Haïti-Emploi-Immigration : des ressources humaines qui se...

Publié le 20 mars 2010 par 509
Haïti-Emploi-Immigration : des ressources humaines qui se gaspillent
Des professionnels haïtiens expatriés ne feraient pas grand-chose ou seraient sous-traités. Des ressources gaspillées, selon un compatriote interrogé depuis Montréal (Canada), ingénieur de son état.
Immigré depuis près de deux ans à Montréal, Joseph dit ne trouver jusqu’à présent aucun débouché au pays du sirop d’érable. Pas qu’il ne soit pas compétent, mais en dépit de ses nombreux diplômes acquis en Haïti, Joseph doit s’adapter au système canadien.
Mais c’est que le temps de la réadaptation au pays d’accueil commence à sembler long à cet ingénieur et ancien professeur d’université à Port-au-Prince. Il commence à trouver qu’il est moins utile au Canada qu’il ne l’était dans son pays propre.
Fin 2008, l’homme a dû quitter Haïti avec sa femme pour se retrouver à Montréal où, entre-temps, il a eu deux enfants. L’une des raisons qui ont poussé ce professionnel à laisser Haïti est le sentiment que le pays n’a pas besoin de personnes comme lui. Un sentiment partagé par beaucoup d’autres professionnels et d’étudiants qui préfèrent s’en aller sous d’autres cieux voir si l’herbe y est plus verte.
Le nombre de ces derniers à laisser le pays a plus s’est accru lors du séisme du 12 janvier. Avant la catastrophe, ils étaient environ 12.000 Haïtiens à partir chaque année depuis 2005 pour aller grossir les rangs de la diaspora, selon le rapport mondial 2009 sur le développement humain publié par le PNUD.
Toujours selon ce rapport, parmi les 12.000 Haïtiens qui partent chaque année, 16 % essaient de se diriger vers les Etats-Unis.
Parmi ces candidats à l’exil volontaire, se trouvent des étudiants qui savent pertinemment que ce pays ne leur réserve rien. Qu’ils n’y ont pas d’avenir.
« Beaucoup de médecins, d’ingénieurs et autres professionnels immigrés au Canada ne foutent pas grand-chose, ils doivent pour la plupart retourner à l’école pendant une longue période de temps pour s’adapter au système », témoigne Joseph qui en incombe la faute à la faillite du système éducatif haïtien. « Les diplômes locaux ne valent plus rien ».
« Je connais une femme médecin, poursuit notre interlocuteur, qui s’est installée il y a quelques années au Canada ainsi que son fils médecin à cause du kidnapping endémique de 2005. Ces derniers sont sous-traités et ne sont pas encore acceptés pour les professionnels qu’ils sont jusqu'à présent ».
L’un des professionnels immigrés serait même revenu au bercail après quelques temps passé au Canada « parce qu’il ne pouvait plus tenir et se sentait inutile là-bas, soutient Joseph qui envisage lui-meme de revenir.
“Nous les Haïtiens, formés, diplômés, professionnels, voulons à tout prix abandonner Haïti pour aller faire des petits boulots à l’étranger alors que, pendant le séisme, voire même avant, des étrangers signent pour venir travailler en Haïti sous couvert humanitaire”, dit constater Lucien, jeune diplômé en Sciences, qui voit dans l’invasion des ONG une façon pour certains pays de résorber le chômage chez eux.
Edouard, un professionnel de carrière, conseille pour sa part la création d’un bureau de ressources humaines national pour recenser le peu de professionnels qui reste en Haïti et les employer à bon escient chez eux.
L’on devrait aussi créer les conditions de travail pour accueillir les compatriotes de la diaspora qui sont prêts à venir aider leur pays, puisqu’on parle de reconstruction, plaide Edouard.
« A moins que l’on ne préfère, sur base de clientélisme ou de clanisme, placer des cireurs au Parlement comme a couru une fois la rumeur. Cela reviendrait à répéter les erreurs du passé et échouer aussi piteusement, voire de n’inspirer plus confiance à personne », craint ce professionnel.
Selon la Banque mondiale, Haïti a perdu au moins 80% de ses meilleurs cerveaux au cours de ces 12 dernières années. Elle continue d’en perdre et l’hémorragie n’est pas prête de s’arrêter.