Deux pékins au Yunnan (3/4): le paradis retrouvé

Publié le 16 avril 2010 par Aurélien
Lundi 5 avril
Yunnan capitale des papilles ! Petit-déjeuner de 包子 (Baozi, petits pains fourrés), puis 4 heures de car pour Yunlong. Paysages de montagnes, de rizières comme dans le Guizhou, mais sur une terre rouge. Au fond, une rivière boueuse : le Mékong ? Nouveau déjeuner délicieux (brocolis et haricots frits, bœuf coupiché). Le car malmène mon estomac.
Minibus aux prix irrationnels. Quelle rationalité quand l’étranger déverse ses pépettes ? Equivalent d’un loto permanent, ou en creux d’une rafale de crises financières.
Vue de Taijitu : la rivière dessine en deux méandres un yin et un yang. Au milieu : collines, village, rizières. C’est troublant.
Nous montons alors à Nuodeng, vieux village de l’ethnie Bai. L’atmosphère paisible, l’air calme et chaud, le son des clarines et le chant des oiseaux, la sienne de la terre et la pierre des bâtisses, l’escarpement des lieux, la paix des toits courbes, les tortueux escaliers de pierre, une vieille maison à cour tournée en chambres d’hôtes, les cris d’une école primaire, le sourire des enfants, le regard des vieillards et le soir qui descend nous convainquent d’y rester quelque temps.
En haut de la colline, non restauré, un temple de Confucius, au calme souverain.
Première leçon de Tai Chi Chuan : un tiers de la première partie. Tel un pantin, accroché aux « fils du Ciel »…
Il n’y a pas de temple plus beau en Chine, seulement des temples plus restaurés.
« Le Bouddhisme est l’Un [l’introspection], le Christianisme est le Deux [la relation à l’Autre]». Et le Taoïsme, le Zéro ?
Poules de basse-cour, poules de haute cour, caquètent.
Après nous être restaurés (辣猪et wosuan du village), lecture tranquille. Tee-shirt blanc séchant accroché flottant au fil à linge qui longe le premier étage d’un côté de cour.
La télé : seul objet dans le village dont le soir ne gêne pas l’utilisation. Le petit est devant la télé.
La poubelle du repas : la chienne de la maison, 13 ans, petite et tachetée. Son fils : un grand gros chien de 5 mois.
Les lanternes flottent dans le vent, au centre une bougie électrique.
Mardi 6 avril
Addition du dîner de la veille : 50 kuai. Le jardin donne des œufs d’or.
Balade dans les collines en face. Muletiers. Terre rouge sous le vert franc des pins, mise au jour dans les champs : sur les collines cultivées, de grandes plaques de terre ocre sont cernées de vert. C’est si beau qu’on se croirait dans le Sud de la France (dit-il l'air sérieux).
Les alentours aux jumelles : dans le rond de l’objectif, une forêt parfaite – pins réguliers sans trop l’être, d’un beau vert franc, aqueux, aux petites touffes blotties dans la distance.
Déjeuner : 方便面 (nouilles rapides) à Wangmusi. Une Chinoise comme on en fait peu : nez droit, front bombé au quart de tour – bien sûr l’œil pratique.
Beaucoup de chiens, qui protègent des intrus. Pays sur la défensive. Petit temple (d’où : 王母寺) : taoïste ? confucianiste ? Une villageoise d'une grande obligeance nous y accompagne car nous ne pouvons le trouver.
En revenant, une jeune fille nous invite à prendre le thé. Elle retient ses molosses pour nous laisser entrer. Jolie, vivante, visage à la fois tout en courbes et aux traits volontaires, souriante, arrivée ici l’an passé. Née à Nanning, dix années de jeunesse à Canton. Que viens-tu faire ici ?
On visite quelques maisons millénaires, juste comme ça. Beaux frontons. Dans l’une d’entre elles, une stèle datant des Ming, stèle bouddhiste, gardée par un couple de vieillards fiers. Six enfants. Lui soldat au Tibet en 1956. On dit bravo. Elle nous montre des chaussures de poupée : celles de sa grand-mère.
Rentrés : noix du jardin (un arbre : 15 jours de travail pour 1000-3000 kuai), dîner végétarien et tai-chi sur la terrasse. Le gouvernement donne aux villageois une subvention de 260 kuai par mu contre l’engagement de ne pas cultiver de maïs. Cela ne vaut pas pour les collines alentour, qui font du maïs sous la dépendance exclusive de la pluviométrie.
Le car est le cheval d’aujourd’hui : il travaille, je fatigue.
Trajet pénible vers Jianchuan. A la pause, excellentes galettes aux herbes ou à la confiture ( !), dans l’esprit des nan indiens. Panne de moteur et longue attente. Huit heures de route cahoteuse au lieu de cinq-six prévues.
 
A Jianchuan, aimable parc public avec pins, temple et pagodes. Dehors, une allée de pisé serpente parmi les maisons Ming et Qing. Pas grande finesse dans les sculptures, pas grande variété dans les motifs, mais une unique belle forme d’ensemble.