Allègre et Courtillot cloués au pilori par des confrères "scientifiques"

Publié le 02 avril 2010 par Francisrichard @francisrichard

La science officielle est à la science ce que l’histoire officielle est à l’histoire [voir mon article Liberté pour l'histoire, de Pierre Nora et Françoise Chandernagor ]. L’une et l’autre sont a priori suspectes, puisqu’elles répondent à des critères qui ne peuvent être que politiques et servir à des desseins partisans. 

Le terme même d’officiel est antinomique de libre expression, sans laquelle il n’est pourtant pas possible de rechercher la vérité, qu’elle soit scientifique ou historique. C’est l’obligation de penser d’une manière et pas autrement. C’est la marque des régimes totalitaires.

Le 29 mars 2009, des « scientifiques » français, « rémunérés principalement par les crédits publics », ont adressé une lettre ouverte ici à leurs autorités de tutelle. Ces « scientifiques » veulent donner aux dissidents du carbocentrisme des leçons d’éthique scientifique et défendre leurs sciences du climat.

Ils disent que le fait d’être « rémunérés principalement par les crédits publics » leur impose une rigueur qui ne peut être assurée que par leurs pairs :

« Leurs pairs sont les arbitres de cette rigueur, à travers les processus critiques de relecture, de vérification, de publication des résultats.»

Ce qui veut dire qu’en dehors de ces arbitres il n’y a point de salut. Ces arbitres – ils le reconnaissent eux-mêmes – n’ont pourtant pas été capables, bien que triés sur le volet, bien qu’experts intergouvernementaux sur l’évolution du climat, de relever des erreurs grossières publiées dans les rapports du GIEC, telle que celle sur « le devenir des glaciers de l’Himalaya », pour laquelle cet organisme onusien a été contraint de publier un « mea culpa ».

Les auteurs de cette lettre ouverte se donnent donc des verges pour se faire fouetter comme on le verra plus loin.

Là où ils dépassent les bornes de la science, c’est quand ils s’en prennent nommément à deux de leurs confrères scientifiques, Claude Allègre et Vincent Courtillot, parce qu’ils ont osé s’en prendre au sacro-saint GIEC, le premier « criant à l’imposture scientifique », le second « pointant les prétendues « erreurs » du GIEC ».

Qu’auraient-ils dû faire ? Soumettre leurs écrits à leurs pairs avant publication, ce qui, à défaut de les empêcher de commettre des erreurs, comme on l’a vu, leur aurait valu l’estime et la considération de la communauté des « scientifiques » français, « rémunérés principalement par les crédits publics ».

Plus fort encore, ces « scientifiques » français, « rémunérés principalement par les crédits publics » n’aiment pas être critiqués. Certains d’entre eux tiennent pourtant le haut du pavé, mais ils ne supportent pas d’en être descendus par des francs-tireurs, tels que Messieurs Allègre et Courtillot.

A ces « scientifiques reconnus dans leurs domaines respectifs », ils interdisent implicitement de toucher à leur pré carré. Leurs livres n’auraient pas dû être publiés sans « le filtre standard des publications scientifiques », autrement dit leur censure, leur imprimatur, leur nihil obstat.

A la critique ils ne répondent d’ailleurs pas par des arguments. Ils en appellent aux « structures référentes de la recherche scientifique française ». Ils leur demandent de réagir et d’exprimer publiquement leur confiance vis-à-vis de l’intégrité et du sérieux de leurs travaux. Ces scientifiques, courtisés consensuellement naguère, n’aiment pas les remises en cause, sans lesquelles pourtant la quête de la vérité est impossible.

Ils terminent pour la forme par dire qu’ils sont « demandeurs d’un vrai débat scientifique serein et approfondi ». Compte tenu de ce qu’ils écrivent précédemment, il faut s’attendre à ce que le débat qu’ils demandent soit filtré, standardisé, politiquement, écologiquement et climatiquement correct.

Je n’ai pas lu  L’imposture climatique de Claude Allègre, non plus que Le nouveau voyage au centre de la terre de Vincent Courtillot. Mais cette lettre ouverte m’incite à me procurer de ce pas ces deux ouvrages et à les lire avec discernement, avant qu’ils ne soient brûlés en place de Grève et leurs auteurs cloués au pilori [l'illustration ci-dessus provient d'ici].

Francis Richard

Voici le texte de cette lettre ouverte :

Destinataires :

Mme la Ministre de la Recherche
M. le Directeur de la Recherche
M. le Président de l’Académie des Sciences
Mmes et MM. les Directeurs des acteurs de la recherche publique regroupés au sein de l’Alliance thématique AllEnvi (BRGM, CEA, CEMAGREF, CIRAD, CNRS, CPU, IFREMER, INRA, IRD, LCPC, Météo France, MNHN)
M. le Président de l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur
M. le Président du Comité d’Éthique du CNRS

Éthique scientifique et sciences du climat : lettre ouverte

Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les structures référentes de la recherche scientifique française, face aux accusations mensongères lancées à l’encontre de notre communauté.

Un pacte moral relie les scientifiques et la société. Rémunérés principalement par les crédits publics, les scientifiques doivent déployer une rigueur maximale, pour la conception, la réalisation, la publication de leurs travaux. Leurs pairs sont les arbitres de cette rigueur, à travers les processus critiques de relecture, de vérification, de publication des résultats. Les hautes instances scientifiques sont les garants de cette rigueur. C’est sur cette éthique scientifique que repose la confiance que la société peut accorder à ses chercheurs.

Reconnaître ses erreurs fait également partie de l’éthique scientifique. Lorsqu’on identifie, après la publication d’un texte, des erreurs qui ont échappé aux processus de relecture, il est d’usage de les reconnaître, et de les corriger, en publiant un correctif. Ainsi, des glaciologues ont mis en évidence une erreur dans le tome 2 du 4ème rapport du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat («Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, chapitre 10 : Asie») concernant le devenir des glaciers de l’Himalaya. En l’absence de procédure formelle d’«erratum», le GIEC a publié son «mea culpa» ( http://www.ipcc.ch/pdf/presentations/himalaya-statement-20january2010.pdf), reconnaissant l’erreur, et soulignant que les processus de relecture du rapport n’avaient pas fonctionné pour ce paragraphe. En cela, le GIEC a respecté la déontologie scientifique.

Depuis plusieurs mois, des scientifiques reconnus dans leurs domaines respectifs dénigrent les sciences du climat et l’organisation de l’expertise internationale, criant à l’imposture scientifique – comme le fait Claude Allègre dans L’Imposture climatique ou la fausse écologie (Plon, 2010), pointant les prétendues «erreurs du GIEC», comme le fait Vincent Courtillot dans Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009) et dans des séminaires académiques. Ces accusations ou affirmations péremptoires ne passent pas par le filtre standard des publications scientifiques. Ces documents, publiés sous couvert d’expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de ce fait aux vertus du débat contradictoire.

Ces ouvrages n’auraient pu être publiés si on leur avait simplement demandé la même exigence de rigueur qu’à un manuscrit scientifique professionnel. De nombreuses erreurs de forme, de citations, de données, de graphiques ont été identifiées. Plus grave, à ces erreurs de forme s’ajoutent des erreurs de fond majeures sur la description du fonctionnement du système climatique. Leurs auteurs oublient les principes de base de l’éthique scientifique, rompant le pacte moral qui lie chaque scientifique avec la société.

Ces attaques mettent en cause la qualité et la solidité de nos travaux de recherche, de nos observations, études de processus, outils de modélisation, qui contribuent à une expertise nécessairement internationale.

Vous constituez les structures référentes de la recherche scientifique française. Les accusations publiques sur l’intégrité des scientifiques du climat sortent des cadres déontologiques et scientifiques au sein desquels nous souhaitons demeurer. Nous pensons que ces accusations demandent une réaction de votre part, et l’expression publique de votre confiance vis-à-vis de notre intégrité et du sérieux de nos travaux. Au vu des défis scientifiques posés par le changement climatique, nous sommes demandeurs d’un vrai débat scientifique serein et approfondi.

Liste des premiers signataires

Valérie Masson-Delmotte (LSCE)- Edouard Bard (Collège de France / CEREGE)- François-Marie Bréon (LSCE)- Christophe Cassou (CERFACS)- Jérôme Chappellaz (LGGE)- Georg Hoffmann (LSCE)- Catherine Jeandel (LEGOS)- Jean Jouzel (LSCE)- Bernard Legras (LMD)- Hervé Le Treut (IPSL)- Bernard Pouyaud (IRD)- Dominique Raynaud (LGGE)- Philippe Rogel (CERFACS)

Nous en sommes au  

622e jour de privation de liberté pour Max Göldi, le dernier otage suisse en Libye