La Maison de l’an 2000

Par Muuuz

A quoi ressemblera la maison de l’an 2000 ? Paru en 1959, dans l’ouvrage « Clair Foyer – Spécial », ce texte nous donne la vision de la maison du futur à l’époque. Une inspirante et édifiante archéologie du futur que nous signale Mirokatsù, fidèle lecteur et commentateur de Muuuz.

« Flèche, la maîtresse de maison revient du jardin avec sa brassée de fleurs. C’est la plus grand activité de sa journée, mais y prend un extrême plaisir depuis que ces vaporisations de poudre vous permettent d’obtenir des floraisons, presque du jour au lendemain.

Elle aime beaucoup sa maison sur pilotis et apprécie toujours la température égale qui y règne.

Décidément, il n’y a pas lieu de regretter cette installation assez coûteuse du toit de tuiles, qui permet de capter l’énergie solaire. Plus de notes à payer. Chauffage, éclairage, réfrigérateurs, appareils ménagers de toutes sortes, radio, etc. tout marche aux fruits du soleil. Les batteries des accumulateurs se chargent automatiquement, pour une durée illimitée.

Les murs intérieurs de la maison, partiellement vitrifiés, suppléent en temps voulu, à la déficience de la lumière extérieure. Mais il est temps de songer aux repas. Flèche pénètre dans la cuisine, dont la porte s’ouvre, tout naturellement à son approche.

Au tableau de bord du rayon épicerie, elles constate que le clignotant du sucre tourne au rouge. Il est bon d’en commander. Ce qui reste suffira pour les fraises, récoltées il y a plus de trois mois. Enveloppés dans la feuilles de cellophane radioactive, elles sont aussi fraîches qu’au jour de la cueillette.

Flèche se dirige maintenant vers son poste inter-téléphone télévisé pour commander la viande. Un client sort de la boutique, aussi le boucher peut il se consacrer à elle. « Pourriez vous me dire le prix de ce rôti, la, le deuxième de la rangée, il me semble convenir? », « Deux kg comme vous voyez », répond le commerçant en indiquant le poids que marque la balance. « Entendu alors, envoyez-le moi, S.V.P. »

Dans quelques instants, elle trouvera ce morceau de viande dans la petite rotonde réfrigérée et tournante, qui communique de l’extérieur avec la cuisine.

Ces nouvelles vitres qui ne peuvent se salir sont bien commodes. Quand on pense à ces agaçantes barres nettoyeuses qui se mettaient en mouvement dès que les carreaux n’absorbaient plus assez de lumière! De plus, cela faisait aboyer le chien.

Un tapis roulant amène Flèche vers les chambres.

La volte face saisonnières des matelas est de rigueur: elle donne une petite impulsion à la manette qui est au pied du lit et ceux-ci exécutent une pirouette impeccable, tandis que les draps aspirés en l’air se gonflent puis retombent, ils sont conçus de telle sorte qu’ils suffisent, quelle que soit la température.

Les lits des enfants se succèdent en gradins, laissant à chacun son horizon. Les éléments du dessous font office d’armoires et de tiroirs. Ici c’est le plafond qui est lumineux, pourvu d’une lampe anti-microbienne. Grâce à l’oeil météo, les fenêtres s’oeuvrent et se ferment quand cela est nécessaire. La caméra-télévision permet aux enfants de se distraire et aux parents, où qu’ils se trouvent, de contrôler leurs activités. Les murs magnétiques retiennent tout ce que la fantaisie des jeunes y apposent. Dans la pièce d’eau, contiguë, des barres aimantées retiennent les serviettes et les sèchent. La mère emmène les vêtements et le linge douteux vers la machine à ultra-sons où le nettoyage se fera sans eau et sans savon. La ventilation à la sorte leur redonnera l’aspect du neuf.

On ne conseille pas la fibre de verre pour les jeunes. Flèche jette un coup d’oeil sur sa jupe faite en cette matière et si pratique… Cependant elle a un faible pour sa robe en soie sauvage, un caprice, qui rappelle le vieux temps. Mais comme c’est émouvant de penser que c’est le travail de multiples petits vers à soie.

L’heure avance, il est temps de descendre.

A la cuisine, tout se maintient à la température désirée. Mais voici que le panneau avertisseur s’illumine annonçant que la grille de la cour s’est ouverte. C’est le maître de maison, il descend de sa voiture, tandis que celle-ci se dirige, seule, vers son box sous la maison.

Des cris joyeux se font entendre. Les garçons atterrissent dans l’hélicoptère de l’oncle Stop.

Maintenant chacun se dirige vers ce coin de la grande salle destiné aux repas. Une étroite table rectangulaire, où tous prennent place. Autour de celle-ci, circule la plaque roulante qui va et vient de la cuisine. Elle apporte d’abord couverts, assiettes, verres; chacun se retourne et se sert. Puis ce seront les plats qui arriveront.

Grand-Père, toujours taquin, dit à Maman que son bouquet au centre de la table, ressemble un peu à un balai. Celle-ci est indignée. Tambour, le benjamin interroge « Qu’est ce que c’est? » Quelques fibres ou quelques poils au bout d’un long manche qui servant dans les temps anciens à remuer la poussière. L’aspirateur l’a remplacé, comme celui qui te sert de cheval au grenier. Bien qu’il fut capable d’aspirer à plus de 5 mètres, on lui a vitre préféré ces bouches qui filtrent l’air, et qui aspirent et expulsent l’air vicié.

Voilà l’aîné, Eclair, qui renverse la bouteille de vin, sans inconvénient: elle est aimantée, rien ne se répand. « Dans mon temps, faut remarquer Grand-Père, c’eut été un désastre et le dessert me serait passé devant le nez ».

Le repas terminé, la plaque déversera les assiettes en plastic dans le bac à 120° qui les dissoudra totalement. Le bac mousse est destiné à la vaisselle qu’on garde.

Tempête, qui a été chez Tante Cloche à Paris, raconte que là-bas on met la vaisselle dans le monte-charge de l’immeuble et que cinq minutes après elle vous est renvoyée, immaculée.

Grâce au pilier à coulisse, une séparation en trompe l’oeil va isoler le coin des repas. Grand-Père ne se lasse pas de voir défiler toute la flotte de Brest en 1965. Il bourre sa pipe et s’installe dans son fauteuil. Le bouton sur lequel il a appuyé fait surgir un écran de télévision et il s’empare d’un petit anneau qui lui permettra d’être seul, à entendre les sonorités.

Flèche et son mari sont très absorbés par ce projet de pique-nique, dont ils discutent avec des amis à leur poste d’inter-téléphone télévisé. Cela donnera beaucoup de mal, mais quel changement de la cuisine sur un vrai feu avec de la fumée, tout comme les premiers hommes…

Grand-Père, pour une fois, est intéressé par la publicité « Ecoutez les enfant, on peut nourrir le bétail avec du bois. On réduit en poudre le chêne en le bombardant d’électrons et en éliminant la lignine: c’est formidable. Il ne faut pas vendre notre petit bois du Conquistador ».

Un coup d’oeil sur l’écran de l’intervision fixe les parents sur les activités de leurs rejetons; l’un téléguide son petit avion qui fait des loopings, l’autre avec son petit poste émetteur de poche converse avec un camarade.

Que feront demain tous ces petits hommes? Supporteront-ils les 160° de chaleur de la lune à midi et ses nuits de moins 60°, ou se contenteront-ils d’un petit week-end chez Mars?

Quand au bonheur, il n’est que de le vouloir pour le posséder. Chacun le trouve à sa mesure. »

Merci Mirokatsù.