Il faut supprimer le bouclier fiscal !

Publié le 31 mars 2010 par Copeau @Contrepoints

A gauche comme à droite, les idées sont proches, comme l'illustre la communion d'idées des deux camps dans la dénonciation du « bouclier fiscal », mesure phare de Nicolas Sarkozy en 2007. Les seules vrais voix qui sortent de la pensée unique actuelle sont celles des libéraux, tenants d'une simplification radicale du système fiscal français. Pourtant, même en tant que libéral, on peut et on doit vouloir la suppression du bouclier fiscal.

Des avantages...

En effet, présenté par l'UMP sans une démarche d'ensemble cohérente, le bouclier fiscal est perçu aujourd'hui comme un cadeau fait aux riches. La critique se comprend, même si les faits donnent tort à cette interprétation : alors que le nombre d'expatriations fiscales de redevables de l'ISF n'avait cessé d'augmenter depuis 2003, l'année 2007 a pour la première fois vu une diminution du nombre de départs (-15%) et une hausse des retours (+9%), tandis que la tendance se poursuit. Un changement qui coïncide avec la mise en place du bouclier fiscal et valide l'utilité de la baisse des taux de prélèvements pour... augmenter les recettes publiques. Jacques Marseille comparait ainsi en 2007 le coût de la mesure, 263 millions €, au montant des capitaux des ménages qui se sont délocalisés depuis 1997 pour fuir l'ISF, évalués alors entre 24 et 32 milliards € [1]. Au final, en faisant rentrer en France des capitaux qui jusqu'alors restaient à l'étranger, le bouclier fiscal permet d'améliorer la situation de tous, et surtout des plus démunis : emplois créés en France, hausse des recettes fiscales avec une fiscalité moyenne moindre, etc.

... limités par l'absence de réforme de fond

Mais, si on observe déjà les conséquences positives pour tous du bouclier fiscal, ce n'est aujourd'hui qu'un gadget fiscal de plus, qui occulte les vrais problèmes de la complexité fiscale et de la lourdeur des prélèvements. C'est avec justesse que le député et président de la commission des finances de l'Assemblée Jean Arthuis note que le bouclier fiscal peut devenir « un amplificateur de défiscalisations et autres opérations d'optimisation fiscale » alors qu'il suffirait simplement, pour corriger les « excès de l'I.S.F. » d'abroger cet impôt. Il faut supprimer l'ISF, comme le bouclier fiscal, et se rapprocher d'une fiscalité simple et juste pour tous comme la « flat tax ».

Pour de vraies réformes d'ampleur

La seule façon de faire accepter de telles réformes, ce n'est pas en les faisant passer en douce, sans explication et sans pédagogie. Au contraire, c'est en les inscrivant dans un projet général, qui baisse de concert les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires, en assumant pleinement ses choix. Les pays qui ont fait des réformes fiscales d'ampleur avec une philosophie libérale clairement affichée, ont obtenu de très bons résultats et une validation populaire des réformes. C'est le cas de la Slovaquie récemment, pays dans lequel les socialistes ont confirmé le principe de la flat tax par exemple. Le gouvernement socialiste local de Robert Fico a entériné le taux de 19% pour l'impôt sur le revenu des ménages et l'impôt sur les bénéfices des entreprises.

L'exemple néo zélandais illustre lui aussi pleinement les succès qu'une telle politique apporte, y compris électoralement : dans le cadre d'une conférence donnée à Paris le 8 avril 2008, Roger Douglas a explicité les facteurs permettant selon lui de faire accepter les réformes les plus radicales. Il estime en particulier que ces dernières doivent être menées par grands ensembles et non petit bout par petit bout, afin d'en dégager la cohérence et que les inconvénients de certaines réformes soient compensés par les avantages des autres et que tous en profitent. Point primordial, la réforme doit être menée de façon décidée et non en cédant sur d'innombrables détails à chaque fois. La clef du succès réside dans la détermination et l'application exacte des promesses, sans mentir sur le coût immédiat de réformes initialement douloureuses et bénéfiques sur le long terme.

En clair, l'exact opposé des mesures portées aujourd'hui par l'UMP, qui refuse de voir la réalité de la nécessaire baisse massive des dépenses publiques. Nier la réalité de la « rigueur » ou céder à la première protestation, c'est se discréditer et perdre tout espoir de réforme futur. Roger Douglas cite ainsi l'abandon par le premier ministre David Lange du projet de flat tax à 23% : le reniement et la marche arrière firent perdre immédiatement 15 points de popularité au gouvernement qui jamais ne les récupéra. Mêmes causes, mêmes effets en France où, trahissant la rupture libérale promise, Nicolas Sarkozy fait augmenter dépenses et prélèvements tout en évitant les réformes nécessaires. C'est l'UMP qui, en refusant d'assumer enfin les réformes libérales d'ampleur nécessaires en France, a creusé sa propre tombe.


[1] Le bonheur est dans le bouclier, Jacques Marseille in Le Point, septembre 2007, http://jacquesmarseille.fr/Actualites/Article_LEPOINT_bouclier.asp