Le Luxe est-il solluble dans le Crowdsourcing ?

Publié le 22 mars 2010 par Darkplanneur @darkplanneur
Le Crowdsourcing est partout, une vraie solution miracle pour convaincre le consommateur à acheter... mais le Crowdsourcing est-il compatible avec le Luxe, et ses lois anti-marketing. Une réflexion de Philipe Dupuis.

Avec l'avènement du web 2.0 et des media sociaux, le participatif est un concept en vogue. Et le crowdsourcing (création par une communauté d'internautes) qui a pour mérite de réconcilier le consommateur avec les marques repose sur l'intelligence collective.

L'intelligence collective permet aux marques d'être à l'écoute de leurs consommateurs : la voix dominante ou plus exactement les tendances dominantes sont censées guider les prochains produits ou un nouveau positionnement de marque sur le marché.

Mener une telle action pour une marque suppose de se remettre en question, de ne pas imposer une vision de tour d'ivoire  à ses consommateurs mais plutôt d'accepter les critiques objectives, de voir son positionnement souhaité ou imaginé malmené par l'opinion. Cela suppose aussi que les consommateurs s'emparent de la marque ce qui est une arme à double tranchant puisque si la marque peut remporter l'adhésion complète de sa cible, elle peut aussi se retrouver déconnectée de ses propres valeurs...

Faire appel à l'intelligence collective signifie donc pour un directeur marketing et/ou une direction générale prendre des risques en concédant aux consommateurs une partie de leur pouvoir.

Le crowdsourcing pourra ainsi influer à la fois sur la conception des produits mais aussi sur la communication des marques. Donner la parole aux consommateurs et même aux prospects implique nécessairement de transformer les propositions recueillies en action à défaut de se couper du lien de proximité fort ainsi créé et favorisant la préférence de marque.

Les idées des consommateurs valent de l'or puisque cela garantit de faire des choses appréciées donc de générer du Chiffre d'Affaires.

Faire confiance à l'intelligence collective est une preuve de clairvoyance pour une marque qui va pouvoir ajuster ses produits et son positionnement.

Or, a priori, il est à mon sens un domaine où le crowdsourcing ne peut trouver sa place : c'est celui du luxe. 

Si les marques de luxe ont pour objectif de donner envie à tout le monde, elles savent aussi que leur communication doit être efficace uniquement auprès de leur cœur de cible. Tout le monde doit connaître et admirer une marque de luxe pour faire en sorte que le cœur de cible se sentant valorisé ressente l'incontrôlable besoin de consommer.

Le luxe doit faire rêver et on demande aux marques de luxe d'imposer leur vision pour se différencier et susciter le désir. Les directeurs artistiques et stylistes ne sont-ils pas choisis pour leur excentricité et leurs goûts affirmés. La différenciation et la rareté sont l'essence même du luxe tel que je le conçois.

Aussi, le luxe parce qu'il est inaccessible trouve difficilement sa place dans le crowdsourcing. Comment une marque si désirable soit-elle, pourrait-elle se laisser guider par des consommateurs dont la plupart ne sont finalement que des prospects incapables d'acheter le moindre de ses accessoires ? La rareté et la différenciation du luxe semblent être en profonde incohérence avec l'intelligence collective. C'est pourquoi, le concept Womanity lancé par Thierry MUGLER me semble inadapté au but poursuivi.

Toutefois, les marques de luxe aiment à provoquer et susciter la polémique. 

C'est pourquoi, dans une certaine logique de perversion que l'on pourrait considérer comme un élitisme suprême, on peut envisager 2 niveaux de crowdsourcing adaptés au luxe.

Tout d'abord, quand une marque de luxe fait, pas seulement du sur-mesure, mais des pièces commandées, il s'agit certainement d'une forme de crowdsourcing assez répandue. Les marques de luxe se tiennent à la disposition des clients fortunés pour créer des produits uniques imaginés en tout ou partie par les clients qui les payent mais fabriqués par la marque qui en y apposant son label le valorise et lui donne toute sa dimension.

Ensuite, en allant plus loin, les marques de luxe pourraient vendre à une élite des produits imaginés par le "peuple" mais cautionnés et sublimés par la marque. Ces produits inaccessibles pour leurs créateurs satisferaient les clients qui y verraient un certain snobisme. Le directeur artistique qui laisserait le "peuple " choisir non pas les produits qui lui convienne mais ceux dont il rêve et qui seraient uniquement destinés à une élite pourrait être considéré comme un génie. N'est pas le cas quand un créateur fait du qucik & dirty issu de la rue une tendance du luxe ?

Mais on pourrait aussi considérer que désormais les marques de luxe ne devraient plus dans leur communication s'adresser à leurs clients mais uniquement aux consommateurs incapables de consommer leurs produits : cette stratégie, couplée à l'intelligence collective qui analyserait  cette technique de communication, créerait un effet de levier social permettant d'adresser indirectement leurs clients avec une grande efficacité. C'est en partie la stratégie adoptée par Louis VUITTON qui a diffusé un de ses défilés en live sur FACEBOOK, le but étant clairement de distinguer la marque par son grand nombre de fans, permettant de mesurer sa désirabilité et d'accroître le sentiment hautement valorisant d'expérience de consommation qualitative pour ses clients.

En effet le luxe doit surprendre pour créer du désir. Proposer l'inenvisageable issu de l'intelligence collective présenterait alors du sens...

En outre, cela pourrait créer un immense buzz entretenu et alimenté encore une fois par des personnes qui ne constituent pas du tout une cible prioritaire pour ces marques.

Ne serait-ce pas le comble du luxe finalement ?

Philippe DUPUIS aka WEBENTERTAINER