Lire en italie

Publié le 05 avril 2010 par Abarguillet

Lectures latines

Grimpons le Simplon, ou un autre col alpestre, et déboulons dans une vallée italienne pour pénétrer dans le pays de la littérature, peut-être le pays où a été inventé la littérature telle que nous la lisons actuellement, pas tout à fait tout de même car les Grecs avaient déjà pas mal écrit depuis Homère. Mais, l’Italie reste, et restera encore longtemps, comme le berceau d’une immense littérature que nous ne pourrons qu’effleurer et que je n’ai abordée que sur les marges, si l’on considère l’ampleur de la production depuis la période romaine. Nous consacrerons donc deux étapes à ce pays des livres et nous n’explorerons pas les textes venus de temps par trop anciens. Pour cette première rencontre nous irons à la découverte de Grazia Deledda, titulaire du Prix Nobel de littérature 1926, qui a écrit magnifiquement sur son île d’origine, la Sardaigne. Nous nous dirigerons ensuite vers Levi, Carlo et non Primo qui l’a souvent éclipsé et nous nous tournerons, pour achever ce premier séjour en Italie, vers un écrivain plus jeune, Eraldo Baldini. Et, pour ne pas nous égarer dans les dédales de cette littérature foisonnante, nous prendrons la compagnie de l’inspecteur Montalbano avec son père littéraire, Andrea Camilleri. Certains diront peut-être que le roman policier est un genre mineur, mais moi je l’aime bien Andrea car ses livres se dégustent presque autant qu’ils se lisent et nous balaierons ainsi une grande partie de l’Italie de la Sardaigne aux plaines du Pô, en passant par la Sicile et la Basilicate.

Chien de faïence

Andrea Camilleri (1925 - ….)

« O que passa » Andrea ? L’âge, la fatigue, le blues ? On dirait que l’appétit y s’en va, ce livre il est moins gourmand que le précédent que j’ai lu ! C’est peut-être à cause des collègues de Gènes qui ont joyeusement tabassé de paisibles manifestants endormis que Montalbano il n’est pas content et qu’il a moins d’appétit. Oui certainement, il y a un peu de tout ça dans cette histoire mais il y a surtout ce gamin, ce « minot » qui a pris sa main et qu’il a conduit vers sa mère, qui n’est peut-être pas sa mère, et que l’on a retrouvé mort, renversé par une voiture. Le commissaire, il se sent un peu responsable de la mort de ce gamin, alors il veut savoir et il cherche, même s’il n’y a aucune enquête officielle d’ouverte, et il trouve des indices qui le conduisent vers des trafics « dégueulasses », inhumains…

C’es toujours le même plaisir de fouler le sol de Sicile avec le commissaire Montalbano, là où il connaît tout le monde, où tout le monde participe à l’enquête, où le trafic fait partie de la culture, où la cuisine sent si bon et réjouit les papilles, là où on ne se contente pas de se nourrir, où on mange. Mais quand on touche aux « minots »  « il dottore », il aime pas du tout et il devient méchant.

Certes, Andrea, c’est un bon scénario, bien tricoté où tu laisses poindre toute ta répugnance et ta révolte devant ses trafics odieux, mais pourquoi, vers la fin, t’as voulu transformer notre bon commissaire qui travaille surtout avec « sa coucourde », en James Bond décati et poussif ? Ca tient pas la route cette histoire, t’imagines l’inspecteur Maigret transformé en Hubert Bonnisseur de la Bath ? Pas crédible du tout ! Alors, au lieu d’être féroce et vengeur notre commissaire n’est que pathétique. Dommage, jusques là, je m’étais régalé !

Braises  de Grazia Deledda  ( 1871 - 1936 )

Originaire de Sardaigne, titulaire du Prix Nobel de littérature, Grazia Deledda fait partie de la littérature classique italienne, « Braises » n’est peut-être pas son œuvre majeure mais n’en demeure pas moins un livre important dans lequel elle brosse un portrait de son île à laquelle elle semble vraiment attachée. « Braises », c’est l’histoire d’un enfant de l’adultère, abandonné très tôt par sa mère et qui est obsédé par cette mère absente qu’il hait et qui lui fait honte. Comme l’auteur, l’enfant, devenu adulte, quitte l’île pour construire sa vie sur le continent mais garde toujours en lui cette image de la mère qu’il veut sauver et après bien des épreuves, il trouvera peut-être, sous les cendres de son passé, une nouvelle raison d’espérer et construire une vie plus paisible.

Le Christ s’est arrêté à Eboli  de Carlo Levi  ( 1902 - 1975 )

Bien que quelque peu éclipsé par son homonyme Primo à l‘extérieur du pays, Carlo Levi est tout de même un écrivain très célèbre dans la Botte. Antifasciste notoire, il a été déporté par Mussolini dans le sud de l’Italie et assigné à résidence dans un petit village à proximité d’Eboli. Et, c’est là qu’il situe ce roman qui est plutôt une peinture de cette Italie du sud écrasée par le soleil où il ne se passe à peu près rien, où les jours s’écoulent lentement au rythme des saisons, où les gens sont trop pauvres pour payer des soins et où Carlo Lévi a passé son temps d’exil à soigner ces populations abandonnées de tous. Ces pauvres ères qu’il a fini par aimer comme il a aimé ce pays au point d’en faire le portrait sans oublier ceux qui se sont enrichis en partant travailler en Amérique ou en s’engageant sous la botte mussolinienne. Un portrait émouvant de ces populations fossilisées qui vivent encore comme au Moyen Age dans la peur, les croyances ancestrales, la saleté, la malaria, l’ignorance et la misère qui ont fini par l’émouvoir au point qu’il a failli poursuivre volontairement son exil.

Mal’aria  de Eraldo Baldini  ( 1952 - ... )

Dans les années trente, dans la plaine du Pô, la malaria sévit durement et les enfants sont particulièrement touchés. Quarante sont décédés des suites de cette fièvre sans que l’administration hospitalière soit informée. Le gouvernement décide alors de nommer un médecin pour évaluer la situation réelle et, éventuellement, les mesures à prendre. Le jeune médecin détaché par le ministère découvre une situation opaque, inquiétante, aggravée par la chaleur asphyxiante qui règne dans région. Plusieurs responsables médicaux sont décédés étrangement et même le curé a quitté les lieux. Baldini, qui est originaire de cette région, évoque le silence pesant qui règne dans les populations, les croyances qui sont plus fortes que la science et la superstition qui fait œuvre de religion. Sans oublier la clique mussolinienne qui n’est jamais bien loin et qui pourrait bien tirer quelques ficelles au moins.


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