Le jeu vidéo français à l'heure de la mondialisation

Publié le 03 mai 2007 par Eric Viennot

Ecrans a publié récemment une info qui est passée un peu inaperçue en cette période de campagne électorale. Et pourtant, elle touche à l'un des sujets importants de cette dernière campagne, je veux parler de la mondialisation. D’après cet article, l’école de jeux vidéo Supinfocom, a été choisie pour monter un programme de formation en Inde. On peut se réjouir de cette réussite, comme le fait si promptement Yves Louzé directeur de la CCI du Valenciennois dont dépend l’école. Mais les cocoricos d’aujourd’hui pourraient provoquer quelques étranglements dans l’industrie française de demain. Il est évident que l’intention des indiens est de profiter de l’excellence de cette formation pour créer à terme leurs propres structures de production. Supinfocom leur offre ainsi les moyens de venir tailler des croupières aux studios français et européens, d’ici quelques années.

On rétorquera comme le fait Yves Louzé que, de toutes façons, d’autres l’auraient fait à notre place. Rien n’est moins sûr. Je n’imagine pas, par exemple, les japonais monter ce genre de partenariat. Ni, non plus, les américains, ou alors avec de solides contreparties. Quand des entreprises françaises ou américaines s’implantent en Chine ou en Inde, elles se gardent bien de transmettre tout leur savoir-faire aux partenaires étrangers. Là, en l’occurrence, c’est justement ce savoir-faire que l’on vend ! Et pour l’instant, on ne voit pas quelle contrepartie il pourrait y avoir. L’Inde privilégiera-t-elle les éditeurs français ? Facilitera-t-elle l’importation de jeux produits en France ? La seule contrepartie qui parait évidente c’est, à court terme, une manne financière récupérée par l’école et sa région. L’argent obtenu sera-t-il alors redistribué aux studios qui s’implanteront dans le Valenciennois ? Lourd silence.
Dans le même temps, Supinfocom continuera sans doute de solliciter chaque année les studios français pour qu’ils leur reversent leur taxe professionnelle. Cela nous semblait, jusqu'à présent, tellement naturel de contribuer financièrement à cette formation d’excellence. Cela nous semblait tellement naturel d’intervenir gracieusement auprès des étudiants de l’école pour leur faire partager notre expérience. Que penseront de cette nouvelle mes collègues dirigeant les rares studios français encore en activité ?
Ce genre d'opération, venant d’un organisme public, a valeur d’exemple. S’ils ne l’ont pas encore fait (c’est notre cas) cette annonce ne pourra que les inciter à délocaliser une partie de leur production. Et pourquoi pas en Inde, quelle excellente idée ! Je suis curieux de savoir comment cette nouvelle a été reçue par les étudiants actuels de l’école. On vante souvent, à juste titre, l’excellence de nos formations. Mais quel avenir auront ces étudiants dans la compétition mondiale qui s’annonce ? Ils avaient pour eux, jusqu’à présent, leur niveau de formation. Que leur restera-t-il dans quelques années face à des collègues indiens excellemment formés mais beaucoup plus compétitifs en matière de salaire ?
Ce partenariat, qui partirait d'une intention très louable, dans un monde idéal d’échanges multiculturels, illustre pour moi un fait évident : à l’heure de la mondialisation, tout le monde se démerde comme il peut pour s’en sortir, seul dans son coin ! Au moment où l’Etat vient d'encourager, à travers une étude récente, les acteurs français à se regrouper, le Valenciennois a choisi, semble-t-il, de jouer perso. Bel exemple de solidarité !
Fais les valises, Liliane, on part en Inde !