Abandon (Hermann Hesse)

Par Arbrealettres


Je fonce en noctambule à travers la forêt;
Etrange, autour de moi, luit un cercle magique.
Aimé, maudit? Je n’y porte pas d’intérêt
Et suis la voie qu’un sens intérieur m’indique.

Que de fois m’éveillant, cette réalité
Où vous autres vivez a voulu me reprendre!
J’y vécus à mon tour, tête basse, hébété,
Et de nouveau j’ai fui bien loin, sans plus attendre.

Tiède pays natal duquel vous me privez,
Rêve d’amour que vient troubler votre présence,
Mon coeur par cent chemins vous a tôt retrouvés,
Comme l’eau vers la mer incessamment s’élance.

Des sources en secret me guident de leur chant,
L’oiseau du rêve agite une aile de lumière,
J’entends l’écho des jours où j’étais un enfant
Et dans le lacis d’or, d’abeilles bourdonnant,
Je retourne en pleurant dans les bras de ma mère.

(Hermann Hesse)