Dix ans de déliquescences…

Publié le 27 novembre 2007 par Philippe Thomas

Poésie du samedi, 96

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Il paraît que Fraise des Bois a 10 ans ! C’est aujourd’hui en effet que François Hollande fête ses dix ans de mandat en tant que Premier secrétaire du Parti socialiste. Un dixième anniversaire sans tambour ni trompettes à Solférino, juste mentionné par les médias, alors que le Parti et ses idéaux vacillent entre avenir et souvenir. Bien évidemment, les uns et les autres ne privilégieront que ce qu’ils voudront bien retenir de cette décade (je sais, l’Académie préconise décennie, mais je préfère décade !) où l’on trouve l’échec cuisant de 2002, l’échec participatif de 2007, mais aussi les succès aux cantonales et régionales de 2004.

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Le hasard du calendrier a presque fait coïncider cet anniversaire avec le premier forum de la rénovation du PS, sur le thème de la nation, à Avignon. Ca n’a semble-t-il pas attiré grand monde, comme si au PS tout le monde avait la tête ailleurs (municipales obligent …) et que la rénovation n’était plus qu’une bouteille à encre éventée tout juste apte à sauver les apparences. Dans le même temps, c’est fou le nombre de beaux esprits de droite qui y vont de leur petite préconisation docte autant que commisérante pour que le PS évolue, sorte de son archaïsme, accepte la mondialisation, s’ouvre et se dilue sans doute…

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Si l’on considère les individualités et en particulier les éléphants, on se dit que ce parti réunit des tas de gens qui n’ont pas ou plus grand chose à se dire, entre aile droite et aile gauche qui battent cahin-caha, et entre gens se survivant à eux-mêmes ou survivant dans le parti par une sorte de force d’inertie. J’ai lu l’autre jour cette jolie rosserie à propos de Jack Lang, par un bon camarade dont j’ai oublié le nom : « Il fait semblant d’être toujours au PS et nous faisons semblant de croire qu’il y est encore. »


Du coup, alors que je suis tout prêt de verser dans un athéisme politique tout voltairien, je voudrais tout de même souhaiter un bon anniversaire à François Hollande. Parce qu’il aura marqué de son empreinte l’histoire du mouvement socialiste finissant (c’est la lutte finale…)  et, revu et corrigé par les humoristes, abondamment diverti le grand public (Canteloup encore ce matin sur Europe 1, parlant « en tant que premier célibataire du parti socialisse »… je sais, je suis bon public). Je l’ai rencontré une fois (sur le plateau de France Europe Express, le 15 novembre 2005) mais cette rencontre fut sans lendemain.
Bref, pour sa décade à la tête du PS, je lui dédie tout spécialement ce joli sonnet très fin de siècle, fin d’époque, fin de tout…

Décadents


Nos pères étaient forts, et leurs rêves ardents
S’envolaient d’un coup d’aile au pays de Lumière.
Nous dont la fleur dolente est la Rose Trémière,
Nous n’avons plus de coeur, nous n’avons plus de dents !

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Pauvres pantins avec un peu de son dedans,
Nous regardons, sans voir, la ferme et la fermière.
Nous renâclons devant la tâche coutumière,
Charlots trop amusés, ultimes Décadents.

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Mais, ô Mort du Désir ! Inappétence exquise !
Nous gardons le fumet d’une antique Marquise
Dont un Vase de Nuit parfume les Dessous !
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Être Gâteux, c’est toute une philosophie,
Nos nerfs et notre sang ne valent pas deux sous,
Notre cervelle, au vent d’Été, se liquéfie !

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Adoré Floupette, 1885. Les déliquescences

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Disons-le tout de suite : même si un certain Marius Tapora, pharmacien de Première classe (aux grands mots les grands remèdes, n’est-ce pas), a rédigé une « vie d’Adoré Floupette », le nommé Adoré Floupette n’a jamais vécu ! Une lecture étymologique fine de ce patronyme montrerait d’ailleurs que l’existence du porteur d’un tel blase était trop belle pour être honnête et somme toute, n’était que du vent…

Il s’agit en fait du pseudonyme de deux auteurs quelque peu oubliés, Gabriel Vicaire (Belfort, 1848 - ? 1900), grand chantre de la Bresse et petit Parnassien, et Henri Beauclair (Lisieux, 1860 – Paris, 1919) qui fut petit poète décadent et grand homme de presse (Le Petit Journal) et surtout amateur de parodies et pastiches (Les Horizontales, son pastiche de Victor Hugo). Je cite Floupette d’après l’édition parue dans l’excellente revue littéraire Plein Chant n° 24 (automne 1974) dont l’éditeur du texte, Martin du Bourg, a utilisé la seconde édition des Déliquescences (Paris, Jonquières, 1923).

Pour terminer sur une note plus gaie, osons donc une autre déliquescence, ce Sonnet libertin qui pose une bonne question, en ces temps de chute des idéaux : Que faire ?

Sonnet libertin

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Quand nous aurons, avec de bleus recueillements,
Pleuré de ce qui chante et ri de ce qui souffre,
Quand, du pied repoussés, rouleront dans le Gouffre,
Irrités et pervers, les Troubles incléments ;

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Que faire ? On doit laisser aux stupides amants
Les Balancements clairs et les Effervescences ;
Nous languirons emmi les idoines essences,
Évoquant la Roseur des futurs errements.

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Je mettrai dans l’or de tes prunelles blêmies
L’Inassouvissement des philtres de Cypris.
- Les roses de ton sein, qu’elles vont m’être amies !

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Et comme au temps où triomphait le grand Vestris,
Très dolents, nous ferons d’exquises infamies,
- Avec l’assentiment de ton Callybistris. -