Yodelice : Tree Of Life, album révélation aux Victoires de la Musique 2010

Par Actualitté
Je me suis trouvée toute seule dans mon petit appartement, les cartons partout autour. Je déménage. Eux, ils sont venus couper l’électricité plutôt que prévu. Il fait nuit, il fait froid. Le chandelier aux bougies qui pleurent… Allongée sur le parquet, je vois les ombres qui dansent au plafond. Pour moi... Ou pour lui ? Car un clown vient d’apparaître sur le seuil. Il a un chapeau avec une plume blanche, une larme tatouée sur sa joue et une guitare en forme de tête de mort.
Avec une dégaine d’un épouvantail sorti de films muets, la poussière sur sa redingote, un corbeau sur l'épaule et des fleurs qui poussent à chacun de ses pas. Il me tend la main et me demande de le suivre dans son monde… le monde de Yodelice avec Tree Of Life l’album récompensé album révélation de l’année aux Victoires de la Musique 2010.

Un clown qui troque le nez rouge pour la larme sur la joue

Il ne dit pas un mot et il m’enveloppe de douceur. Il ne dit pas un mot et ses yeux mouillés, le sourire en coin, le regard noir et profond en disent si long. On lui a fait quoi à ce clown pour être le fantôme des cirques, pour regarder de loin les enfants et avoir un regard sur le monde si tendre ? On lui a fait quoi à ce clown baudelairien sensuel, aux messages optimistes et au style humoristique ?
D’une grande grâce, à la gestuelle délicate, il me présente le reste du groupe et chante les titres printaniers phares à guitare sèche vive « Sunday With A Flu » et « Free ». Il me fait comprendre que le monde est tel que nous voulons le voir, en renaissance constante d’où une musique sucrée, fraîche et insouciante. L’univers de Yodelice est tout doux, un conte qu’on ne raconte plus par peur de rêver ? Le groupe a pris le pari de se lancer dans la notion de la perception tout le long de l’album.

Acrobate ? Funambule ? Juste poète !

Yodelice est un groupe de poète à cheval dans le monde du gothique et de l’enfance aux influences Radiohead à la guitare sèche omniprésente, poudré d’un piano, caressé par le violoncelle et aux textes en anglais pour un groupe français ! La voix sereine, chaude accompagnée de sa guitare, il me raconte le monde. Il me montre le monde à travers cet étang comme le miroir du temps qui se ride à l’atterrissage des canards. Un monde qui se transforme, qui s’efface et recommence quand il lance des cailloux dans l’eau.
Tout l’album est d’une grande pudeur. Un monde de rêve, un monde d’Alice au Pays des Merveilles avec « Shadow Boxing » à la batterie des Eagles au son d’un ruisseau sur « Noise ».
Ambiance sobre et d’une grande force

Des airs subtils, prévenants, un violoncelle qui se transforme en un corps de femme. La reine de la nature, une Eve qui sourie aux caresses de l’archet, cherchant la pomme à croquer. Tree Of Life un jardin d’Eden, une bande originale d’une vie qui coule avec les larmes, qui se fissure aux sourires…
La grande force de l’album est de savoir jongler avec un panel d’émotion ébranlant les idées reçues. D’un son plus optimiste, Yodelice pénètre le cœur avec des mélodies Radiohead comme sur « Noise », « Safe & Scarred » ou sur « Tree Of Life » où le piano s’invite comme une évidence. La gamme des notes utilisées est sombre, pure, poignante.
Je me réveille. Le camion du déménagement est en bas de chez moi. Les rayons du soleil habillent ma nouvelle vie. C’est en fermant à clé pour la dernière fois la porte de l'appartement que je vois au milieu de mon salon la plume de mon clown mélancolique me rappelant de sa voix sur « Insanity » chaleureuse et envoûtante.