Lucian Freud, pétrisseur de chair

Publié le 07 avril 2010 par Elisabeth1

L’exposition sur le peintre Lucian Freud, petit fils du psychanalyste Sigmund Freud, né à Berlin en 1922, et vivant depuis 1934 en Angleterre, au centre Pompidou, se décline en 4 parties.
Les connaisseurs se souviennent de l’énorme nu de Sue Tilley (Benefits Supervisor Sleeping) qui s’est vendu plus de 33 millions de dollars à New York, acquis par le russe Roman Abramovitch, et par la même occasion faisant de Lucian Freud l’artiste vivant le plus cher au monde.
Obcène, carnation, incarnation, obésité, particularités anatomiques, obésité, disproportions prononcées, genoux cagneux, seins qui tombent ou virilités emphatiques, endormis, lourds, les qualificatifs fusent, les avis sont contrastés. C’est une peinture figurative, faite d’empâtements plus ou moins épais, les couleurs malgré le sujet du nu agressif, sont douces : ocre, gris, brun, blanc.

Intérieur/extérieur :

L’exposition ouvre sur une toile qui rappelle le cheval de Maurizio Cattelan avec son arrière train dont là c’est la tête qui entre dans le mur à la Dogana, ici c’est un zèbre rouge et jaune qui pénètre à travers l’ouverture blanche d’une fenêtre sur un mur violet dans l’atelier du peintre, un canapé fatigué, qui fait penser à un piano, une plante, un tissu rouge abandonné, un pouf noir.

Il développe durant 3 décennies le même intérieur où il met en relation, ses personnages nus, il se concentre sur le thème de l’atelier avec les paysages urbains, sinistres, cassés, tristes, comme les corps, les animaux, magnifiques, chiens et plantes vertes.

Le corps allongé, en vue plongeante, des corps peints sans complaisance, dans leur vérité, obscène, une scène  surréaliste, étrange, un homme lisant, assis, sur un canapé, le chien fidèle couché à ses pieds, il est au premier plan, puis au second plan, un autre homme nu, donne le sein à un bébé, (Sigmund O secours !) dans un intérieur ocre, gris et blanc.

2 lutteurs japonais au-dessus du lavabo blanc, avec des marbrures avec les codes de couleurs de Freud comme sur les corps, bout de carte postale coupée, montre l’art d’un grand technicien.

Les chairs

Beauté de la ‘laideur’ de ses tableaux, il montre les chairs, distanciation et empathie,  puis l’ironie du thème du peintre surpris par une admiratrice, pathétique, thème cher à tous les peintres, avec son chevalet, elle est agenouillée et lui prend les jambes, (Zeus et Thétis), connotés, le chairs explosent. Il travaille sur les marbrures, chairs tuméfiées, yeux baissés, boîtes crâniennes. Il depeint au travers du corps les cicatrices de la vie jusqu’à la morbidité parfois, sans complaisance.
La granulosité de la peinture, trop de chair, sur la carnation la peau, la chair au sens organique, c’est aussi de l’écorché, femmes aux fesses énormes, il met à nu une réalité physique, cachée d’habitude, on en est un peu saturé, corps lourds endormis dans leur torpeur. Une impudeur qui peut coller à Freud, petit-fils de SF.

Les portraits

Quelques petits tableaux merveilleux, autoportraits, peints formats blancs à la Munch, au miroir, aux 2 enfants, portraits plus  grands, une certaine figuration d’ un travail académique, l’affiche à la Bacon n’est pas vraiment représentative de l’exposition, le reste est du Freud. Portraits toujours plus ressemblants. Autoportrait avec godillots et couteau de gladiateur
Le portrait inachevé de Bacon est éblouissant, pourquoi a t’il fini ses toiles ?.

Reprises


Il a beaucoup regardé la peinture, il reconstruit ainsi des scènes d’après des modèles célèbres :
After Chardin, After Cézanne, d’après un tableau de jeunesse de celui-ci, dont on peut trouver une photo David Dowson assistant de Freud , Constable, Courbet.

Voici ce qu’en écrit Philippe Dagen du Monde :

« On doit admirer la constance et la lucidité de l’artiste, qui a compris que, dans la société actuelle, le but suprême est d’imposer une marque, c’est-à-dire un petit nombre de caractéristiques immédiatement identifiables par tout un chacun. Dans son cas, il y en a trois : la légende d’un personnage réputé sauvage et inaccessible, presque un maudit, mais qui a peint les portraits du baron Thyssen et de la reine Elisabeth II ; l’exhibition de nus supposés choquants - qui ne choquent plus personne depuis longtemps - ; et l’exhibition d’un travail de peinture dont le visiteur a vite fait de comprendre qu’il doit être long et pénible.
……….Mais non, ce n’est pas de la grande peinture. Ce n’en est que le simulacre, fondé sur l’académisation conjointe de l’obscénité et du matiérisme……… »

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