Violent Cop : « Le monde est fou »

Publié le 10 mars 2010 par Diana
Voir la première réalisation de Takeshi Kitano après Sonatine (1993), mon premier film visionné a renforcé ma fascination pour lui, en tant qu’acteur comme réalisateur. Un style caractéristique propre qu’il n’a cessé de développer dans ces films suivants. Avec Violent Cop/Sono otoko kyobo ni tsuki (1989) qu’on pourrait traduire littéralement par : « Attention, cet homme est violent », Takeshi Kitano donne le ton dès le titre.
Ce qui m’a tout d’abord frappé lorsque que j’ai vu Violent Cop pour la première fois c’est cette violence brutale, froide dont Kitano, du moins son personnage est totalement détaché. Le film commence comme un Orange Mécanique japonais avec une violence insouciante administrée par des jeunes par laquelle Kitano répond par une violence symbolique, une punition infligée, dont il est juge et juré à la fois. Ce que j’ai pensé en voyant ce flic, Azuma (Takeshi Kitano) c’est qu’il était un autiste macabre. A ses côtés l’inspecteur Harry fait pâle figure, un mariole. Azuma est asocial, pas vraiment puisqu’il a un ami, il se lie même d’amitié avec la jeune recrue, Kikuchi. Il n’est pas intégré, pas réellement non plus puisque d’une certaine manière en appartenant à cette institution qu’est la police, il l’est. Azuma est véritablement un marginal intégré qui se fiche pas mal de l’autorité, sourd au monde qui l’entoure mais pas aveugle. Il souffre d’un pétage de plomb en silence qu’il ne parvient à exprimer que par les coups et les coups de feu. Une souffrance qui atteint son paroxysme à la mort de son unique et vrai collègue et ami.
Violent Cop raconte l’histoire d’un flic réservé et violent, Azuma. Il est sur les traces d’un trafiquant de drogue qui laisse derrière lui des cadavres. Son enquête le mène à un homme d’affaire, Kiyohiro…
Kitano qui ne devait être qu’acteur prend les reines de la réalisation, Kinji Fukasaku étant malade abandonne. Les producteurs lui proposent, Kitano enfante un film d’une violence malsaine, montrée telle quelle à l’état de nature sordide. Dans Violent Cop, la société semble en déliquescence. Les jeunes n’ont aucun respect pour leurs aînés et se complaisent dans la délinquance. Il existe une perte de l’autorité notamment celle de la police qui ne fait plus peur et qui ne se fait plus respecter lorsqu’elle n’est pas tout bonnement corrompu.
La mise en scène de Violent Cop se résume au plus strict appareil, une caméra statique. Kitano commence à développer son style. Un style qui se rapproche d’une réalisation : une scène, un plan. Cette caméra statique permet un regain de tension qui hypnose le spectateur. Elle est statique à l’image de ses personnages qu’elle filme surtout Kitano dont son jeu d’acteur est d’un stoïcisme troublant. Il ne joue pas il est, c’est véritablement du non-jeu. Azuma est présent mais terriblement absent. Les gunfights qu’il réalise sont réels en deçà d’une quelconque surenchère. Les mecs tirent et ne sautent pas dans tous les sens, ils tirent et n’atteignent pas toujours leur cible…
Violent Cop comme nombre de films de Kitano vaut également pour sa musique qui est singulièrement surprenante avec le thème qui revient plusieurs fois durant le film, une musique semblable à de la musique grecque dont le nom m’échappe. La scène de la course poursuite est superbe, rythmée par un morceau de jazz où l’on parvient à ressentir la fatigue d’Azuma, tout comme lui on souffre, essoufflé par la course qui semble sans fin.
Finalement, Takeshi Kitano ponctue son œuvre par un regard pessimiste en mettant en avant que la vie est un éternel recommencement. La vie continue avec ses gangsters qui prennent la place vacante laissée par leurs prédécesseurs et ses flics corrompus remplacés à leur tour…
I.D.