Delphine de Vigan à Londres

Par Ogresse
Delphine de Vigan était à L’Institut Français de Londres la semaine dernière pour le lancement de ‘No and me’. J’attendais avec grande impatience cette auteure qui m’avait fait passer un très bon moment de lecture avec Les heures souterraines et qui m’en promettait bien d’autres avec ‘No et moi’ et ‘Les jolis garçons’ qui figurent déjà dans ma LAL.

Malgré un public d’à peine une vingtaine de personnes, j’ai perçu des frétillements d’excitation dans les couloirs de L’Institut, on chuchotait qu’elle était arrivée, qu’elle était nerveuse, que ses cheveux n’étaient pas comme il fallait et que ça l’agaçait.
A 19h30, Delphine de Vigan a poussé la porte de la médiathèque, belle amazone plantée dans des petites bottines marrons, avec des couleurs chaudes allant du miel au chocolat - la classe.
A 19h32, on a frisé l’incident diplomatique, une foule de presque vingt personnes demandait à ce que, pour une fois, la conférence se déroule en français. Agnès Catherine Poirier, la journaliste venue pour interviewer la romancière en a perdu son français et la lectrice de ‘No and me’ s’est vue attribuer le rôle de potiche. Ca commençait très fort…
Imperturbable, Delphine de Vigan a répondu aux questions qu’on lui posait avec force détails. Il y avait quelque chose d’académique dans ses réponses, de réfléchi, de préparé, de répété cent fois. Ce n’est pas un reproche, lorsqu’un livre comme ‘No et moi’ a autant de succès, il est assez facile de comprendre ce que cela représente d’interviews, de promo en librairies, dans les bibliothèques et les écoles en France mais aussi à l’étranger (ce roman a été traduit en vingt langues).
La genèse de ‘No et moi’ m’a particulièrement intéressée. D’abord écrit du point de vue No, ce roman a été refusé par son éditrice parce qu’elle sentait que Delphine de Vigan n’était pas allée jusqu’au bout d’elle-même avec cette histoire, qu’il lui manquait quelque chose. Furieuse, elle commencera à le réécrire quelques jours plus tard. Après avoir rédigé vingt pages, elle le donne à lire à sa fille de treize ans qui trouve le début formidable. Elle sait alors qu’elle est sur le bon chemin, qu’elle a trouvé la voix de sa narratrice.
Quatre mois avant la sortie du roman parait ‘L’élégance du hérisson’, un livre sur une petite fille précoce. Delphine de Vigan est morte d’angoisse car l’un de ses trois personnages principaux est une adolescente très en avance sur son âge…d’ailleurs bien que les deux romans soient très différents, elle n’a toujours pas osé lire le bestseller de Muriel Barbery (pourtant, les enfants précoces est un thème récurrent dans la littérature).
‘No et moi’ a eu le succès que l’on sait dans les pays francophones mais les réactions sont différentes selon les âges. Les adolescents trouvent le texte léger mais la fin décevante. Leurs parents, les adultes, perçoivent ce livre très différemment, et le voient très noir et considèrent son dénouement comme réaliste. Le langage utilisé est volontairement non périssable parce que compris par tous, peu importent les générations. De part et d’autre, c’est l’engouement - ‘No et moi’ sera couronné par Le prix des libraires en 2008.
Aujourd’hui, Delphine de Vigan vit exclusivement de sa plume et reconnait que si ses romans sont influencés par son vécu et ses expériences en entreprise, et que la possibilité de faire autre chose est tout à fait envisageable, elle a complètement conscience de la chance qui est la sienne. Lorsqu’elle travaillait encore, elle écrivait le soir lorsque ses enfants étaient au lit. Un matin, épuisée, elle est même arrivée au bureau avec deux chaussures totalement différentes !
Delphine de Vigan, comme beaucoup d’auteurs, ne pensent pas aux lecteurs, pas au moment de l’écriture. C’est difficile à entendre mais je crois avoir compris lors de cette soirée, au peu de regards qu’elle offrait au public, qu’elle avait besoin de cette distance, par timidité d’abord mais aussi parce que cela lui était nécessaire, essentiel, si elle voulait aller au bout de se qu’elle avait à dire.