Entretien d’Eric Besson au Monde : référé en vue de la délivrance d’un prix Busiris

Publié le 08 mars 2010 par Combatsdh

ACADEMIE BUSIRIS

 

REQUETE EN REFERE EN VUE DE LA DELIVRANCE D’UN BUSIRIS

 

PRESIDENT EOLAS

Monsieur le Président,

Alors même que le 27 janvier 2010 Eric Besson avait reçu un prix Busiris par une ordonnance rendue par vous-même “sans qu’il soit besoin de réunir une formation de jugement”, et, modeste, s’était fait discret depuis lors, il est pris, pour son grand retour médiatique, en récidive flagrante dans une pleine page d’un quotidien du soir sur la même affaire “kurdo-corse”.

Voici la phrase éligible (graissée en couleur bleue vichy - comme il se doit):

  “(…) La sécurité reste une priorité absolue, les garde à vue une nécessité. Ne biaisons pas le débat : la garde à vue n’est pas que la contrainte, c’est aussi la protection des droits.

Vous avez déjà été placé en garde à vue ?

Non, mais je maintiens : la garde à vue protège les droits. La preuve : lorsque 123 clandestins débarquent en Corse en janvier, le fait que le procureur ne les ait pas placés en garde à vue, décision que je ne conteste pas, nous empêche ensuite de mener à bien toute procédure. Les décisions des juges des libertés et de la détention, qui ont remis ces personnes en liberté, n’étaient pas contestables”.

  • Sur le caractère manifeste

Le seul fait que le ministre soit pris, pour la même affaire en récidive alors même que ses précédents propos avaient été primés par ordonnance présidentielle “tant il était manifestement mérité” suffit à démontrer le caractère nécessaire de la délivrance du Busiris.

  • Sur les conditions de délivrance du Busiris

Les conditions de délivrance du Busiris sont remplies lorsqu’une « affirmation juridiquement aberrante, si possible contradictoire, teintée de mauvaise foi et mue par l’opportunité politique plus que par le respect du droit » (Code Eolasien, règlement du Busiris, article unique).

L’ensemble de ces conditions sont remplies en l’espèce

1. Sur la mauvaise foi

Compte tenu de son passé déjà légendaire d’opportuniste, pour Eric Besson cette condition est présumée.

Il suffit de relever qu’évoquant son projet de loi “en cours d’analyse par le Conseil d’Etat” contenant des dispositions déjà connues procédant à la transposition des trois directives européennes et inventant une zone d’attente unipersonnelle et itinérante mais aussi d’autres dispositions correspondant “à des mesures en faveur [sic] de l’intégration, issues de la première phase du grand débat sur l’identité nationale”, il prétend que:

“Le présenter comme liberticide est faux. Nous restons dans un parfait équilibre des droits et devoirs.”

Il affirme aussi à propos de l’allongement du délai de rétention de 32 jours à 45 jours que ce sont “les pays d’origine des migrants nous demandent ce délai pour pouvoir vérifier s’il s’agit bien de leurs ressortissants” alors même que le délai moyen de rétention est de 9 jours.

Certes, selon le dernier rapport du comité interministériel de contrôle de l’immigration (en PDF p.94 et .s):

“Pour l’année.2008, l’absence de délivrance du laissez-passer consulaire dans les délais de la rétention. permettant la mise à exécution de la mesure d’éloignement, a constitué la seconde cause d’échec à l’exécution des mesures prononcées (31,0 %). Ce taux est en légère augmentation par rapport à 2007 (30,1 %)”.

Mais selon un tableau produit dans ce rapport sur 14 012 demandes de laisser passer consulaires, seuls… 320 ont été obtenus hors délai. Autrement dit, le ministre justifie l’allongement de la durée de rétention de 13 jours pour 320 étrangers sur les 34 592 étrangers placés chaque année en rétention en 2008.

On relèvera en outre que l’un des motifs de non délivrance des laisse-passer est, selon le même rapport, que:

” la pratique, qui tend à se répandre, de certaines autorités consulaires, de conditionner la délivrance du laissez-passer au bien fondé de la décision d’éloignement prise à l’encontre de leurs ressortissants, alors même que la nationalité des intéressés n’est pas contestée”…

2. Sur la motivation d’opportunité politique davantage que le respect du droit

Il suffit de relever que les propos sont tenus dans un grand quotidien du soir, pour un retour médiatique, dans un article titré “Je n’ai pas fait le jeu de Front national” (alors qu’il laboure en permanence les terres de celui-ci).

En pleine traversée du désert, le ministre répond, sans vergogne, à la question Vous êtes en quarantaine depuis le débat manqué sur l’identité nationale ?” : “Pas du tout”.

Et à celle “N’avez-vous pas été muselé”: “Mais où avez-vous vu cela ? “...

3. Sur l’affirmation juridiquement aberrante

3.1. Ne nous attardons pas sur l’affirmation, réitérée à deux reprises dans l’entretien, selon laquelle la garde à vue c’est “aussi la protection des droits” et “la garde à vue protège les droits” - c’est sûrement la raison pour laquelle la première question prioritaire de constitutionnalité en matière pénale soumise à la Cour de cassation à l’initiative des secrétaires de la conférence des avocats du barreau de Paris porte sur ce thème. Le doyen Vedel lui-même estimait la garde à vue “à la française” inconstitutionnellle.

Les 900 000 personnes placées chaque année sous ce régime de restriction protection de leur liberté individuelle apprécieront d’eux-mêmes les propos du ministre aux 3I.

3.2. Focalisons nous sur le passage suivant : “La preuve : lorsque 123 clandestins débarquent en Corse en janvier, le fait que le procureur ne les ait pas placés en garde à vue (…)”

Déjà là, déformation professionnelle oblige, l’étudiant en L3 en droit - c’est-à-dire d’un niveau supérieur à votre stagiaire, Jeannot, cher maître Eolas - qui commence comme cela un oral se voit immédiatement coupé par un :

“hum hum, le Procureur???”- dubitatif.

S’il insiste, il est convié à consulter un code de procédure pénale en particulier son article 63  - celui-là même qui fait l’objet d’une QPC:

Article 63
Modifié par Loi n°2002-307 du 4 mars 2002 - art. 2 JORF 5 mars 2002

“L’officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l’enquête, placer en garde à vue toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République..”

Et là si ce n’est pas un cas desespéré il réalise qu’un officier de policier judiciaire c’est un agent de force de l’ordre - policier ou gendarme - et non un magistrat du Parquet.

Mais, là aussi, passons, Eric Besson pourrait répliquer que la procédure est placée sous le contrôle du Procureur de la République et, au demeurant, le Parquet n’est pas plus indépendant du gouvernement qu’un préfet ou un policier - s’il a lu l’arrêt Medvedyev.

Mais ce qui suit dans l’entretien enfonce encore davantage le futur récipendiaire d’un nouveau prix Busiris qui, n’en doutons pas, après les Régionales sera, lui aussi tenté par devenir votre confrère - même si on murmure que ça serait plus probablement au barreau du Tunis…:

“[cette] décision que je ne conteste pas, nous empêche ensuite de mener à bien toute procédure. Les décisions des juges des libertés et de la détention, qui ont remis ces personnes en liberté, n’étaient pas contestables”.

Ah?

Cela signifie donc que si les OPJ de Bonifacio avaient, sur instruction du Procureur, placé l’ensemble des demandeurs d’asile en garde à vue les procédures de privation de liberté et d’éloignement auraient été régulières?

A-t-il bien lu les ordonnances de ces juges des libertés et de la détention?

Prenons une de ces ordonnances : celle rendue le 24 janvier 2010 par le JLD du TGI de Nîmes.

Rappelons que le vendredi 22 janvier 2010 les autorités disent avoir « découverts » sur une plage isolée de la Corse-du-Sud, dénommée « Paragnano », à 15 km à l’Ouest de Bonifacio, à la pointe sud de la Corse, un groupe de 124 exilés, apparemment naufragés depuis quelques jours originaire du kurdistan syrien et en provenance de Tunisie.

Ce groupe comprenait 57 hommes, 29 femmes (5 enceintes), et 38 enfants (dont 9 nourrissons). L’un des personnes est handicapée.

Pris en charge par les services de gendarmerie, ces personnes ont alors été transférées dans le gymnase du collège de Bonifacio - officiellement « pour leur permettre de se restaurer et de se reposer », selon le maire.

Ils ont alors été pris en charge par des médecins, et les services de secours et de santé, la mairie et des associations puis ont bénéficié d’une assistance humanitaire de la Croix rouge.

Néanmoins, selon plusieurs témoignages concordants, dès leur arrivée, les forces de gendarmerie les ont empêchés de quitter le gymnase et donc privés de liberté.

Quelles illégalités relèvent le JLD de Nîmes ?

1. Sur les conditions d’interpellation

“Aucun pièce de procédure ne permet de savoir avec certitude où, quand et sous quel régime juridique” ces exilés ont été interpellés, conduits au gymnase et retenus à l’intérieur de celui-ci.

Pour que ces exilés puissent faire l’objet d’une interpellation encore faut-il déterminer préalablement s’ils sont en situation irrégulière.

Pour cela l’article 78-2 du Code de procédure pénale prévoit soit que l’OPJ, ou un APJ ou APJA placés sous son contrôle et sa responsabilité, peut effectuer un contrôle d’identité s’il a une raison plausible de soupçonner qu’il a commis ou va commettre une infraction ou encore, à titre préventif, le contrôle est possible “pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens”.

Rappelons qu’un demandeur d’asile bénéficie d’une immunité, en vertu de la convention de Genève, s’il franchit illégalement une frontière.

Par ailleurs, l’article L611-1 du CESEDA permet un contrôle du séjour “en dehors de tout contrôle d’identité, les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les pièces ou documents sous le couvert desquels elles sont autorisées à circuler ou à séjourner en France”.

Mais là, on l’a dit, la procédure ne permet pas de déterminer dans quel régime ces exilés ont été placés au moment de leur interpellation. Il semble même qu’en réalité ils n’ont pas formellement été interpellés mais on les a fait venir dans le gymnase pour leur faire bénéficier d’une prise en charge sanitaire et les restaurer.

Or, dans ce cas là, il était déloyal pour les forces de police d’avoir profité de cette prise en charge pour “boucler” le gymnase et le transformer en lieu d’enfermement “sauvage” - sans aucun fondement juridique.

2. Sur la privation arbitraire de liberté

Dans l’après-midi du 22 avril, le préfet a transformé le gymnase en local de rétention administrative et a pris à l’encontre de l’ensemble des exilés des arrêtés de reconduite à la frontière (APRF) stéréotypés qui leur seront alors notifiés par des agents de police judiciaire avec leur placement en rétention administrative dans la soirée du 22 et la nuit du 22 au 23.

Le préfet de Corse du Sud leur a privé arbitrairement de liberté dans un gymnase de Bonifacio en leur interdisant d’en sortir et sous la surveillance de la gendarmerie, hors de tout cadre légal et en violation flagrante de l’article 66 de la Constitution et 5 de la Convention européenne des droits de l’homme et 2 de son protocole 4 ainsi que 12 du Pacte international sur les droits civils et politiques.

Comme le note le JLD il y a donc eu atteinte à la liberté individuelle pendant près d’une journée. Cette privation abusive de la liberté individuelle constitue même une infraction pénale en vertu de l’article 432-4 du Code pénal lorsqu’elle est le fait d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission qui peut être puni de sept ans d’emprisonnement et de 100000 euros d’amende.

Quant à la création du local de rétention administrative, aux termes de l’article R 551-3 du CESEDA « lorsqu’en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieux, des étrangers mentionnés à l’article R 551-2 ne peuvent être placés immédiatement dans un CRA, le Préfet peut les placer dans des locaux adaptés à cette fins, dénommés locaux de rétention administrative régis par les articles R 553-5 et R 553-6. »

L’article R 553-5 prévoit dans cette hypothèse que les locaux sont créés, à titre permanent ou pour une durée déterminée par arrêté préfectoral. Une copie de cet arrêté est transmise sans délai au Procureur de la République, au directeur de la DASS et au Contrôleur général de lieux de privation de liberté.

En outre, aux termes de l’article 553-6 : « les locaux de rétention administrative doivent disposer des équipements suivants :
- des chambres collectives non mixtes accueillant au maximum 6 personnes,
- des équipements sanitaires en libre accès comprenant des lavabos, douches et WC
- un téléphone en libre accès
- un local permettant de recevoir les visites : autorités consulaires, familles, médecins, membres d’association
- le local mentionné à l’article R 553 7 réservé aux avocats
- une pharmacie de secours”.

La transformation du gymnase municipal scolaire en local de rétention administrative a donc été elle-aussi irrégulière

3. Sur l’atteinte au droit d’asile

On relèvera d’une part que dans ces APRF la préfecture ne craint pas d’écrire que“l’intéressé n’établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à la convention des droits de l’homme en cas de retour dans son pays d’origine (ou dans son pays de résidence habituelle où il est effectivement réadmissible)” - alors même que tous les témoignages attestent qu’ils manifestaient pour solliciter l’asile et refusaient même de s’alimenter tant que leurs demandes ne seraient pas prises en compte.

D’autre part, dès lors que selon plusieurs témoignages, les exilés syriens brandissaient des affichettes « No sleep, no food», « Wewantpress», « WewantUnited Nations », «WewantFIDH ».

Afin qu’ils acceptent de se restaurer, le préfet se serait engagé à ne pas les renvoyer vers la Syrie tant que leur demande n’avait pas été examinée.

Ce même 22 janvier, dans une conférence de presse, le ministre de l’Immigration a déclaré :
« Les 124 ressortissants étrangers seront orientés dans les prochaines 48 heures vers des lieux d’hébergement plus adaptés, notamment pour les familles. Leur situation sera examinée individuellement. »
Le préfet de la Région Corse et de Corse-du-Sud Stéphane Bouillon a précisé dans les médias que « selon les dossiers, ils bénéficieraient du droit d’asile ou seraient reconduits aux frontières »

Or, dans ce cas, dès lors qu’un étranger ne relevant pas d’une procédure prioritaire et qui n’est pas maintenu en zone d’attente, sollicite l’asile le préfet DOIT les admettre au séjour et leur délivrer une autorisation provisoire de séjour afin qu’ils puissent solliciter l’asile auprès de l’OFPRA et accèdent aux conditions matérielles d’accueil décentes.

Les stipulations de l’article 31 de la convention de Genève exonèrent les demandeurs d’être munis de documents de voyage et des visas prévus à l’article L. 211-1 du CESEDA (rappelé à l’article L741-3 du CESEDA).
La jurisprudence du Conseil d’Etat a considéré qu’un étranger qui demande le bénéfice de l’asile conventionnel doit être admis à séjourner sur le territoire national sauf dans certains cas limitativement énumérés et notamment celui de fraude délibérée mentionné dans les dispositions précitées (cf. CE, réf., 12 janvier 2010, Mme Hyacinthe ; CE, 3 novembre 2003, N° 258322). En outre, la directive 2005/85 CE du 1er décembre 2005, dont le délai de transposition était fixé au 1er décembre 2007, prévoit en son article 18-1 que : « Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle demande l’asile ».

Dès lors qu’ils sollicitaient l’asile, le préfet ne pouvait donc en aucune façon prononcer à leur encontre une reconduite à la frontière - qui aurait été annulée si elle avait été déférée au juge administratif (elles ont été abrogées) et les placer en rétention administrative. Il ne pouvait pas par suite, le Samedi 23 janvier à 7h00 du matin, transférer ces exilés jusqu’à la base de Solenzara (Haute-Corse) en les contraignant à embarquer dans des bus puis dans des avions. Selon le témoignage du maire, Jean-Charles Orsucci, il y a alors eu “des moments de tension”.

4. Violation des droits des enfants

S’agissant des enfants, il s’agit aussi d’une violation de l’article 10-2 a du Pacte international sur les droits civils et politiques, l’article 22 de la Convention internationale sur les droits de l’enfant et l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Même si les enfants sont accompagnés de leurs parents, la Cour considère, sur le terrain de l’article 3 que l’Etat doit assurer «une protection efficace, notamment des enfants et autres personnes vulnérables » - en particulier les femmes enceintes, surtout si elles sont sur le point d’accoucher.
Ainsi, dans une espèce récente, la Cour a souligné que même si «les enfants de la requérante n’étaient pas séparés de celle-ci » (§ 57), « cet élément ne suffit pas à exempter les autorités de leur obligation de protéger les enfants et d’adopter des mesures adéquates au titre des obligations positives découlant de l’article 3 de la Convention » (§ 58).
La Cour rappelle aussi que les « termes de la Convention relative aux droits de l’enfant, du 20 novembre 1989, et notamment de son article 22 qui incite les États à prendre les mesures appropriées pour qu’un enfant, qui cherche à obtenir le statut de réfugié, bénéficie de la protection et de l’assistance humanitaire qu’il soit seul ou accompagné de ses parents” (Cour EDH, 2e Sect. 19 janvier 2010, Muskhadzhiyeva et Autres c. Belgique, Req. n° 41442/07).
Là aussi le JLD de Nîmes reconnaît l’atteinte aux droits des enfants de ces exilés.

Dans un communiqué de presse publié le 24 janvier 2010 Eric Besson évoquant un “pointillisme procédural” reconnaît d’ailleurs implicitement que les procédures étaient irrégulières d’un bout à l’autre et a alors saisi l’occasion pour annoncer un projet de loi créant une zone d’attente ad’hoc et même itinérante pour ce genre de situation.

Toutes les conditions sont donc remplies pour délivrer le Busiris par voie d’ordonnance eolasienne lorsque Eric Besson déclare que “lorsque 123 clandestins débarquent en Corse en janvier, le fait que le procureur ne les ait pas placés en garde à vue, décision que je ne conteste pas, nous empêche ensuite de mener à bien toute procédure” .