S'installer comme infirmier libéral : le pour et le contre...

Publié le 23 avril 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Bon puisque ce sujet semble vous intéresser et à la suite du message précèdent voici donc mon j'aime/j'aime pas du libéral

J'aime

- Être seul maitre à bord : 
Pas de surveillante (oui je n'ai eu que des problèmes avec elles, je ne cherche pas à généraliser mais c'est un fait)
Je choisis MON matériel de soin et de bureau (et oui je m'offre que des trucs de luxe comme de buterfly pour les iv, je sais exactement ce qu'il y a dans mes placard et je sais TOUJOURS "où est cette putain d'agrafeuse") (oui je sais ça a l'air idiot comme réponse mais tous ceux qui bossent en hôpital me comprendront)

- Être payé pour ce que je fais :
Au bout d'un moment dans ma clinique précédente j'ai fini par réaliser qu'en salariat, à salaire égal, c'est toujours celles qui en font le moins qui sont les plus payées et ça m'agaçait, je n'aime pas bosser comme ça...

- Les relations avec les patients "en milieu naturel":
Oui c'est plus dur, oui ça oblige à s'adapter mais je trouve les rapports plus sains et plus directs (plus intéressants aussi..) que quand ils sont sur notre territoire repliés dans leur lit et qu'on a tout le pouvoir en somme...

-Travailler en extérieur:
J'adore voir passer les saisons, la vie dans la ville, le soleil, la nuit, la neige (enfin quand je peux rouler dessus hein), noël qui approche, les vacances... C'est compliqué a expliquer mais avec cet exercice je me sens "connecté au vrai monde", sentiment que j'avais perdu quand je travaillais dans un service climatisé...

- La relation avec les patients:
Dans certaines familles je passe pendant des mois voire des années donc forcement, même si je mets le maximum possible de protection, on finit par faire partie du paysage, on connait bien les gens, on fait de vraies rencontres... Et pour moi la rencontre avec les gens c'est ce qui m'intéresse le plus dans mon métier, bien plus que la technicité des soins en tous cas (et d'ailleurs il vaut mieux car, bon, en fait je fais essentiellement des toilettes alors...)

-La ""liberté"":
Je mets douze guillemets car c'est un mot un peu galvaudé dans notre exercice et surtout c'est une liberté assez relative... Mais bon j'aime assez pouvoir m'adapter aux horaires des patients (madame D veut voir sa messe le dimanche donc je la fais à la place de madame z le dimanche par exemple) sans faire de drame ni devoir remplir 1200 papiers en 4 exemplaires... J'aime bien aussi, si j'en ai besoin, pouvoir passer un coup de fil perso ou m'arrêter acheter le pain pendant la tournée sans que personne ne me prenne la tête... J'aime bien bosser simplement en fait...

- Le travail en équipe réduite:
C'est un euphémisme car on est 2 dans mon cabinet... ;)) Mais là encore c'est parce que j'ai eu de mauvaises expériences en clinique : autant le travail en équipe peut vous porter parfois, autant quand tout le babil autour des potins et des salaires prend votre moindre seconde hors des chambres, c'est lourd... tellllemment lourd....et fatiguant... Alors le soir autant je veux bien être crevé parce que j'ai vu beaucoup de monde, autant avoir une céphalée parce que Monique a hurlé contre la direction pendant 8 heures, non...

- Le temps pour moi

Ben oui paradoxalement mes horaires décalées me laissent beaucoup de temps pour moi (puisque je n'ai plus de vie sociale), du coup je peux écrire et lire à ma guise... En plus je suis seul dans ma bagnole toute la journée et donc j'écoute les cd que je veux (voire même je vous l'avoue : je chantonne, si, si je chantonne dans ma voiture)... Résultat je suis un télérama en musique et livres à moi tout seul...Merci le libéral !!

- Voir des patients qui vont bien

J'adore quand je passe chez des gens pas trop trop malades (genre pour un anticoagulant ou un petit pansement)... Du coup on papote, on rigole, on fume des clopes et ils me parlent un peu de leur vie tout ça... Le mieux, le top du top c'est quand on m'appelle pour me dire que les bébés de la femme dont j'ai fait la stimulation ovarienne (souvent pendant des semaines) sont nés et que tout va bien... Bon c'est rare... Mais qu'est ce que c'est bien...

- Visiter des appartements et faire des soins dans des endroits de dingos

Comme endroit de dingo où j'ai fait des soins : Hôtel de (super) luxe, stade vide (ou j'ai même vu se monter la scène de Jony si madame), zénith vide (impressionnant), hypermarché et top du top :plateau de tournage d'une série de m6 (série qui en fait à fait un flop mais bon...) ( je faisais ma piqure sur le divan dans le décor du salon avec les caméras devant moi... éteintes hein)...Évidemment c'est rare et ça n'a rien à voir avec mon métier mais j'adore ça et ça me détend la tête...

Pour les appartements, j'en ai tellement vu que je pense que je pourrais me reconvertir en agent immobilier : je connais les top résidences, les pas top, celles qui payent pas de mine, celles qui ont une piscine, une vue de folie, un parc etc... Je visite aussi des hôtels particuliers (avez vous déjà vu une vraie "porte cochère"?) et des endroits avec une déco de folie pure (notamment l'hôtel d'un antiquaire ou je ne savais même pas où poser mon manteau... Sur la console Louis XVI? ah d'accord...). J'ai donc la chance par mon métier de toucher du doigt à la fois l'extrême richesse (c'est l'infirmier? Excusez moi je passe un peignoir je faisais des longueurs dans la piscine intérieure) et l'extrême précarité (y compris vivre dans 11 m2 avec un chien, y compris les sans papier qui vivent dans des aparts sordides dans des immeubles insalubres loués un bras par des marchands de sommeil)... Cette richesse là, cette vision là de la société (que je pense assez peu de monde partage de façon aussi transversale) m'apporte donc sincèrement beaucoup...

J'aime pas

- La pluie:
Je pense que la pluie devrait être interdite les jours ou je bosse, voilà. Parce que c'est trop râlant de se prendre un abat d'eau à 7 heures et d'être mouillé toute la mâtinée.

- Tout le rapport mercantile:
Au delà du fait de se faire payer par les patients qui m'a un peu "perturbé" au début (mais plus maintenant parce que j'ai un cœur de pierre ah ah) c'est surtout le coté "markéting" qui me pèse... Et non en libéral on ne fait vraiment pas ce qu'on veut et tel patient parce qu'il est envoyé par tel médecin avec qui on bosse bien (et qu'on veut pas qu'il appelle quelqu'un d'autre) on doit le prendre quoi qu'il arrive... On doit aussi être "toujours sympa" avec les pharmacies (qui filent nos cartes de visite), on doit se faire bien voir par la direction de telle maison de retraite, on doit prendre madame z parce que c'est la copine de madame y qui est la directrice du club du quartier, on doit, on doit... On doit se faire bien voir au delà de la qualité de son boulot... Et moi je déteste faire ça... D'ailleurs j'y suis complètement nul (quand j'essaye de me vendre j'y crois tellement pas, je suis tellement mal à l'aise que ça stresse tout le monde) et d'ailleurs ça me joue des tours..

- Ne pas être maitre de mes revenus : C'est très difficile pour les nerfs mais les patients arrivent et partent... par vagues (!). Du coup vos revenus suivent... Et du coup quand vous êtes dans un creux vous ne pouvez vous empêcher de psychoter (et si on a dit du mal de moi? Et si une nouvelle s'est installée? Et si le docteur X nous déteste et si...???).C'est très usant car si vous vous laissez partir vous oscillez en permanence entre coup de bourre et angoisse totale... 

- La solitude:
Évidemment c'est le coté obscur de la force: pas d'équipe qui te saoule avec ses horaires c'est aussi pas d'équipe pour parler quand ça va mal...

- L'administratif :
Envoyer 20 fois les mêmes papiers aux mêmes caisses qui refusent de comprendre p*** que ça me saoule !!! La compta c'est pas très compliqué (et puis j'ai un comptable...) mais c'est chiant, sans intérêt... et à faire pendant les repos...

- Les horaires et surtout l'impact sur ta vie sociale:
Bon j'y reviens pas, on va encore dire que je veux faire pleurer dans les chaumières ;))

-Une certaine proximité avec les patients:
Quand le patient meure et que vous le suivez depuis des années, que vous faites "partie du paysage" ben c'est pas drôle du tout et avec le temps, ça pèse... Quand vous faites vos courses et qu'on vous arrête pour prendre un rendez-vous ou vous faire voir un bilan bio, idem...

- La dépendance réelle à votre collègue :
On est deux donc si il y en a un qui chie dans la colle c'est l'autre qui ramasse... En ce moment ça se passe très très bien avec ma collègue mais ce ne fut pas toujours le cas... (et alors là bonjour la prise de tête...)

Bon allez 10 à 8, bilan clair, pour l'instant je continue...
;)))