La canicule des pauvres de Jean-Simon Desrochers

Par Venise19 @VeniseLandry
Ça y est, les critiques de la Recrue pour un roman audacieux, dont on n'a pas fini d'entendre parler. En partant, il est assez rare d'écrire un premier roman aussi consistant (presque 700 pages). Il faut de l'assurance et c'est assez unanime pour l'affirmer ; Jean-Simon Desrochers est à la hauteur de son assurance !
Bloc de personnages
L’auteur fait une tournée des numéros d’appartement du Galant où vivent des personnages brossés à gros trait. Me sont tout d’abord apparus un peu confus ces fragments de vies pour lesquels j’ai travaillé fort pour en lier les morceaux.
Plusieurs personnages représentent un univers en soi. On entre dans celui de la toxicomanie par Zach qui fournit en drogue le bloc entier (ou presque !), dans l’univers de la porno par Kaviak, prétendument détaché de son métier, dans l’état d’esprit d’une tueuse en série par la très crédible Sarah. Miguel et Claude représentent l’homosexualité passionnel, le groupe de musique « Claudette Abattage » l’orgie perpétuelle. Le bédéiste, Takao, la création mercantile, Daphnée, l’actrice fabriquée, Monique, la beauté plastique. L’athlète, Tony, le type même de l’ambition déchue et Trevor Adamson, inclassable (mon histoire préférée).
Je demande pardon à ces autres intéressants personnages que je laisse dans la nuit de leur vie pour faire place à l’apaisante Henriette qui s’éteint comme un téléviseur. J’ai apprécié Roméo, enfin un homme « ordinaire »dans le sens que pas sous l’emprise du sexe ni de la drogue. Juanita, accro à Dieu, même si bernée et bafouée, sa révolte m’a semblé surprenante pour une immigrante aussi désemparée.
Donc, un bloc-appartements débordant de personnages et ces personnages forment un bloc, puisqu’ils sont tous, à divers degrés, esclave de la drogue et du sexe. Une description pointue, minutieuse et extrêmement crue de la sexualité remplit une part importante des pages. La sexualité m’est apparue mécanique à force d’être dépourvue d’amour et de sensualité. Tous les personnages (ou presque !) étant des bêtes de sexes, chacun à leur manière, cette omniprésence a fini par enlever de la saveur et, comme toute répétition, m’a lassée. Esclaves de la drogue sous toutes ses formes, ou de l’alcool, servant de palliatif à leur imagination défaillante, ces paumés sont "accros" sans l’ombre d’une culpabilité.
Malgré une idée de base solide et torride qui fait travailler le lecteur, mon intérêt ne fut pas constant, loin de là, pour ces personnages excessifs, peut-être parce définis plus par ce qu’ils font que parce qu’ils sont. Malgré cela, pour ce qu’il est, ce roman m’a grandement impressionnée, grâce à l'imaginaire structuré de Jean-Simon Desrochers.