Compte-Rendu du Festival du Film Asiatique de Deauville - JOUR 1

Par Alban Ravassard

Comme l’année dernière, je me suis rendu au festival du film asiatique de Deauville qui célébrait cette fois sa 12ème édition. Et j’étais plutôt bien accompagné, étant inclus dans un groupe de confrères blogueurs à la plume acerbe et efficace, véritable puits de science du cinéma asiatique, et ça, ça peut servir en toutes occasions. Notamment pour briller en soirées mondaines.

Après l’édition relativement peu folichonne de l’année dernière où il avait fallu attendre la dernière projection pour vivre un fabuleux moment de grâce avec All around us, je m’attendais un peu à tout et n’importe quoi surtout que, cette fois, j’allais être présent sur la durée entière du festival.

Résultat ? 16 films visionnés en 4 jours. Compte-rendu d’un homme épuisé, mais globalement heureux.

Jour 1

Après une arrivée fracassante à Deauville où l’on peut découvrir la nouvelle collection mode et travaux au centre-ville (et croyez-moi c’est du plus bel effet), ainsi que la présence incongrue bien que sympathique d’un Bouddha-chat rouge devant le Normandy (qui nous inspirera bien des jeux de mots douteux), il était temps de s’attaquer au premier film de ce séjour qui fut Tactical Unit : Comrades in Arms, film tout droit provenu de Hong-Kong et présenté en compétition Action Asia.

Tactical Unit : Comrades in Arms

 

La première chose qui nous vient à l’esprit à l’issue de cette longue, ennuyeuse et dispensable projection est la suivante : Elle était où l’action annoncée ? Le film nous présente la banale rivalité entre deux unités de police. Il fallait bien trouver un moteur d’action et un semblant de structure dramatique bidon. Que dire si ce n’est qu’on rigole quelques rares fois et que le reste du temps on visionne une sorte de vrai-faux gun-fight en forêt cousu de gros fil blanc.

Jugez plutôt : comme par hasard les protagonistes se retrouvent au même endroit au bon moment et laissent de côté leurs différents passés pour s’unir et vaincre les « méchants » dans une scène d’action pathétique et plate, que l’on a visiblement vainement tenter de chorégraphier « à la Johnnie To » (producteur du film) mais sans son talent. Par contre on a droit juste avant a une super séquence de repas au ralenti que l’on jugerait sortie d’une publicité télé pour les pains de mie Harry’s. Merde, j’ai cité une marque. Game-over.

Le tout se passe en forêt, décor prometteur mais sous exploité, et surtout non spatialisé, dont on nous montre constamment les mêmes endroits : Wow trop chouette le tunnel en béton dont on filme toujours le même morceau mais en sens inverse pour faire croire que c’est un labyrinthe ! Ça devient très vite répétitif, à l’image du scénario prétexte qui se déroule sous nos yeux endormis. Aussi vite vu, aussitôt oublié. Merci, au suivant !

Castaway on the moon

 

Et le suivant, c’est Castaway on the moon, génial film coréen qui revisite le mythe du naufragé en nous présentant un protagoniste qui après une tentative de suicide lamentablement ratée, échoue sur une île déserte en plein milieu du fleuve Han où il devient une sort de Robinson Crusoé des temps modernes. Alors, oui dis comme ça ça n’est pas très excitant, mais pourtant le film nous emporte très vite dans son délire narratif et visuel, porté par une lumière esthétisante, de très beaux cadres et une utilisation honorable du scope.

Dans un premier temps il est vrai que l’on a un peu peur en se disant qu’en commençant aussi fort sur ses 15 premières minutes le film ne pourra que s’essouffler. C’est ce que j’appelle le syndrome « court-métrage allongé ». Or, à notre grande surprise il n’en est rien et le film se réinvente constamment, en introduisant notamment un second personnage qui vient se connecter de manière assez géniale au fil narratif principal pour lui procurer un second souffle.

Les idées narratives et visuelles se succèdent alors et l’on va de surprise en surprise. Le rythme va crescendo, de pair avec le petit brin de folie qui caractérise le film. On pourra regretter le retour à une structure et une narration un peu plus classique dans le dernier tiers du film mais cela serait être malhonnête car on ne boude pas pour autant son plaisir et l’on sort de la salle avec le sourire aux lèvres et la tête… dans la lune. Un véritable coup de cœur.

Suzhou River

 

Belle découverte que ce Suzhou River présenté dans l’hommage rendu au cinéaste chinois Lou Ye. Le début du film est extrêmement chaotique tant dans la mise en scène (caméra portée épileptique) que dans le montage aux nombreux cut agressifs. Une voix off masculine, nous conte son histoire à la 1ère personne et la magie opère.

Il faut attendre les deux tiers du film pour que deux trames narratives nous étant présentées comme isolées se rejoignent, se répondent et se joignent pour créer ce qui restera une des plus belles histoires d’amour qu’il m’ait été donné de voir à l’écran ces dernières années.

Difficile d’en dire plus sans révéler ce sur quoi se construit tout l’intérêt de cette histoire. Je m’arrêterais donc ici et vous invite à découvrir ce petit bijou d’urgence. En sortant une spectatrice nous remercie pour le « coup de pied aux fesses » que nous lui avons donné involontairement. Si elle avait été plus concentrée sur le film, elle aurait pris la claque qu’elle méritait.

Symbol

 

Séance de 22H très attendue et premier film japonais de la compétition, Symbol débute sur une curieuse odyssée Mexicaine où l’on croise une bonne sœur à la conduite musclée et un catcheur répondant au doux nom de « l’homme escargot ». On se demande si on ne s’est pas trompé de salle, mais très vite nos doutes sont dissipés quand, à la faveur d’un montage parallèle un peu foireux, on nous montre ce qui restera comme le point essentiel et la véritable trame narrative du film : un japonais en pyjama tendance pop-art, enfermé dans une pièce blanche, sans porte ni fenêtre.

Quel intérêt me direz-vous ? Eh bien l’intérêt c’est que cet homme se voit obligé d’appuyé sur des pénis d’ange (oui, vous avez bien lu) pour faire tomber des objets dans la pièce. Alors oui ça devient vite répétitif, et on se croirait dans un mélange entre un casse-tête chinois ( ! ) et un donjon tout droit sorti du jeu vidéo Zelda de Nintendo. Et voilà, j’ai encore cité une marque ! Bravo. Bref, la curiosité l’emporte néanmoins et cette partie du film tient toutes ses promesses au cours de séquences BD hilarantes où l’homme met en théorie ses tentatives d’évasion de la mystérieuse pièce.

Quand la partie mexicaine (avec une lumière très belle, très travaillée), rencontre la partie japonaise cela donne lieu à un des moments les plus absurdes et jouissifs du film. Mais le film est loin d’être fini et il traîne de plus en plus en longueur jusqu’à un final plus que douteux qui se voudrait être une sorte de 2001 japonais doublé d’une visite au purgatoire, où le personnage principal contrôle ou déclenche notre avenir grâce à un pénis géant… On a vraiment l’impression de s’être fait en…tubés (pour parler poliment).

Voilà une magnifique démonstration du syndrome du « court-métrage allongé ». Sauf que là il aurait fallu se contenter du court. Au final, Symbol est un petit plaisir coupable qui s’avère sans grand intérêt. On assume le délire et on passe son chemin, merci.

La suite sous peu… Stay tuned !