mauve

Par Montaigne0860

L’ange tend le bras en direction d’un versant (où gît dit-on le tombeau de Brunehaut) : un mauve tout de bois vêtu s’étend à contre-jour sur le dos de la colline ; d’où vient-il ? Il me dit : ce lieu est à peine caressé par le nouveau soleil. Je suis allé y mesurer mes pas : ce n’est que gel et feuilles froissées, les arbres attendent. – Qu’attendent-ils ? – Que la terre basculant davantage sur son axe dépasse suffisamment l’équinoxe de printemps pour que le soleil atteigne le creux du vallon où l’hiver couve encore. Les bourgeons qui se serrent et tremblent encore vont éclater graduellement sous les rayons à venir. Il sera temps pour le mauve de s’effacer devant le vert qui guette, toute tendresse contenue ; la couleur froide se mêlant à l’ocre nouveau dégagera les limbes repliés et c’est alors que le printemps l’emportera sur cette trace d’hiver persistante.

Je pensais qu’il en avait terminé et comme je retournais à mes travaux d’écriture sur la belle saison il murmura comme pour lui-même : il est une cinquième saison entre la nuit et l’éclat où nous allons sans savoir (comme je vole entre ciel et terre). C’est un temps d’avant que nous portons en nous entre le froid bleu et l’ardeur rouge de nos intériorités vives ; quelque part avant la naissance, nous demeurons dans l’attente du soleil, de la pleine saison parlée où la raison se déploie, se déplie, à l’image de ces feuilles en gésine, tassées, mille serrements qui se feront verts, le vert du monde naissant. Ce temps mauve, lui, est en nous, ce bois encore gelé nous dit le silence évité des oiseaux et fui des fleurs, c’est avant la parole, un instant retenu qui rappelle ta page et mes ailes blanches. Ce mauve est nécessaire à l’explosion des voix.