Je n'ai vu que la fin du "jeu", et ne sais pas donc s'il a été mentionné au début de l'émission que cette expérience n'a rien de révolutionnaire ou d'innovante puisqu'elle est en réalité l'exacte réplique de l'expérience réalisée par Stanley Milgram entre 1960 et 1963, expérience reprise avec beaucoup de talent et de précision dans le film I comme Icare. L'expérience de Milgram est particulièrement intéressante, et ses conclusions font frémir car elles sont implacables quant-à notre nature et notre propension à agir comme des bourreaux face à des personnes qui ne nous ont rien fait. Elle démontre de façon très claire qu'en l'homme la barbarie n'est jamais loin, que les régimes totalitaires ne sont pas le fait d'individus si anormaux que cela, et surtout qu'ils se sont toujours appuyés sur une grande majorité de personnes "normales" qui ont accepté sans réchigner de réaliser des besognes infâmantes.
Mais je dois dire que je suis par ailleurs franchement énervé de la présentation faite par France 2, et en particulier du rôle présenté comme majeur de la télévision dans le comportement de docilité dont font preuve la majorité des candidats de l'émission. Soyons clairs sur ce point : aucun éléments scientifiques sérieux ne vient étayé la thèse que c'est la télévision qui mène les candidats à accepter de suivre ces ordres inhumains. Aucun. Milgram, que je sache, n'a pas mené son expérience dans le cadre d'un jeu télévisé, et à aucun moment ce soir il n'est expliqué, ni même envisagé d'etre expliqué, en quoi ce "jeu de la mort" diffère de l'expérience de Milgram et donc quels pourraient être les critères qui permettraient d'isoler le rôle de la télévision par rapport aux autres facteurs d'obéissance.
La conclusion de l'émission est donc parfaitement gratuite, sans aucune valeur, et l'on est bien obligé d'admettre en conséquence qu'elle ne s'appuie que sur une volonté de sensationnalisme, ce qui témoigne d'une perversité sans nom. Ainsi, on ressort de cela sans aucune idée de l'influence réelle de la télévision sur nos comportements ni en particulier sur notre capacité d'obéissance, mais avec des convictions plus fortes sur sa capacité à tirer sur n'importe quel fil pour faire du spectacle et du sensationnel. Avant toute autre chose, elle nous en dit ainsi beaucoup sur la perversité à laquelle elle n'hésite pas à s'adonner.
Quel dommage tout même, quel gâchis, sur un sujet qui mériterait tant de réflexion et d'honnêtes interrogations.