Nous devons penser le monde d’après-crise et opérer une rupture

Publié le 23 avril 2010 par Chamault

Les socialistes débattent et proposent

Interview dans Libération de Pierre Moscovici qui détaille son rapport appelant à «un socialisme de la production» et néanmoins écologique.

Vingt-deux pages pour renouveler le logiciel du PS. Le texte pour un «Nouveau modèle économique social et écologique» présenté, hier soir, au bureau national devrait être validé par les militants, dans la foulée du conseil national qui aura lieu le 27 avril. Chargé de piloter ce «travail collectif», Pierre Moscovici, député du Doubs, en livre les principaux éléments.
Quelle est la philosophie du «nouveau modèle» que vous proposez ?
Avec Martine Aubry, nous sommes partis d’une question : quel modèle de développement, quels changements profonds de société les socialistes peuvent-ils proposer ? Notre conviction, c’est que la crise et ses bouleversements appellent à bâtir une alternative. Il y a une rupture à opérer : nous devons penser le monde d’après.
Cela passe par le volontarisme comme troisième voie, entre libéralisme et le retour aux nationalisations…
Je ne m’inscris pas dans ces catégories. Ce que nous voulons, c’est que ce nouveau modèle soit fidèle à nos valeurs de toujours (la recherche de l’égalité, la démocratie sociale et politique, le progrès, la régulation, l’internationalisme, l’engagement européen), mais en privilégiant fortement le long terme et en tâchant de bâtir une société du bien-être.
Est-ce cela que Martine Aubry nomme la «société du soin» ?
Nous souhaitons bien sûr que chacun puisse avoir un emploi et davantage de pouvoir d’achat, mais aussi acquérir les moyens de son épanouissement personnel. En somme, une société où l’on prépare le développement durable, où l’on prend soin des autres, de soi et de la collectivité.
Cela ne vous enferme-t-il pas dans le socialisme compassionnel ?
Pas de caricature ! Notre approche est multidimensionnelle. Elle est économique, avec un socialisme de la production, mettant fortement l’accent sur le volontarisme économique et la modification écologique de nos modes de production et de consommation. Elle est sociale, avec le rétablissement de la justice fiscale, via la création d’un grand impôt citoyen progressif qui marie l’actuel impôt sur le revenu et la CSG, ou avec une fiscalité plus intelligente du patrimoine.
Comment mettre en œuvre ce socialisme de la production ?
Traditionnellement, le socialisme c’est la redistribution, la justice sociale et fiscale. Nous conservons cela, mais nous partons d’un autre postulat : on ne peut redistribuer que ce que l’on a produit. Il n’y a pas d’économie forte sans industrie forte. Il faut donc construire un nouveau modèle productif, afin d’aboutir à une croissance qui soit durable, sélective et qui privilégie les biens communs. Le volontarisme, en la matière, consiste à ce que la puissance publique vienne épauler le marché dans le soutien du système productif. Cela se traduit par une proposition centrale : créer un «pôle public d’investissement industriel», regroupant les outils existants actuellement, dont la vocation sera d’aider l’industrie avec une politique de filière, attentive aux PME et TPE, mais aussi aux sites de production à reconvertir ou à conforter.
Quid de la régulation de la finance ?
Nous voulons une réforme d’ensemble du système financier : limiter la taille des établissements voués à la spéculation, séparer les activités de dépôt et d’investissement, mettre en place une agence de notation publique sous l’égide de l’Eurogroupe. Nous sommes favorables à une taxe Tobin [sur les mouvements de capitaux, ndlr].
Comment y parvenir «sans changer les traités européens» comme l’indique votre texte ?
Ne relançons pas la querelle ! Les institutions européennes marquent des progrès encore insuffisants. Ce qui compte, c’est ce qu’on en fait. Nous voulons un gouvernement économique européen, une coordination plus forte des politiques économiques nationales, une augmentation du budget communautaire pour la solidarité et la modernisation de l’économie, un instrument de type Fonds monétaire européen : tout cela est possible sans modification des traités. Ce qu’il faut changer, et fortement, c’est l’orientation politique.
En quoi votre projet est-il plus écolo ?

Incontestablement, on trouvera dans ce texte un véritable tournant social-écologique, avec pour idée de changer les modes de production et de consommation en se fondant sur la qualité, l’utilité et la durabilité des produits. Et ce par une fiscalité écologique bien calibrée et une TVA écomodulable, pouvant faire l’objet de baisses ciblées selon des critères environnementaux.

 

Ce texte est-il une façon de tordre le coup à l’antienne d’un PS «sans projet» ?

 La gauche, depuis les régionales, est placée devant l’ardente obligation de préparer l’alternance. Celle-ci n’est pas automatique, mais elle est devenue possible. C’est pourquoi nous avons besoin d’un projet conquérant et crédible, conscient de la situation des finances publiques de la France et qui puisse nous rassembler et convaincre.