vers un renforcement arbitraire de réglementations anti-construction déjà paroxystiques, et qui ne s'arrangeront pas avec le vote prochain par l'assemblée des lois Grenelle 2.
Pourtant, encore plus de réglementation ne permettra sans doute pas de régler des problèmes que beaucoup de réglementations n'ont pas réussi à adresser convenablement. Un nouveau paradigme fondé sur la liberté de choix, en toute transparence et disponibilité de l'information techniquement utile, et la pleine et entière responsabilité personnelle en cas de prise de décision aventureuse, donnerait de biens meilleurs résultats.
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