La Hongrie, nation tronquée ?

Publié le 13 avril 2010 par Egea

Les récentes élections en Hongrie ont vu la droite Fidesz arriver au pouvoir, et le parti de droite radicale Jobbik atteindre environ 17 % des vois, en troisième position,juste derrière les socialistes.

Qu'apporte l'analyse géopolitique à ces résultats ?

1/ La Hongrie est une des premières expressions de la montée des nations, au XIX° siècle, à la suite de l'invention nationale par la France révolutionnaire. On sait que les Magyars envahisseurs se sont installés jadis ( IX° siècle) dans le bassin des Carpates. Ils suivent les aléas de l'Europe centrale pour rejoindre l'empire des Habsbourg.C'est la double monarchie,K und K, Kaiserische und Königische. La Hongrie constitue un des éléments de la puissance austro-hongroise au XIX° siècle, et dominent un certains nombres de pays alentours : Bohême, Croatie, Ruthénie, confins roumains, et bientôt Bosnie Herzégovine. (voir ici histoire de Hongrie)

2/ Le traité de Versailles clôt la Première guerre mondiale : ou plutôt, s'agissant de la Hongrie, le traité de Trianon. Le royaume hongrois perd quasiment les deux tiers de son territoire, avec la fragmentation nationales (un des points de Wilson). Les Hongrois sont les perdants de la guerre. Surtout, ils liassent d'importantes minorités dans tous les pays alentours.

3/ A la suite de la deuxième guerre mondiale, la Hongrie tombe sous le joug communiste : on sait la révolution de Budapest en 1956, et l'espèce de résignation qui s'en était ensuivi. D'ailleurs, c'est la Hongrie qui donne le coup qui allait précipiter la chute du mur de Berlin, en abattant la frontière avec ses voisins occidentaux : la fuite des Est-Allemands à l'été 1989 déclenche les événements qu'on sait.

4/ La chute du mur, la fin du pacte de Varsovie, la réunification européenne sonnent la fin de la deuxième guerre mondiale. Il faut donc désormais guérir les lacunes de la première : c'est ce à quoi nous assistons aujourd'hui. Le malaise hongrois rend publics les inachèvements du traité de Versailles.

5/ A cet héritage historique, qui se traduit par des minorités hongroises, s'ajoutent les difficultés de l'heure : le populisme que j'ai évoqué par ailleurs (ici et ici). Et le raidissement des voisins (Slovaquie, mais aussi Roumanie voire Serbie/Voïvodine) en posant la question hongroise à l'extérieur, amènent logiquement à la poser à l'intérieur du pays. A cela s'ajoute une crise économique et une rigueur imposée par les circonstances et les prêts du FMI, et vous aurez compris les raisons du malaise. Somme toute, Jobbik ne fait que 17 %.

6/ Du coup, on va chercher sa propre minorité, en l"occurrence les Roms..... Et voilà comment une minorité, traditionnellement errante et que le communisme avait plus ou moins fixée grâce à l'organisation collectiviste (travail de masse même s'il est peu productif). La rejointe des standards économiques occidentaux force la suppression de ces emplois, et donc l'appauvrissement des Roms...

7/ Ces élections expriment ainsi l'héritage de nœuds anciens, et des difficultés tout à fait nouvelles, à la fois nationales, régionales (les minorités) et européennes (la crise). Autant dire qu'il ne sera pas facile de répondre à tous ces défis simultanément.

O. Kempf