Anthologie permanente : Joy Goswami

Par Florence Trocmé

Soleil de cendre (extraits) 
 
un paon mort en rêve 
la lune éclaire son corps 
 
des cactus envahissent 
la chambre sur le toit 
 
vieux oiseaux desséchés 
empalés sur piquants 
 
dans leur gorge gémissent 
des vents qui appellent 
 
le paon mort se dresse 
corps luisant de lucioles 
 
lune pendue à la chaîne 
sur une horloge noire 
 
chavire les arbres et  
la maison se décompose 
 
un paon mort en rêve 
ses yeux s’ouvrent clairs 



•  

fournaise force mes yeux à s’ouvrir. soulevant une strate 
du sable j’émerge. plus de glace sur les monts 
les arbres sont devenus bâtons 
la ville de fer aux briques noires une masse de boue et béton 
 
en roue géante le soleil éparpille son jaune pâle 
après ces millions d’années, le ciel est à bout 
son énergie consumée dans les airs 
 
autour un océan de sable, les mains jointes 
j’invoque le ciel : descends sur moi, 
               macule mon front de ton soleil de cendre 
 
• 
 
ce sont eux les cendreux, les éteints 
couve la braise dans leur bois 
 
semi-carbonisés enterrés sous les couches de vase 
ils fuient depuis des décennies 
 
chaque seconde est centuplée par le passage 
 
c’est mon travail aujourd’hui de sonder leurs lits 
les couvrir tendrement 
dans des draps de boue 
 
ce sont nos mères nos pères. je dois trouver leurs os 
creuser cent trous tombes tranchées, il faut 
fouiller des années de chagrin colère cendre et sang 
 
• 
 
les guerres défilent vers le passé 
empilant tertre sur tertre 
 
qui pointent dans le gel 
 
derrière eux les petites maisons 
arborent leurs lampes brillantes 
 
pour les êtres qu’elles ont perdus 
 
 
Joy Goswami, extraits de Suryo pora-chai, Ananda, Calcutta 1999 
Traduction du bengali par Jean-René Lassalle en recoupant deux traductions anglaises différentes avec l’original bengali. 
 
 
Par Jean-René Lassalle