Analyse des résultats du premier tour des Régionales en Bretagne

Publié le 15 mars 2010 par Chacalito


Le deuxième évènement de ce week-end après la mort de Jean Ferrat (un grand chanteur engagé) était l'élection régionale. Je le dis dans cet ordre car il est clair qu'à part dans le micro-cosme politique, cette élection n'a pas été suivie. Voici donc mon analyse après une nuit de sommeil et les chiffres à ma disposition. Le tableau fait apparaître ceux de la Région Bretagne. J'ajouterai des commentaires pour la Loire Atlantique evel just.

L'abstention.

Rien de bien original pour qui a suivi les élections, c'est l'abstentionnisme le grand vainqueur. Je ne sais pas ce qui passe par la tête de ceux qui ne vont pas voter, mais je ne vois honnêtement aucune forme de contestation dans cette méthode! Premièrement parce que cela ne sert à rien (pas constructif), deuxièmement parce que ça affablit la démocratie et nous fait rentrer dans une spirale infernale d'opposition "peuple VS élus" (comme si les élus n'appartenaient pas au peuple!). Je ne vais pas faire un laïus sur le fait que la démocratie n'est pas éternelle et que nombre de peuples opprimés se battent pour le droit de vote (les femmes en particulier), mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque.
Bravo donc les abstentionnistes! Je prends le pari que l'immense majorité n'a même pas lu un tract ou été à un meeting. Comment donc se faire une idée sur les listes? Dans mon bureau de Lorient, un ancien est sorti en disant "qu'il n'y a que des cheveux blancs qui votent". C'est d'ailleurs ainsi que je pourrai qualifier le Parti socialiste en Bretagne (le parti des cheveux blancs). Certes, hégémonique, toujours présent, mais ce n'est pas glorieux car la moyenne d'âge des votants faisait peur. Les maisons de retraite ont voté massivement (en témoigne d'ailleurs l'excellent vote du FN). L'ancien monde (sans aucune méchanceté pour nos anciens). Le nouveau, lui, s'est contenté de rester à la maison. C'est encore pire!
Nous (Jeunes UDB) qui avions fait une campagne contre l'abstention, nous qui demandions aux électeurs (dans un Koulmig) de voter pour crédibiliser l'échelon régional, c'est l'inverse qui s'est passé et je prends ça pour un échec. Car quel a été le premier commentaire de la droite en déroute? "Le taux d'abstention prouve que la réforme institutionnelle est nécessaire" (dixit Fillon et Chatel). Comprenez en langage non politique: "l'échelon régional ne sert à rien, les gens n'en veulent pas donc notre volonté de réduire encore son pouvoir est légitime". L'autonomiste que je suis a de quoi flipper! La recentralisation serait donc demandé par les Bretons aussi? Quelle pitié! J'espère au moins que Jean-Yves Le Drian s'opposera fermement à ce manège.
Les scores en Région Bretagne.
Une élection à deux tours, c'est un choix de société au premier et un vote de confirmation au second. Force est d'admettre que la multiplication des listes a été bénéfique à Jean-Yves Le Drian, socialiste à la tête de la Région et rassurant. De ce point de vue, sa victoire est écrasante (37,19). Son pourcentage est 1,5 points inférieurs à 2004 avec une concurrence accrue. L'électorat socialiste s'est donc mobilisé, en réaction à Sarkozy et en réaction au score des européennes. Mais aussi sur la base du bilan même si je doute que ce bilan soit attribuable au président, mais plutôt à sa fonction. Le réflexe de Pavlov: gauche = PS. Quelle pauvreté intellectuelle! Quelle manque d'imagination! C'est bien l'ensemble des sortants qui ont été plébiscité en France. TER, formation professionnelle, lycée... ces thèmes ont-ils joué? Je ne saurais le dire tant je doute de plus en plus que les gens lisent les programmes. Mais à nous aussi de nous remettre en cause et d'admettre que nous ne parvenons pas à parler à tout le monde.
Pour Europe Ecologie Bretagne, le score est décevant, mais pas catastrophique du tout. L'édito du Ouest-France de ce matin (de Michel Urvoy) parle même de réussite ("les vrais gagnants") car nous parvenons à concerver le nombre de voix des européennes sans affaiblir le PS (nous avons donc trouvé des voix). Une véritable force se met donc en place à côté des socialistes. Par rapport à 2004 (UDB-Verts-gauche alternative), notre score est de 2,5 points supérieur (12,2 au lieu de 9,7%). Décevant, ce n'est donc pas notre score, mais bien la capacité de négociation que le score socialiste nous laisse. Décevant aussi car nous avons prouvé que le score d'EEB était un vote urbain. Nous parlons de la campagne à la ville! Ce n'est pas mon ambition personnelle. Seul point positif et pas des moindres: une liste ouvertement autonomiste dépasse enfin les 10%. Nos idées se démocratisent un peu.
L'autre surprise du scrutin, c'est le retour du FN evel just. Certains de mes camarades le pressentaient comme Robert Pédron ou Jean-Paul Chevrel et cela s'est avéré exact. Pour ma part, je ne les attendais pas car Malgorn était plutôt représentante d'une droite dure. Le fait qu'elle soit inaudible car incapable de porter un discours attirant pour les Bretons a du jouer. Ce que je ne m'explique pas, c'est la capacité de mobilisation du FN alors qu'ils étaient invisibles!
On savait le Modem affaiblit, mais peu de pronostic prévoyait une telle bérézina pour le Modem! Avec un tout petit peu plus de 5%, ils ne se maintiendront pas au second tour et ne donneront d'ailleurs pas de consignes de vote. Résultat: ils disparaissent de la scène régionale. Seule consolation pour Bruno Joncour, le tête de liste, il existe en Côtes d'Armor et particulièrement à St Brieuc où il est maire.
Dans l'ordre arrive ensuite Christian Troadec avec 4,29% soit à peine plus de voix que le parti breton aux européennes dernières. Pour le baron du Poher, hyper médiatique, ce n'est pas une gloire. D'autant qu'avec un score de 6,82 en Finistère, il prouve que son implantation est très locale. 42% à Carhaix, moins de 3% à Brest. J'en profite d'ailleurs pour féliciter mes camarades UDB du Kreizh Breizh qui ont fait une sacré campagne. Contre le maire, il était difficile de rivaliser! Bref, sous la barre des 5% alors qu'il visait 10%. Premier commentaire radio entendu était pour lui: grand perdant. Mais force est de constater qu'il a été une force de nuisance pour Europe Ecologie Bretagne même si ses voix (et cela se voit en comparant Brest à Carhaix) venait aussi un peu du PS, mais surtout de l'UMP. Sans sa liste, EEB aurait pu prétendre à 2 points de plus à mon avis et les résultats électoraux du Finistère aurait été proche de celle d'Ille-et-Vilaine pour EEB (pour d'autres raisons).
Le Front de gauche obtient 3,5% et prouve que le parti communiste n'est pas mort vis-à-vis du NPA (surtout chez les jeunes). NPA d'ailleurs sacrément ringardisé depuis les européennes alors que d'aucuns voyaient déjà un parti d'avenir à sa création. Je ne juge pas, je constate. Drôle de situation pour les communistes d'ailleurs puisqu'ils étaient sur deux fronts à la fois (FG et Le Drian). Finalement, une scission stratégique qui, à court terme, leur permet de garder des élus, mais à long terme pose des questions sur l'avenir du parti.
Les paysans de Terres de Bretagne (qui finance? la FNSEA?) s'en sorte pas mal mine de rien, mais doivent payer leur campagne. Moi qui pensait qu'il n'avait pas de bulletin, je les plaçais bien en dessous. Comme quoi, l'agriculture était un vrai thème de campagne, comme l'écologie.
Les scores en Loire Atlantique.
Autant j'étais plutôt lucide en Région Bretagne, autant je me suis planté dans mes pronostics en Pays de la Loire. Car Auxiette remporte aussi largement le premier tour. Europe Ecologie s'en sort mieux qu'en Région Bretagne avec 13,64% et 16% en Loire-Atlantique il me semble.
Je ne surprendrais personne en fustigeant l'arrogance de Troadec en Loire-Atlantique. Autant en B4, faire une liste pouvait avoir du sens (demain, on rase gratis), autant en LA, elle en avait aucun. J'avais prévenu que cela décrédibiliserait l'idée de réunification et cela a commencé. Nous allons devoir panser les plâtres de l'arrogance de l'Emsav qui ressemble plus, en Loire Atlantique, à une bête traquée qui mord avant de mourir plutôt qu'à un félin calme et habile. Je pense qu'il faut revoir toute la stratégie en Loire Atlantique et passer d'une stratégie de défense à une stratégie de reconquête. Cela nécessite de voir la réalité en face ce que l'Emsav refuse obstinément. 2,62%, c'est minable pour "la seule liste pro-réunification" (dixit Troadec). Les paroles sont entendues et réutilisées.
La suite (le deuxième tour).
Pour l'instant, les négociations sont difficiles entre Le Drian et EEB. Troadec, le dur à cuire, a déjà décidé d'appeler à voter pour Le Drian sans attendre de savoir si Europe Ecologie Bretagne (autonomiste rappelons-le) se maintenait ou pas. Quel courage! Lui qui se disait indépendant des partis de gouvernement appelle à voter PS sans même attendre une heure. Une chose me rassure, Troadec perd sa place de conseiller régional. Il l'a bien mérité car son bilan au bout de 6 ans est merdique et c'est nous qui l'avons mis là! En voilà une belle casserole de l'UDB...
Le conservatisme des français nous place dans une situation pas terrible! Le Drian (à l'heure où j'écris) refuse de jouer la calculette (mathématique comme il disait avant la campagne). Certes, son poids est important, mais il oublie de rappeler que le rapport de force est en notre faveur (l'écart s'est réduit depuis 2004). Il n'aimait déjà pas que l'on se présente face à lui (logique, mais bon, la démocratie, ce n'est pas forcément le projet de société socialiste), mais là, il refuse l'union de la gauche et préfère laisser de côté 12,21% des voix de côté soit 134112 électeurs de gauche.
Fusionnera-t-on? S'il joue au plus malin, Le Drian risque de perdre gros. Gagner mollement en premier lieu et payer sa décision localement. Nous perdrons une capacité d'action car dans l'opposition, les marges d'action sont plus faibles. Nous demandons simplement une répartition équitable, c'est à dire proportionnellement au nombre de voix.
Evidemment, j'appelle au vote blanc en Loire-Atlantique. Même si cela ne fera pas frémir Auxiette, il est clair qu'à force de nous mépriser, il ne faut pas s'attendre à ce que l'on soit sympa. Nous ne représentons sans doute pas grand monde, mais il est clair que tant que le président de région sortant en PdL refusera le débat sur la réunification bretonne, je ne le qualifierai pas de démocrate.