Invictus, de Clint Eastwood

Publié le 15 mars 2010 par Onarretetout

C’est la suite de Gran Torino. La question du racisme n’est pas à sens unique. La question de la réconciliation concerne tout le monde. La figure de Mandela (Morgan Freeman) domine le film, bien sûr. Une telle personnalité s’impose par son assurance et son humilité. Comment, ayant vécu tant d’années dans une si petite cellule, un homme peut-il en sortant vouloir pardonner à ceux qui lui ont fait ça ?

Bien sûr, il y a cette question. Mais on peut faire le parallèle avec le personnage incarné par Clint Eastwood dans Gran Torino. Agés tous les deux, l’un n’ayant plus de projet sinon de mourir, l’autre au contraire porteur de tant d’espoir, de volonté, d’insoumission. Et, d’une certaine manière, tous les deux travaillent à la réconciliation.

Ici, le sport est une façon de faire de la politique, de réconcilier les classes sociales. Je crois qu’on ne peut même pas en avoir une petite idée en France. On ne peut pas comparer avec le foot (il y a trop d’argent dans cette discipline). D’ailleurs, sur cette question du trop d’argent, une décision de Mandela est assez révélatrice de ce qui nous tient éloignés : lorsqu’il reçoit son premier « salaire » de Président, il trouve que c’est beaucoup trop et décide d’en donner un tiers à des œuvres de bienfaisance. Vous souvenez-vous ce qu’a fait le président de la République française élu en mai 2007 quand il a touché son premier « salaire » de Président ? Il y a vraiment deux sortes d’hommes politiques.

Par ailleurs, Mandela dit avoir réussi à tenir en prison grâce à un poème de Henley écrit en 1875 et qu’il intitule Invictus. Ce poème se termine par ces mots : « Je suis le maître de mon destin, / Je suis le capitaine de mon âme. » Et Mandela en recopie le texte pour le capitaine de l’équipe nationale de rugby, François Pienaar (Matt Damon). Il a pour pédagogie de montrer l’exemple et transmet donc cette capacité de mener son propre destin à ce jeune sportif. J’ai un peu honte de rappeler comment un entraîneur de rugby, pour plaire au président de la République française (le même que ci-dessus, oui), a lu à ses joueurs avant un match une lettre qu’un jeune résistant a écrite à ses parents avant d’être fusillé.

Enfin, si l’émotion des fins de match est nécessaire à une rencontre sportive, je trouve que Clint Eastwood fait traîner en longueur celle-ci, pour ne nous montrer (je sais, c’est le sujet de son film) qu’une sorte de communion idyllique du peuple sud africain. La littérature de ce pays est plus nuancée, il me semble.

Encore un mot sur la manière de filmer ici. A plusieurs reprises, Clint Eastwood modifie le cadrage pendant les plans. J'ai d'abord pensé que c'était pour montrer que Nelson Mandela changeait la façon de voir la politique, puis qu'il cherchait à recadrer la vie sociale de son pays, et je me demande si ce n'est pas une façon pour le réalisateur de recadrer l'histoire.