Cunégonde au-dessous du volcan 2

Publié le 19 avril 2010 par Porky

Scène 2

LES MEMES plus DAKTARI, LA MADONE DES DESHERITES, LA LANGOUREUSE ARIELLE 

(Daktari entre, l'air très sûr de lui. On distingue deux silhouettes à la porte, dont l'une est tout en blanc.)

 LE PRESIDENT

Ah, te voilà enfin ! (Regardant la porte) Mais que vois-je à l'entrée ?

Cette affreuse couleur qui me fait frissonner

Annonce la venue de cet autre fléau

Appelé la Madone ; elle en veut à ma peau.

LA MADONE (s'avançant, suivie de la Langoureuse Arielle)

Calme-toi, Président. Je suis là en amie.

LE PRESIDENT (Ouvrant un tiroir de son bureau et pointant un révolver sur La Madone)

Plus un pas ou je tire !

LA MADONE (Levant les mains)

                                   Ah, vraiment, je te dis...

LE PRESIDENT

Qu'on fouille cette femme ! Elle a dans son grand sac

De quoi nous faire ici un beau coup de Jarnac.

LA MADONE

Arrête ton délire, écoute-moi un peu :

Je ne suis pas venue...

LE PRESIDENT (A Fifi)

                                 Qu'on note ses aveux !

LA MADONE

Mais ce maudit volcan l'a rendu hystérique !

Pose cette arme à feu ; tu es trop colérique.

LA LANGOUREUSE ARIELLE

Entendez donc au moins ce qu'elle veut vous dire.

LE PRESIDENT (Tournant son arme vers la Langoureuse)

Toi, la décolorée, tu veux te faire occire ?

LA LANGOUREUSE ARIELLE (reculant)

Grand Dieu, non !

FIFI (Ayant pendant ce temps fouillé le sac et les poches de la Madone)

                              Elle n'a rien, Seigneur. Pas de bombe.

LA MADONE (Outrée)

Quand je te le disais !

LE PRESIDENT (Baissant son révolver)

                                    Tu creuserais ma tombe

Si ça pouvais servir à te faire grimper

Aux plus hauts des sommets, à savoir L'Elysée.

LA MADONE

Vrai, quelle calomnie ! Moi qui venais ici

T'apporter mon soutien, soulager tes soucis !

LE PRESIDENT

Soulager mes soucis !  Elle en a de bien bonnes !

FEFE DE BROADWAY

Ecoutons-la, Seigneur.

LE PRESIDENT

                                   Soit. Alors, la Madone ?

LA MADONE

Mon cher Féfé, bonjour. Vous allez bien, je vois.

FEFE DE BROADWAY

Tout à fait bien, merci.

LA MADONE

                                      On dirait l'autrefois,

Lorsque nous déjeunions dans le jardin charmant

De votre oncle béni avec tous vos parents.

FEFE DE BROADWAY

Temps révolu, ma douce, et déjà oublié.

LA MADONE

La mémoire chez vous est assez atrophiée.

FEFE DE BROADWAY

Oui, on vieillit, hélas, et tout vous abandonne.

Ne restez pas debout.

LE PRESIDENT

                                  C'est fini, la gorgone ?

Vas-tu enfin parler et nous dire pourquoi

Tu es venue ici semer un tel émoi ?

LA MADONE (S'asseyant)

Vous n'allez pas me croire, or c'est la vérité.

Cette nuit j'ai dormi et j'ai même rêvé.

Je voyais le volcan, assis sur ses talons,

Il fumait à tout va, comme dans un salon,

Envoyant dans les airs un panache mortel

Qui faisait s'écrouler notre tour de Babel.

Je m'approchais de lui, tombais à ses genoux

Et lui disais « Seigneur, je comprends le courroux

Qui vous conduit ainsi à nous faire la guerre.

Mais soyez généreux, et puis soyez sincère :

Qu'avons-nous donc tant fait pour mériter ainsi

De voir en un seul jour périr l'économie ? »

Il ne répondait pas, et sans me regarder

Muet comme une tombe il crachait sa fumée.

Je me mis à pleurer ; mes larmes en tombant

Sur la cendre épandue grésillaient doucement.

LE PRESIDENT (bas, à Fifi)

Qu'elle soit endormie ou bien fort réveillée,

Cela ne change rien, elle est vraiment piquée.

LA MADONE (se levant, ton de plus en exalté)

Et puis, du haut du ciel, tonna sa grosse voix.

Je l'entendis, Seigneur, tout comme je vous vois.

Il disait « mon courroux ne date pas d'hier*

Vous fîtes tant de mal, vous montrâtes si fiers

Envers cette nature appelée votre mère

Que je ne pus vraiment retenir ma colère.

Tremblez, fils et filles de cette auguste sphère :

Votre heure est donc venue : Sombrez dans la poussière !

Que vos avions pourris s'écrasent sur le sol !

Que votre économie en enfer dégringole !

Que votre monde entier, par mon ire vaincu

Agonise en pleurant, et tombe sur le cul ! »

Levant les mains vers lui, éperdue de douleur,

Je criai ma souffrance et toute mon horreur.

Ma voix dut l'adoucir ; car il baissa les yeux

Et me dit calmement : « Mais le remède existe :

Dis à ton Président et à ses arrivistes

Que s'ils viennent céans faire amende honorable

Je pourrais bien, qui sait, me montrer plus traitable

Et cesser de cracher mon venin enfumé

Destiné, par ma foi, à vous faire crever. »

J'aurais voulu avoir bien plus de précisions

Mais il a fait un geste et adieu la vision.

Je me suis réveillée, j'étais dans mon grand lit

Mais je me souvenais de ce qu'il avait dit.

Je suis donc accourue dans ce lieu vénéré

Pour remplir ma mission et tout te raconter.

(A suivre)