Relations patient kiné

Par Kasey
Quelle distance mettre avec les patients ?


( Hospices de Beaune Février 2010 )


   " bonjour belle brune " interpellée par un patient, je réponds gentilment, surtout qu'après son malaise d'hier, j'étais mine de rien inquiète pour lui.

    Et me revient les paroles du cadre, quand j'ai mangé avec lui avant hier, sur la notion de distance patient kiné alors que sans me citer de nom d'un membre de son équipe, il me disait que l'un d'eux n'était pas capable de mettre de la distance avec le patient, et que y avait une différence entre empathie et transfert alors que je lui disais qu'un minimum d'empathie était nécessaire pour prendre en charge les patients.

    Je me revoyais hier alors qu'une patiente P. que j'aime beaucoup racontait à sa famille ses premiers pas, qu'elle allait pouvoir remarcher après les 6 mois de galère qu'elle avait traversés où plus personne n'y croyait, et surement pas elle. Quand je l'ai vu "marcher", j'avais des étoiles plein les yeux. J'étais tellement heureuse pour elle.

    Mais alors que M. s'approche après son bonjour familier qu'il a avec toutes les filles, surtout les stagiaires, et qu'il tend la joue pour " allez un bisou " et que je secoue nerveusement la tête pour finalement céder. Je me rends compte que je suis bien pitoyable pour mettre des distances avec les patients.

   Faut dire le cadre ne s'y prette pas. Je passe mes journées de libre, et mes soirées à l'hopital... Les patients me voient pendant la journée quand je travaille, et le soir quand on s'amuse... Dans ces conditions, il faut adopter une attitude différente. Au vouvoiement succède le tutoiement. A l'attitude distance et aux habits blancs succèdent une attitude décontractée.

    Toutefois, si je sais que des étudiants ( qu'ils soient kiné, sage femme, infirmière... ) sortent avec leur patient, je me rappelle que trop bien le premier cours de déontologie professionnelle que Mr C. nous avait donné et sa répprobation évidente quand à cette évocation d'une possible intimité entre un patient et son praticien.
Toutefois, j'ignore si légalement, il y a une loi expliquant cet état de fait.

    Peut être que je ne suis qu'un pion stupide qui obétit aux lois et aux règles.

    Quelle distance mettre ?

    Encore pas plus de cinq secondes, un patient me demande " je peux te tutoyer "... Mon instinct ne l'aime pas ce patient. J'y peux rien. C'est le genre d'homme que si je le rencontrais dans la vie réelle, je fuierai à toutes jambes. Mais après une seconde, je me fais la réflexion, que je ne peux décemment dire " non " aussi je murmure " pourquoi pas ". Après tout, il vient de me voir saluer deux patients avec enthousiasme en les tutoyant.

   Toutefois, je me pose la question de la distance.

   Je me rappelle encore mon premier stage où la kiné référente m'avait envoyée m'occuper d'un jeune homme d'une vingtaine d'années beau comme un Dieu. Le vouvoiement respectueux et distancieux auquel j'étais habituée avait cédé le pas à une rougeur totalement déplacée et à un tutoiement et des bredouillements. 

    Après cela, je préférais les patients plus âgées, même si ca devait dire faire face aux larmes, et demandes d'euthanasie. Parce que la souffrance je sais la gérer. La mienne ou celle des autres. J'y suis habituée. Je sais regarder dans les yeux une personne qui me demande de mourir. J'arrive en général à trouver les bons mots, ou les silences qu'il faut, ou tout simplement les sujets qui réveillent de cette transe mélancholique. 

    Mais désirer ou trouver beau un patient ca me gène atrocement. Je trouve cela totalement déplacée dans mon métier. Qui plus ait alors que je suis amenée à parfois devoir faire face à des situations qui me font rougir ou des propos déplacés comme cette discussion un jour que je massais une cuisse " tu le fais pour combien ? " et auquel je suis restée totalement silencieuse. Sans répartie en bouche. 

    Tout comme je me souviens, de la chaleur et la douceur d'une main d'un patient bien trop beau pour ma conscience professionnelle, alors que je mobilisais son épaule.

    Je préfère alors de loin les patientes plus âgées. Les femmes sont d'un naturel facile, abordable... Elles ont pleins d'histoires, pleins de souvenirs... J'aime écouter leur voix compter leur histoire, leur vécu. Je m'en lasse pas. Y a aucun danger qui remue ma conscience professionnelle.

    Mais dans ce stage la promiscuité entre patients et stagiaires fait que les barrières tombent. Bien sur, je m'avancerais jamais jusqu'à parler de ma vie privée à des patients ( généralement, je me garde déjà bien d'en parler aux kinés ou aux autres stagiaires ) pas plus que je ne sortirais avec l'un d'eux. Toutefois, je me demande pourquoi dès que l'on pose sa blouse blanche, l'on ne parvient plus à se comporter comme un soignant.

    Avec le patient M. auquel je me suis attachée mine de rien en deux semaines, je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi je réagis avec lui comme une femme plutôt que comme un soignant. Et ca me dérange. J'ai beau savoir que son attitude avenante il l'a avec toutes les femmes du service. C'est même un grand sujet de conversation, il me fascine. 

   Une amie m'a un jour dit : " si je ne t'ai pas parlé de mon aggression, c'est que je savais que tu aurais été fascinée ". A l'époque, cela m'avait blessée parce que son bien être, sa joie de vivre, m'importait bien plus que l'histoire de son aggression. Même si, à l'époque, j'aurai aimé être là ce jour là, et frapper à mort l'homme qui l'avait changé autant et lui avait fait perdre confiance en moi. 

    Alors peut être est ce tout simplement cela... 
Le danger qui émane de ce patient, ce charme à la bad boy... Ou le fait, que lui au contraire des autres " hommes " que je connais, ne prend pas de gants avec moi, n'est pas gentil, il fait ce qu'il veut sans se préoccuper des conséquences. 
Le premier week end en solitaire que j'ai passé à l'hopital, on a disputé des matchs avec une autre patiente de ping pong et quand épuisée à force de ramasser les balles ( avec deux béquilles et un fauteuil roulant aucun d'eux ne pouvait le faire^^ ), on s'est assis. Il a déballé quelques brides de son histoire.

    C'est probablement le danger.

    Le secret professionnel implique que pendant la réeducation on se doit de garder confidentiel ce qui nous ait confié. Mais, est ce que là, ce qu'il m'a dit est confidentiel puisque je n'étais pas kiné, mais juste une femme qui s'amusait avec mes patients ?

    Comment définir dans ces circonstances une frontière ?

     Etrangement, son histoire m'a touchée... Même si une fois la patiente partie, me demandant mon âge, il m'a dit " t'es pas trop jeune pour moi ca va ". Scotchée sur place, ne sachant quoi répondre, je l'ai regardé lui demandant son âge. " quel âge tu me donnes ? "... 

    Ce qui est amusant, c'est que je retrouve mes réflexes de fifille avec lui. Les mêmes réflexes qui font que les hommes de ma famille me charrie allègrement. Comme les " arrêteeee " ou les " mais euh "... Le fait de rougir à tout bout de champ. De ne savoir comment interpréter tel ou tel geste. 

     Son histoire à lui, j'aurai envie de l'écrire... Peut être parce que je suis une romancière qui ne sait écrire que les drames, j'ai envie d'enjoliver les choses. De raconter le fait qu'il fut chasser de son propre pays et qu'il n'a plus le droit d'y revenir, ses passages en prison, sa joie de vivre alors que quand il parle du centre de réeduc il le compare sans facon à une prison puisque là non plus il n'a pas le droit de sortir. Parfois, mon regard s'arrête sur les cicatrices qui courent sur son crâne conséquences de son hospitalisation ( sans que cela enlève le charme qu'il dégage). Un jour, il m'a montrée celle sur son torse, en me disant "coup de couteau. un peu plus bas, et le reste y passait aussi ". 

     Il me fait penser à l'époque où encore jeune j'écrivais à des hommes en prison. Parce que pour moi, la vie est précieuse... Que c'est un miracle permanent. Que la vie c'est la liberté... Et que le fait que des hommes se retrouvent derrière des barreaux sans pouvoir voir la vie me paraissait insupportable. Je voulais voir la vie à travers leurs yeux. L'un de ces hommes, mon père le haissait. Parce que la victime, il la connaissait. Ca je ne l'ai appris qu'après. J'écrivais depuis un an à cet homme en prison. C'était une relation innocente. Juste une petite fille qui écrit à un homme qui cultivé, lui faisait voir une vie différente de la sienne si protégée. Puis, on a parlé de cet homme à la télévision, alors qu'un de ses complices se trouvaient atteint d'un cancer et que sa remise en liberté était en pour parler. A table, j'étais choquée qu'on ne laisse pas un homme qui n'en a plus pour longtemps à vivre en prison, au lieu de rentrer chez lui. Alors qu'il en avait pour si peu de temps à vivre. Mon père avait été furieux. Il m'avait parlée de la bombe qui avait tué un de ses " collègues "... Alors je n'ai jamais dit que j'avais correspondu avec le meutrier qui avait laissé une femme et des enfants sans leur père.

     Après, cela me gène de réagir comme une gosse avec M. Une femme ou une gosse, je ne sais pas bien. Est ce que les gosses rougissent ou se raidissent parce qu'un homme est trop près d'elles ? 

    En tant que stagiaire kiné, quelles sont les limites ?

    Après tout, je n'ai pas ce patient en charge ! Je le croise en réeducation certes. Mais, je ne l'ai pas à charge. Alors je ne devrais pas m'offusquer pour si peu. D'ailleurs, je le laisse dire ces " jolie brune " ou " ma belle ". Même si je tique sur la possession. Je ne suis pas comme les autres stagiaires, je ne sais pas rires de cela. Je ne sais pas prendre de distances vis à vis des gens qui m'intriguent, ou des hommes qui me séduisent. En général, je fuis à toutes jambes. ^^

    Finalement, je m'interroge sur la limite à ne pas dépasser. Quelle est t'elle ?

    " M. est quelqu'un d'intelligent. Mais faut en permanence le recadrer. Il dépasse souvent les limites. " La plupart des gens qui le prennent en charge, surtout les filles le savent. Parce qu'il est indiscipliné, et dragueur. Trop. 

     Pourtant, sa facon de faire est courtoise et finalement, même si ces mots sont directs ces gestes sont sans équivoque. Je suis juste désappointée par mes réactions.

     Déjà qu'en tant normal, avec un homme "normal" je réagirai bizarrement. Avec les patients qui dépassent les bornes, je réagis trop vivement. Je me souviens de l'un d'eux que j'ai recadré vivement. J'étais en " état de choc " en sortant de la chambre. La kiné sur mes talons surprise par mon éclat et ma répartie cinglante. 

     C'est un peu comme dans la réalité, quand vous rencontrez des hommes, surtout ne jamais leur dire que vous êtes kiné. Personnellement, je ne le dis pas. Je reste vague. Parce que si vous avez le malheur de dire que vous être masseuse, ca porte à confusion. Et même si je masse les gens qui me le demandent sans rechiner, j'aime cela. Je n'apprécie pas l'ambiguité qui survient dans le regard ou les mots prononcés alors. Les hommes pensent alors tout de suite à de vieux fantasmes enfouis dans leur mémoire s'imaginant je ne sais quoi... 

       Le problème, c'est que j'ai jamais su comment une fille, une femme devait réagir, à certains mots ? certaines phrases ? ou certains gestes ?

     Par exemple, l'histoire du massage de la cuisse, le patient devant mon silence méditatif a répondu " les femmes répondent en général : pour rien "

     Et là, une femme, une kiné, une stagiaire, elle est censée réagir comment, quand un patient par un stratagème qu'elle a même pas vu venir, l'embrasse dans le cou ? ou quand il retient sa main pour la baiser ? 

     Ou plus généralement, une kiné devrait réagir comment vis à vis de certains patients ? 

     Après, je ne suis pas une oie blanche... Mais je ne peux m'empêcher de me demander comment que ce soit dans la vie réelle ou professionnelle, je suis censée réagir ? Ou comment une personne normale réagirait ?

     Parce que finalement, ca me renvoit à toutes les situations que je ne sais pas gérer, ou celles où je réagis bizarrement.

            Comme quand pendant les TPs, ou les examens, on me demande de me conduire en professionnel de santé. Et de masser un poitrine, les adducteurs, ou la fosse trochantérienne d'un homme. Je trouve abhérant alors de me demander de me conduire en tant que professionnel de santé ! 
Parce que c'est des gens que je cotois tous les jours, qui ont une petite amie, pas des patients.

    Quand vous avez une blouse blanche, vous faites ce que vous avez à faire. Y a pas de questions qui se posent. Souvent, la blouse blanche permet de faire ce qu'on veut. Bien sur y a la loi du 4 mars 2002. Mais, elle nous donne quand même un ascendant sur le patient. Alors que sans, la blouse, quand je croise une personne, avec des cicatrices, des blessures, des amputations, son histoire m'intéresse. Mais, j'essaye de ne pas poser de questions, de ne pas regarder avec des yeux de professionnel les bizarreries de l'existence, parce que finalement, je n'ai pas de blouse qui protège. 

    Enfin voilà, je pensais juste mettre la question du début, et finalement, ca doit faire une bonne demi heure que je tape. Pas du tout ce que j'avais prévu... 
Mais bon, j'ai aussi l'habitude de remettre en questions des choses sans intéret.
Kath

 Rajout : et voilà, deux heures après ce post, un autre patient me lance " tu veux que je te dise quelque chose ? Si j'étais plus jeune - 50 ans - je te ferais la cour. " " pourquoi tu rougis ? " " t'es très mignonne " " tu as un visage très fin garde le ! "...
Merde ! Je dois réagir comment à ce genre de phrases ?
" les jeunes de ton âge ne doivent pas faire preuve de la même franchise " Non, effectivement.
Pourquoi ce genre de propos me rend mal à l'aise ? Est ce parce que je sais pertinamment, que c'est le cadre d'un hopital qui fait que les relations sont " plus familières " ?
En tout cas, on pourra dire que ce patient en quelques mots est parvenu à me destabiliser : je tremble de tous mes membres.

Pitié ! Que plus un seul patient ne me dise quelque chose qui ressemble à de la drague ou du flirt avant la fin de mon stage !
Je ne sais pas réagir à ce genre de propos... J'ignore comment on réagit dans ces cas là... Je n'aime pas me voir en petite fille prude et totalement terrifiée. Je déteste qu'on me destabilise comme cela. Et ca me rend triste, parce que dans la réalité, tu es seule. Juste seule.

Et que je donnerai n'importe quoi pour savoir comment je suis censée réagir ? Comment je suis censée me comporter ? 

Le 19/03/2010... la fin de semaine s'est terminée sans heurt... Le repas s'achève quand un des professionnels de santé se lève, et me lance " garde ton charme, en tout cas t'es une fille vraiment mignonne"
On peut me dire quelle est la différence entre la Kathleen en Province et celle sur Paris, parce qu'à force je vais me poser des questions ?
Et puis, pourquoi les gens te posent des bombes comme cela, quand tu t'y attends le moins, alors que tu passes une superbe soirée ?
T'es censée réagir comment ? Prendre le compliment comme il est et passé ta route ?

Ouistiti