Soup-opéra [1/6]

Publié le 12 mars 2010 par Collectifnrv

Incidemment, la télé était allumée, et j’entendais l’animatrice de l’émission poser une question à l’actuelle première secrétaire du Parti Socialiste, quelque chose comme : « Durant ce meeting, de quoi allez-vous débattre ? » Aubry répond : « Nous allons débattre de ce qui intéresse les Français – de la privatisation de la Poste, des bas salaires, des fins de mois difficiles… ». Et là, ça m’a agacé ! Les « fins de mois difficiles », sans blague ! Les gens se font exploiter, et ils ont « des fins de mois difficiles » ! Coluche, il disait un truc comme : « Nous, on a des fins de mois difficiles, surtout à partir des trois premiers jours ! »

- Oui, c’est la LQR ! C’est comme ça ; et c’est partout !

- Ils n’ont rien trouvé pour les muets ?

- Euh, non. Sans doute, parce qu’on ne les entendra pas la ramener ! (pause) Au début, c’était marrant même ! Pour les activités professionnelles, le truc de base, c’était de dire à la place de « balayeur »…

- …« technicien de surface ».

- Maintenant, on dit même : le « personnel (ou agent) d’entretien ». Ça en jette, un peu plus ! Du coup, à la place du « concierge », on a eu le « gardien d’immeuble » ; à la place de la « bonne à tout faire », l’ « employée de maison » – qui est devenue… l’ « aide ménagère » !

- Ah, très fort ! Tiens, il n’y a plus de « facteurs »…

- Des postiers ?

- Mais non, c’est trop ringard, ça ! Des « préposés au courrier » !

- Bieeen ! Mais, j’ai mieux ! Il n’y a plus de banquiers !

- Ah ?

- Eh, non ! Il y a des « conseillers financiers » !

- Ah, oui !

- De même qu’il n’y a plus d’avocats…

- Il y a des conseillers juridiques. C’est bon, c’est rentré ! Et les médecins ?

- « Docteur », comme statut social, ça va. Ça ne craint pas pour eux…

- Enfin, il y a les « psys », qui sont devenus des « analystes ». Bref, passons.

- Tiens, un euphémisme qui est marrant… Tu sais par quoi ils ont remplacé « secrétaires » ?

- Attends, je réfléchis… euh, non.

- C’est facile, pourtant ! Ce sont des… « assistantes de direction »…

- Il n’y a plus de chefs, il y a des « cadres ».

- …ce qui est marrant, c’est qu’ils ont dû changer pour « assistantes sociales »…

- Ah ?

- Elles, elles sont devenues des « référentes sociales ». Eh oui, ça tombe sous le sens ! Quand tu vas au bureau d’aide sociale – pas d’ « assistance publique », hein –, tu te « réfères » à quelqu’un !

- Il n’y a plus de « chômeurs », mais…

- Des « demandeurs d’emploi ». Et il n’y a pas de « licenciements massifs », mais des « plans de restructuration » !

- Pour le statut social, il n’y a plus de « patrons », mais…

- Non, je sèche.

- Des « en-tre-pre-neurs » ! Pour les putes, c’est pareil. Il n’y a plus de « prostituées », ni de « filles de joie », ni de « femmes publiques »…

- …mais des « travailleurs du sexe ». Il faut laisser le masculin, pour ne pas faire tort aux travestis, et aux homosexuels !

- Hop ! Je t’arrête tout de suite ! Il n’y a plus d’homosexuels !

- Ah ? Attends, je cherche… Les « homos » ? Non, je ne vois pas.

- C’est plus les « pédales », ni les « tatas ». C’est qu’il faut passer par l’anglais ! Il faut dire… « gay » ! En anglais, ça passe mieux ! C’est plus joyeux !

- Pour l’anglais, ils ont remplacer la nounou, par la « baby sitter »…

- Avant il y avait la dame de compagnie, et c’est devenue la « mamie-sitter » !

- Eh, tu as remarqué, il n’y a plus de « petits boulots »…

- Ah ! « petit », ça ne fait pas bien…

- On a des « jobs »…

- Tu rigoles ? Y a mieux !

- Ah ?

- On fait… des « travaux d’appoint » !

- Waouh ! Mieux que « travail alimentaire » ou « emploi de complément » !

- Pour ne pas parler de travail jetable, ils disent : « travail précaire » ! Même plus « temporaire »…

- Il y en a qui parlent d’ « intellectuel précaire »…

- Ce sont des intellectuels, qui réfléchissent de temps en temps… une semaine sur deux !

- Ou alors, qui n’en a plus pour longtemps !

- Et t’en as d’autres, qui le sont à durée indéterminée… Ils disent « philosophes médiatiques ». Comme Béchamelle.

[fin de la première partie]


par Albin Didon