Exploités, sans-papiers, ils saisissent les Prud’hommes, Par Virginie Coutière

Publié le 18 avril 2010 par Unpeudetao

 
Les travailleurs sans-papiers avec leur avocat

En octobre dernier, la police avait interpellé les travailleurs au noir de la société ASTIC, chargée du nettoyage des restaurants Mc Donald's. Parmi eux se trouvaient des personnes en situation irrégulière. Depuis, l'entreprise a été mise en liquidation judiciaire pour travail dissimulé. Jeudi 15 avril, 30 demandes de salariés, dont 20 sans-papiers, ont été déposées auprès des prud'hommes pour obtenir réparation.

Jusqu'en octobre 2009, la société de nettoyage ASTIC, prestataires des restaurants Mc Donald's de Lyon a employé un grand nombre de travailleurs au noir, jusqu'à ce que l'URSSAF et la police mettent fin à cette pratique. C'est à la suite d'une descente de police simultanées dans plusieurs restaurants de France, le 7 octobre, que les autorités découvrent qu'un certain nombre de ces employés sont en situation irrégulière. Une information judiciaire est ouverte par le juge d'instruction à Mulhouse et la société est placée en liquidation judiciaire pour travail dissimulé. Elle laisse un grand nombre de ses employés au chômage. Ces derniers se tournent alors vers la CGT pour porter l'affaire en justice.

Jeudi, trente demandes de dommages et intérêts dont vingt provenant de salariés sans papiers ont été déposées au conseil de prud'hommes. Leur objectif est de faire reconnaître l'existence d'un contrat de travail et de bénéficier des droits sociaux inhérents. Principal obstacle cependant : le manque de preuves et de documents attestant l'activité des employés, en particulier celle des travailleurs sans-papiers. « C'est un problème de fait et non de droit. On doit pouvoir démontrer et prouver que les salariés sans-papiers ont travaillé dans la société avec des documents ou des témoignages. » affirme leur avocat, Me Pierre Masanovic.

L'exploitation d'un main d'œuvre illégale

Sur les dix-sept employés sans-papiers, cinq ont été régularisés par la préfecture avant ou après la liquidation de l'entreprise. Parmi eux, Kakinan Kaziko, Congolais de 32 ans qui vit en France depuis 2004. La même année, il est embauché par ASTIC et payé, comme tous les autres, 36 euros pour huit heures de travail de nuit. N'étant pas déclaré, son salaire est versé par chèque. « Je cherchais quelqu'un pour m'aider à encaisser les chèques », explique-t-il.
Il dénonce des conditions de travail difficiles : heures supplémentaires non rémunérées, bas salaire, horaires pénibles, etc. Situation que Pierre Masanovic qualifie d' « exploitation ». Comme beaucoup, Kakinan reçoit également de fausses fiches de paie. Rien ne change lorsqu'en 2008 il est régularisé pour raison familiale. Il demande alors à son employeur d'être déclaré. Après un premier refus, ASTIC s'exécute au bout de trois mois sans augmenter son salaire. Quand Kakinan demande un CDI et une augmentation de salaire en juin 2009, l'entreprise ne renouvelle pas son contrat et il se retrouve alors sans emploi.
Depuis, Kakinan peine, comme beaucoup, à retrouver un nouveau travail, enchaînant les petits boulots en intérim. Seuls trois ou quatre salariés réguliers ont été réembauchés par la société qui a repris le chantier de nettoyage.

Un argument pour la régularisation

Cette demande aux Conseil de prud'hommes représente donc un double enjeu pour les salariés sans-papiers ou qui étaient en situation irrégulière au moment des faits. Pour Kakinan, cela représente quatre ans de travail dans l'illégalité. « Il s'agit de faire reconnaître le travail des sans-papiers au même titre que celui des autres salariés », explique Pierre Coquan, secrétaire général de la CGT du Rhône. Pour les personnes encore en situation irrégulière, cette reconnaissance permettrait ainsi d'appuyer leur demande de régularisation même si, en dernier lieu, la décision revient à la préfecture. C'est en ce sens qu'ils avaient déjà manifesté en novembre au Mc Donald's de la Part-Dieu. Les délégués syndicaux ont néanmoins bon espoir de voir les salariés indemnisés malgré une date d'audience tardive, fixée au 23 mai 2011.

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